dimanche 15 octobre 2017

Un empire donné...






je donnerais un empire pour que rien n'empire

les animaux en voie de désagrégation structure s'évanouissent doucement dans le lointain proche

et tous les fabricants de drogues par vaccins interposés se pâment à l'idée d'en découdre

un homme est mort sur le pavé

comme une source vitale de sentiments si blets

que tous les oripeaux de lumière étamée

semblent iriser les photographismes de l'oubli

un dard dans la peau pour toute éternité

la sensation oblongue-oblique de tant de charmeurs de serpents

une sorte de dictionnaire de rimes pour l'infiniment grand

et toute les bibliothèques de Babel dans le rift du vantail

je remise mon effroi dans les hymnes bachiques
Ajouter une légende

et tous les battements de paupières telluriques

sont des enfants gâtés à l'arbre de tes mains

je donnerais volontiers

la moitié du passé

pour que plus rien n'empire

dans la prairie du monde

et dans le despotat indépendant de l'Épire

mais casser le passé c'est atteindre l'avenir

et il nous faut ruser avec le temps qui fuit

et relire les plaisirs minuscules

de Philippe Delerm

pour construire des édicules

de véritables épidermes

sensibles à l'or noir de la nuit






jeudi 12 octobre 2017

Père, voilà pourquoi...





Mon p'tit papa, tu la voyais pas comme ça ta vie, tu la voyais pas comme ça.

Tu avais monté ton entreprise, à la fin des années 40 ou au début des années 50, le Crédit Philatélique de France et Colonies, C. Banque de France PARIS N° 048010889, C. C. Postaux Paris N° 546.261, immatriculée par le Ministère des Finances sous le n° 766.7510.90596, au Registre du Tribunal de Commerce de la Seine N° 359.091 B, Siège social : 9, Rue Fromentin, Paris, dans le neuvième arrondissement, tout près du Métro Pigalle, où je suis descendu plusieurs fois sans toutefois aller voir sur place où se trouvait ton magasin, maintenant un peu connu à travers ce blog...


Essayez de jouer les numéros de compte à la loterie... peut-être
aurez-vous un lot de consolation... © M. MM


C'était uniquement pour essayer de sortir de la misère, pour construire un mini-Empire aux portes de la Finance.

C'était uniquement pour nourrir ta famille, et tes espoirs de réussite, lesquels te faisaient vivre et te dépasser à bien des égards, toi, sans instruction, sans certificat d'études, sans connaissance approfondie du droit.

Tu faisais des contrats de souscription à 30 ans avec des placements à intérêt progressif, de 6.50 à 8.50 % par an, mais ça n'a pas plu, tu penses bien, à ces magnats de la Banque, à ces manitous de la Finance, à ces vauriens en col blanc, bardés de diplômes et de relations en tout genre (et comme le gaz à cette époque, à tous les étages...)^et tu t'es vu accusé de monter un système pyramidal, de placements où les nouveaux placements payaient les intérêts des anciens...

Tu voulais juste fuir la misère, tu n'étais pas instruit des rouages de la vie, tu venais de Treffendel, en Bretagne, tes parents vivaient dans une ferme au sol de terre battue, 

Tu n'avais pas la force physique de continuer l'exploitation de la ferme, tu voulais t'en sortir, tu voulais vivre... normalement, avec si possible une place dans la société des gens "normaux", des gens "bien"... des gens qui ont pignon sur rue.

Tu t'es retrouvé à l'ombre, tu as été emprisonné pour ton entreprise, ton avocat a été lâchement tué si l'on t'en croit, tu n'as plus eu que toi et ton faible bagage pour te défendre,  vaillamment tu t'es battu, tu as perdu contre les grands très argentés, tu as tout perdu... sauf ton courage de reconstruire : tes vignes, tes maisons, tes placements...


© M. MM
Mais quand tu es sorti de prison, tu as fini par TOUT rembourser aux gens qui t'avaient fait confiance, tu as TOUT réglé pour ne rien devoir à personne. 

Tu as gagné ta bataille - symboliquement parlant, tu t'es montré valeureux et fort, malgré tes faibles moyens, malgré tes limites et ta maladie.

Tu as compensé tes pertes, et la perte de ta santé, en faisant des enfants et en reprenant ton métier premier : coiffeur...

C'est toi qui m'as dit tout cela, mais peut-être as-tu caché des choses, je peux comprendre ça, peut-être as-tu déformé les faits, je peux accepter ça, parce que tu avais été profondément humilié dans cette affaire, tu avais été traité comme un chien, et pire même qu'un chien battu.

