jeudi 22 janvier 2015

       Une vie de chien malade     
Tout te semble loin, hors de portée, perdu définitivement pour tes faibles moyens. Tu te sens une humeur de valet, de trompe-l’œil, de rince-doigts et de trousseau de toilette. Rien à vrai dire, une mauvaise position, infime dans son ampleur, sur le manche du violon et tout est faussé. Que de blagounettes, de pirouettes, de chansonnettes répétées de mille façons, mais sans aucun sens. Que d'édifices ridicules ! Ils finissent par tuer...

Tu survis et tu vis dans l'attente d'une chose négative, presque vomitive, qui te laissera juste le temps de sauver les meubles, en gardant le mouron. 
Un rire de commande viendra ponctuer ton silence de temps à autre, le plus souvent devant une niaiserie télévisuelle. 
Alors tu plongeras dans notre pseudo-bonheur, la grosse cuillère en argent de nos appétences, de notre sordide attirance pour une certaine avidité, primale et définitive. 
Déchéance des déchéances, ton front deviendra soucieux, tes rides se creuseront, tes années passant te rapprocheront d'un tombeau irrésistible, celui de tes jeunes années. Nous nous retrouverons, autour de la table, déjà loin de la fleur de l'âge, déjà fanés, vieux et avachis. 
Notre silhouette deviendra morbide, notre regard hâve, nous serons livides, comme nos draps froissés. 
Nous aurons gagné le souffle second, comme des Napoléon-le-Petit du second empire, décriés par les Hugo de notre époque, nous aurons gagné la mort au loto, lui serrerons la main dans une posture sans gloriole, sans destin, dans une persistance chagrine, une consistance involontaire. Nous serons gangrenés, comme étriqués, par la bêtise. 
Mort ordinaire de gens ordinaires, dans un quartier ordinaire, et pour des gens ordinaires, voilà une gloire qu'on ne nous enlèvera que difficilement, et qui nous auréolera de son nimbe éclaté. 
Car la méchanceté, au fond, restera comme une arête, en nous, dans la gorge des loups du soir. Vengeance du mal sur le bien. Un accident bête parachève ce genre d'existence. Nous serons définitivement refaits. 
Nous aurons cueilli les derniers brins de thym en fleur de notre épopée familiale pernicieuse et falote.
Mais, peut-être, tout cela, au fond, vaut mieux que toute cette corruption dont on a chaulé les murs de notre arrière-monde.
Certainement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire