Il
nous faut écrire, car c’est vital, mais écrire sans la moindre
goutte d’illusion, car le rapprochement des cœurs est comme
interdit, banni dans l’épaisseur des draps de la petite mort qui
nous atteint, non, nous transforme de loin en loin, nous les adultes souvent habitués à la brouille, ce goût horrible qui nous déporte, qui
nous chasse, nous rejette dans les limbes du non-dit et l’enfer du non dicible.
Un soir tranquille sur la ville... |
Ecrire, c'est brûler, quand on le fait avec passion, d'un feu intérieur |
Le squatteur intérieur est enfermé
dans ses retranchements. Il vit encore certes, mais il n’a pas le
droit ni la chance de sortir, il se meurt peu à peu dans les
couloirs sans fin du for intime. Nous nous évitons.
Pas de procès,
pas de délit, pas de peine. Une sorte de halo nous indique vaguement
que quelqu’un s’éclaire à la bougie dans notre moi, mais au
fond on n’y prête pas attention, parce que le temps estompe la
conscience de l’autre et nous oblige à demeurer assis quand le
théâtre d’ombres se gîte au fond de nous.
qui se communique parfois à l'autre |
Écrire
un blog serait-il la solution ? Car écrire sans être lu, voilà
une espèce de gymnastique en solitaire, une série
d’exercices sans vraie solution. On oublie les gestes et les procédures.
Dans le flou d’une photo de brouillard dans la montagne, dans les
brouillons bouillonnants de la vie… la montagne, quelle ironie du
sort, ne répond plus à mes cris que par un écho mauve et faible,
une sorte de vague parnassien ouaté, ou une espèce de rythme à la
Ray Charles, dans la chanson Georgia on my mind par exemple,
car le frère est peut-être ou plutôt sûrement un être
fantastique qu’on a perdu jeune, comme Ray, et qui ne correspond
plus avec nous d’aucune manière, à première vue. Mais qui nous correspond pourtant, quand on y réfléchit mieux, étonnamment. Il habite ce pays lointain que les kilomètres carrés
de caractères griffonnés même avec acharnement ne permettent pas
d’atteindre. Le loin est une barrière infranchissable quand le
temps s’ajoute à la distance. Il y a un mur de Planck au fond de
chacun de nous, sans doute. Nous aurions pu être autres, eût-il été
loisible de le devenir.
Décrivant sans doute la passion dans ce qu'elle peut avoir parfois de destructeur et d'exclusif, le poète Eluard a écrit :
Pour vivre ici
Je fis un feu, l'azur m'ayant abandonné
Un feu pour être son ami,
Un feu pour m'introduire dans la nuit d'hiver
Un feu pour vivre mieux.
Je lui donnai ce que le jour m'avait donné :
Les forêts, les buissons, les champs de blé, les vignes,
Les nids et leurs oiseaux, les maisons et leurs clés,
Les insectes, les fleurs, les fourrures, les fêtes.
Je vécus au seul bruit des flammes crépitantes
Au seul parfum de leur chaleur ;
J'étais comme un bateau coulant dans l'eau fermée,
Comme un mort je n'avais qu'un unique élément.
Paul Eluard, Le Livre ouvert, 1940
Décrivant sans doute la passion dans ce qu'elle peut avoir parfois de destructeur et d'exclusif, le poète Eluard a écrit :
Pour vivre ici
Je fis un feu, l'azur m'ayant abandonné
Un feu pour être son ami,
Un feu pour m'introduire dans la nuit d'hiver
Un feu pour vivre mieux.
Je lui donnai ce que le jour m'avait donné :
Les forêts, les buissons, les champs de blé, les vignes,
Les nids et leurs oiseaux, les maisons et leurs clés,
Les insectes, les fleurs, les fourrures, les fêtes.
Je vécus au seul bruit des flammes crépitantes
Au seul parfum de leur chaleur ;
J'étais comme un bateau coulant dans l'eau fermée,
Comme un mort je n'avais qu'un unique élément.
Paul Eluard, Le Livre ouvert, 1940
Aurore... presque boréale... |
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