Je suis fier de ce que tu as fait, en cette affaire, et si après tu es devenu ce que tu es devenu, je te pardonne, de tout mon cœur, parce que tu étais, tu es pour moi un homme courageux, qui as élevé tes enfants en trimant comme un gueux.

Voilà ce que je voulais te dire aujourd'hui, mon père.







mercredi 11 octobre 2017

Le SDF et le bisness (suite)






Holà l'ami ! comment vas-tu aujourd'hui ? 

- ma foi, ça peut aller comme on dit.

T'as du nouveau à me dire concernant le bisness ???

- Ouais y faut savoir que ces gens-là y mégotent pas quand ils y vont. J'voudrais pas te causer des ennuis...

T'inquiète on est entre nous, je serai muet comme la tombe...

- Ben voilà ya kek temps qu'j'ai pas de news du beau monde, mais ya peu encore quand ils avaient fait le coup, ils disaient : "Je suis passé par un tunnel cet après'm..."

Je suis passé par un tunnel, un tunnel... un tunnel d'autoroute ???


© M. MM Le bout du tunnel...
- Parfois oui, le tunnel de l'autoroute, mais pas seulement, parce que... sur les aires, on s'arrête... et dans la campagne, ya des cabanes... enfin, tu vois.

Ah ouais je vois, les Anglais ont déjà ce système depuis longtemps. Du moins c'est ce qu'on peut lire dans les romans...

- Oui ma foi je vois qu't'es au jus d'la combine. Enfin, ils font c'qu'ils veulent tous ces braves gens, moi ça m'indiffère. Tant qu'on fait pas vraiment partie du jeu, on n'est pas sûr à cent pour cent de ses règles... J'voudrais juste te dire : te laisse pas entraîner par le courant, on sait jamais.

Ah bon, tu veux dire que je pourrais finir comme toi ?

- Non, c'est pas ce que je veux dire... non je veux juste dire : on sait jamais... c'est juste comme ça qu'je t'le dis...

Okay boy, j'essaierai de faire gaffe... voilà ta pièce pour le repas...

- Et motus, surtout n'en parle pas

Tu peux compter sur moi.

J'avais quand même envie d'en parler, voilà pourquoi vous me voyez écrire sur ce blog ces quelques propos éraillés. Et je me suis promis que la prochaine fois j'essaierais d'aller encore un peu plus loin avec Dédé.






mardi 10 octobre 2017

Le SDF et le bisness












© M. MM

Holà vagabond, où cours-tu comme ça l'ami ?
- Je cherche à fuir un monde que j'honnis, ça te dérange ?

Et pourquoi SDF sans abri, n'aimes-tu pas ce monde où tu es né ?
- Je vais tenter pour une fois de t'expliquer...

Et notre comparse, d'habitude muet au coin de la rue du Paradis, pas loin de la Canebière, se mit à déblatérer les choses suivantes, que je vous livre telles quelles :

- J'ai voyagé longtemps, j'ai usé les pavés de toutes les rues d'Europe et j'ai appris une chose : il y a un secret très important et très bien gardé dans les contrées.

Ah bon, et quel secret, peux-tu m'éclairer le lucernaire ?

- Eh bien il y a un secret que partagent un certain nombre de personnes dans un certain nombre d'endroits... je vais t'expliquer. 
Les gens qui font certains gestes, par exemple qui remontent leurs manches légèrement ou adoptent des attitudes songeuses - ça c'était avant, les codes évoluent avec le temps -, qui, s'ils ont une veste font un geste comme s'ils voulaient la fermer partiellement, ces gens en fait font une proposition : on peut avoir des relations avec eux, pourquoi pas une pipe ou un saute-mouton...

Tu es sûr ? Tu délires pas mon vieux ? T'as eu ta dose ce matin ?

- Ah ça ! Toi aussi, tu en fais donc partie de ces prostitués qui nient la réalité ??

Comment ça prostitués ? Si c'est entre personnes adultes et consentantes que ça se passe - à supposer que ce soit vrai-, qu'est-ce que tu chantes là mon vieux frère ??

- Eh bien, c'est simple, si tu es en panne de véhicule par exemple, il faut savoir "parler" avec tes mains au garagiste... et passer à l'acte dans la pièce protégée... sinon tintin, tu risques bien de te faire arnaquer : c'est pas une forme de prostitution ça ? Je te donne un service si tu couches avec moi, c'est aussi simple que ça ! Dès qu'il y a une contrepartie en nature ou en espèces... ça devient craignos c'est moi le SDF du quartier qui te le dis, j'ai fait 5 ans de criminologie...

C'est si grave que ça ? C'est pas des beurdineries ?
Tu es sûr de ça mon gars ? Et après tout pourquoi tu ne marches pas dans leurs combines après tout pas trop méchantes ? T'as qu'à faire ce qu'ils exigent de toi mon enfant...

- C'est que j'ai été châtré quand j'étais bébé. Je suis eunuque, si tu vois ce que c'est. Et tout ça ne m'intéresse pas, je suis pas une serpillière ni un torchon crado, même si je suis mal fagoté. J'ai comme qui dirait ma dignité...

Ah ! mon pauvre ! Voilà pourquoi tu uses tes souliers sur les trottoirs endommagés... de toutes les villes pas trop froides...

- Oui, je suis un gars condamné à errer parce que je suis né différent, parce que je suis privé des avantages que procurent leur sexualité sans âme, leurs relations sans amour, leurs amitiés intéressées.

Je comprends lui dis-je et une petite pièce je lui filai... avec un sentiment mêlé et un regard fuyant.

C'est tout ce que j'ai pu tirer de mon sans domicile fixe pour le moment, mais une prochaine fois je vais essayer d'avoir quelques explications supplémentaires, après tout moi aussi je suis étranger, j'aimerais connaître les us et coutumes du pays... alors suite à la prochaine rencontre : je crois qu'on va bien se marrer... à peu de frais, car ça me semble un doux délire, tout ce galimatias...




dimanche 8 octobre 2017

Père, pourquoi...





Un jour, papa, tu m'as dit : "Que veux-tu, c'est une fin de vie..."

Une fin de vie, pensai-je, ou de non-vie, un terme qui se prolonge pour une longue promenade en soi-même, une errance intérieure et externe avec comme seul but : survivre, opiniâtrement, une année, un mois, une semaine, un jour, une heure de plus, un instant supplémentaire pour une coudée d'existence solitaire... parmi les hommes.

Dans ta longévité tu voyais un signe de l'amour de Dieu pour toi, humble et obscur coiffeur auto-formé, sorti d'une bourgade inconnue de Bretagne, Treffendel, et émigré dans son propre pays...

Tu avais fait tes armes contre plus fort que toi, tu voyais dans ta vie un signe de la toute relative prospérité que le Créateur accorde parfois, comme on le croit parfois volontiers dans la religion protestante.


Une météorite visuelle... © M. MM
Protestant, tu le fus dans l'âme et dès ta Communion dans l'église dominante.

Tu ne te reconnaissais pas dans le faste hypocrite de façade d'une Eglise que tu appelais "La Catholique".

Et tu as cherché ta vie durant une religion qui fût bonne à tes yeux, suffisamment structurante et structurée tout en étant à visage humain...

Tu as cru trouver cette foi dans une religion minoritaire, mais jamais tu n'as su t'abstraire de tes expériences mystiques personnelles, pour adhérer pleinement à un corps de doctrines établi, qui niait le mysticisme au fond.




mercredi 4 octobre 2017

Petites remarques de rien...





Un enfant anonyme
Si en Martinique on pense que celui qui garde sa barbe a sûrement quelque chose à cacher, alors oui dans un sens nous sommes tous barbus, et si nous nous rasons, c’est que justement nous voulons paraître n’avoir rien à dissimuler, ce qui est le début de l’hypocrisie, peut-on dire en manière de boutade. Dixit l'imprévisible de nos replis stratégiques...



Si nos péchés étaient inscrits sur notre front, le vieux proverbe irlandais le dit sagement, nous sortirions vite nous acheter un chapeau, même si nous étions les plus justes des hommes. 

Sagement, ou intelligemment, nos erreurs sont dans un sac à dos (elles nous pèsent sur les épaules), tandis que nos réussites sont sur notre tête, ou autour de notre cou, en guirlandes mises en valeur.

Quand on ne se fait pas agresser pour nous les dérober...

Il m’a fallu bien des errements pour arriver à la conclusion que tout cela est vanité et poursuite de vide, exhalaison de l'âme et buée de condensation. 

(...)

Alors il faut trouver un juste compromis entre mémoire et vérité, entre désir de paraître (paraître, ce que j’exècre au fond) et besoin de s’exposer, fût-ce aux quolibets et aux hypocoristiques décadents de la vindicte publique.

Décadence, aujourd’hui je rime avec toi, comme un non-fumeur qui appréciait l’odeur du tabac et les tabagies des pubs (avant que la loi ne vienne mettre de l’ordre dans ce melting-pot d’émanations). 

Un air de déjà-vu, délicieux de confondante illusion, de plongée directe et désorientée dans un indéfini passé, dans l’instant précédent où notre configuration mentale, nos zones « allumées » dans l’ensemble du cerveau étaient les mêmes, exactement. 

D’où ce temps retrouvé, en décadence diraient les grammairiens guillaumistes, et non plus en ascendance, comme à l’habitude.





dimanche 1 octobre 2017

Père, pourquoi... (suite)





Torturé au fond de toi-même, papa, tu l'as été, comme tenaillé par la faim et la soif de richesses, de confort matériel, de sécurité intérieure et extérieure.

Toujours mal assis sur la selle de ta mobylette, oeuvrant par tous les temps pour un gagne-pain difficile, difficultueux même, pour des clients rassis par l'âge, dans des communes éloignées de Saulieu, Liernais, Thoisy-la-Berchère, papa, tu essayais (vainement ?) de trouver une sortie, une issue à ta précarité fondamentale.

Issue que tu as trouvé en fin de vie, grâce à ta maigre retraite d'artisan et d'ancien combattant.

Brancardier de toi-même, hospitalisé à domicile en quelque sorte à la fin, papa, tu as été le baron de Münchhausen qui réussissait paraît-il à se soulever lui-même en se tirant par les cheveux, mais toi c'est grâce aux cheveux de tes clients fidèles que tu as réussi à vaincre la pesanteur de la pauvreté.



(à suivre)

jeudi 28 septembre 2017

Père, pourquoi... (suite)






Mais la maison ne fut jamais noire et silencieuse, elle se remplit de ces flèches dont le Psaume décrit l'intérêt pour le "carquois" d'un homme de tous les temps. 

La maison, ta maison, ton oeuvre, la réussite (partielle) de ta vie, l'aboutissement de ton travail et l'extrême point focal de ta route.

Père, tu étais un raconteur d'histoires, un raconteur de ton histoire, tu y mettais un point d'honneur, enrobant tes palabres de digressions qui me paraissaient le plus souvent inintéressantes, mais que tu savais émettre dans ton style inimitable, ta verve hachée, tes cheminements dispersés, souvent des impasses que tu ne contournais jamais, et dont tu sortais en escaladant le mur du fond.
© M. MM

Histoires de la guerre, de la grandeur minime d'un fils de fermier breton qui s'essaie - et parvient de temps en temps - à retirer son épingle du jeu, à défaut de réellement tirer les marrons chauds du feu.

Des histoires sans fin, à vous abrutir l'âme, des histoires vraies mais tellement rapiécées, tellement en manteau d'Arlequin, qu'il ne m'était permis ni d'en voir le bout ni de les retenir dans leur entièreté, dans leur déroulement, souvent en dehors de toute chronologie fiable, hors de tout ancrage apparent dans le prosaïsme de la réalité.

Quand un griot meurt en Afrique, c'est une bibliothèque qui disparaît.

Quand tu es décédé, c'est un pan de mur de bibliothèque qui s'est écroulé, avec ses livres adossés dans un ordre secret contre, tout contre, les balèvres en saillie de ta mémoire torturée.

(à suivre) 




mercredi 27 septembre 2017

Chien qui manque à l'appel pour avoir oublié de geindre...



© M.MM


Les autres ne sont pas notre enfer parce qu'ils sont les autres ; ils créent notre enfer lorsqu'ils n'acceptent pas d'entrer en relation avec nous. Albert Jacquard.


Là-bas le vent étoffe les premières étoiles. Il reste des candélabres sur la table noircie des siècles où traînent des miettes endolories et rabougries. les interstices se font énormes et le visage du temps est pareil à celui de tous les autres jours.

Non, tu n'es pas mon frère, qui crois me connaître. (...) Je ne bougerai plus et le matin se changera en soir, l'airain du ciel résonnera comme une écumoire dans un charivari.

Les dents sont trop usées pour parler vérité. A force de salissures toi qui es bien placée, survivras-tu mieux à l'orage qui glapira sur le loin ? 

Non, ne peux y croire : comme l'herbe fauchée tu étincelles de rosées éphémères. Comme l'arbrisseau d'un coup cassé te voici t'efforçant de paraître aussi belle qu'avant. Mais la stature est perdue.

Tes fleurs antan d'ornement sont là, flétries, comme pour misère combler... Ta tige est froide au vent d'été et elle ne remue plus sinon sous les souliers des gamins qui t'écrasent...

L'escargot te conquiert. La limace t'englue. La limace m'enchante...




samedi 23 septembre 2017





Père, c'est ainsi que tu te désignais toi-même, en appelant ton épouse "votre mère", décrivant ainsi son état civil de manière juste et appropriée (sur le plan purement psychologique) : ne plus considérer ses enfants comme des petits, mais déjà comme des grands, même si encore seulement appelés à le devenir...

Père, ce mot résume le sens d'une vie, car si tu étais, papa, désireux d'une chose, et c'était là sûrement la meilleure manière pour toi de traduire ton amour, cette chose était de transmettre. 

Transmettre, transférer sur tes enfants tes désirs inassouvis, incomplets, de réussite et d'insertion dans la société. 

Transmettre, à défaut d'affection montrée, ton amour par le peu de biens, par le maigre capital que tu leur laisserais à ta mort. 

Tu voulais qu'on se souvienne de toi en bien, qu'on garde de toi cette lumière froide et blanche de l'argent, ton agalma à toi, le suc même de ton âme, la quintessence de ta vie.

Il est vrai que tu en as tellement manqué. 

Le manque du manque, c'est pour les riches...


© M.MM
(...) Mais tu trouvais dans les Psaumes des paroles consolantes qui t'attiraient magnétiquement, tu étais abreuvé du même sentiment de persécution que laisse parfois transparaître David dans ses chants, poèmes à la puissance séculaire, millénaire même, et hymnes au Triomphe du Bien sur le néant du mal.

Trimer, c'est un mot que tu affectionnais. 

Tu as tellement trimé, tellement peiné (mais ce mot faible ne traduit pas bien le trimard que fut ta longue vie, ce chemin où tu besognais et t'escagassais à marcher, avec tes pieds plats et ton âme blessée, avec tes mains pulpeuses et flétries par tant de tâches usantes et tant d'années à œuvrer) tu as tellement trimé, dis-je que rien que d'y penser, nous autres tes enfants, qui avons partagé, par la force des choses, les conséquences funestes de ton parcours, nous devrions soupirer, sangloter, pleurer, geindre, oui gémir, sur ton sort, empêtrés que nous fûmes dans les aléas de tes itinéraires, poussant comme nous pouvions à la roue, toi esquinté par la vie, nous estropiés par cette faute, par ce méfait que fut ton procès aux conséquences accablantes pour toi, et débilitantes pour nous et pour notre mère.




mercredi 20 septembre 2017

Encore envie de vomir...




"Je n'ai pas une violence, c'est un arbre de violences." 
28', 20/09/2017 Grand témoin, La Colombie, une histoire de la violence.


Mais que ne suffit-il de prendre la plume et d’épancher son âme même sur le premier papier venu, pour faire œuvre d’écrivain !!! 

Mes inspirations sont en panne sèche, au chômage technique, je n’ai plus confiance en moi pour ce qui est de connaître le bonheur d’écrire, puis de recopier en corrigeant, en apportant ici une précision, là une pensée nouvelle, plus loin un paragraphe entier, un bourgeonnement de qualité ou un surgeon de vérités. 

Les mots sont des traîtres à apprivoiser, ils trahissent la pensée, ils sont faibles et assez goguenards, ils font gémir l’ensemble du texte, dans une dérisoire connivence avec l’auteur - cette sorte de connivence me soumet et me domine, ce qui la rend non pas libre –ô illusoire liberté- mais serve, non pas seigneurie, mais vassalité, non pas affranchie, mais esclave, car elle se sert de moi comme de son maître, alors que je n’ai aucun pouvoir pour la libérer !! 

Il me semble au contraire que toutes les choses sont teintées par elle, glauques de son fait, terreuses par son soc ; tel un araire elle creuse un sillon maigre et superficiel que les mots même n’ensemencent ni ne fécondent. 

Car la mauvaise herbe idéelle ne fait pas gazon, mais elle est hérissée d’épines et de chardons, de buissonneuses contradictions nous empêchent souvent de progresser, et nous nous contentons alors de peu de choses pour être heureux, de cette misère qui rend malade et asservit, et qui n’anoblit pas le cœur torve. 

Combien y a-t-il de mots dans mon vocabulaire ? 

Je pense peu en mots, mais ce sont des impressions, souvent les mêmes, qui guident mon stylo et ce sont des sentiments isolés qui bleuissent mon ciel. 


© M.MM
Par nuages, sans grande révolte, sans orage… je suis cotonneux comme un cumulonimbus. 

Y a-t-il une grève dans les airs, les aiguilleurs du ciel vont-ils tarir mes voies commerciales, et des traînées de vapeur d’eau vont-elles disparaître pour de bon faute de véhicules supersoniques pour les créer ?

Bof, je suis à quia (encore une expression scripturaire sans vie). 

Encore un mot mort. 

J’aurais besoin de voyager ! pour me changer les idées justement.



Je suis inquiet et las. 

J’ai encore envie de vomir.





dimanche 17 septembre 2017

Le Camisard et le Philosophe





"Pendant plus de vingt ans d'une histoire démentielle, perdu sans secours, comme tous les hommes de mon âge, dans les convulsions du temps, j'ai été soutenu ainsi par le sentiment obscur qu'écrire était aujourd'hui un honneur, parce que cet acte obligeait, et obligeait à ne pas écrire seulement. Il m'obligeait particulièrement à porter, tel que j'étais et selon mes forces, avec tous ceux qui vivaient la même histoire, le malheur et l'espérance que nous partagions." A. CAMUS, Discours de Suède, 10 décembre 1957. (Ed. Gallimard)



Ces propos du Camisard de la philosophie de l'absurde, semblent s'appliquer de manière particulière à ma propre histoire.

Et dans le rendez-vous bihebdomadaire avec vous, lecteur, qui prend peu à peu une place sacrée,  au moins dans ma vie, il y a cette idée importante je crois de partage d'une pensée encore influencée (encore encore !!) par l'idéologie ambiante.

S'arracher à son contexte - et à son co-texte - est un effort quasi surhumain pour moi, tenter de se porter vers des hauteurs sublimes par le seul jeu des signifiants ne semble même pas m'être permis.

Je ne suis pas un Mallarmé, je suis le maigre traducteur de mes propres infinitésimaux, comme victime de la subjectivité envahissante et dirons-nous, coronaire sans thrombose apparente.

(...)

Le temps, demandez-moi ce que c'est, sinon une portion d'âme, un animal caché par une froide journée d'hiver, au creux blotti de nos replis intimes.

© MMM
Dans la constellation des items catalogués, le temps est une virgule, un appendice nasal qui nous permet de respirer dans la pause transitoire et le tourment de fonds, et de sentir la vie sourdre en soi et hors soi, dans la pause et la tmèse de la phrase longue et sybilline de notre vie et aussi dans le tourment des événements pressés ou empressés qui trament notre état d'existants.

Le Temps retrouvé, un livre qui toujours dès la première occurrence de son titre dans ma prime jeunesse, m'a toujours paru être un majestueux et déjà célèbre bas-relief, le soubassement d'un Temple grandiose, un hymne à l'anti-mort, une sorte de camouflet littéraire ou littéral à la non-existence.

Virgule, non-existence, mort, résurrection par le mot.

L'écriture comme ressource et bâti, l'écriture comme retouche et parti.



jeudi 14 septembre 2017

Onirisme et Cie





Un homme au regard de couleuvre
Faisait ses rimes dans son grand-oeuvre
Quand soudain un rire fusa à l'horizon du jour
Et l'emporta dans la grand'fièvre de l'amour

Un lézard se prénommait Aristide
Il était gros comme si gravide
Et dans le rythme lent des après-midis
Il dormait au soleil de la vie

Une orange semblait coupée en tranches
Pour le fin fond de nos dimanches
Et elle roulait des mécaniques
En lançant des regards magiques

Pour ceux qui m'auraient pas compris
Tenez-vous pour dit l'inédit
Et pour les autres Garde à vous !
Les morts sont déjà presque debout...


14 septembre 2017

lundi 11 septembre 2017

Un agrégat de mots ensommeillés







Un agrégat de mots dans les stupres invisibles (et par là invincibles), que ma foi dégingandée connaît depuis longtemps, un ramassis mielleux et dégoulinant de clichés en forme de constats d’huissier (constats qui détaillent dans leurs listes interminables le mélange éclectique et désopilant des résidus de toute sorte qui s’accumulent dans la cage d’un escalier où j’ai tout de même un droit de passage), tout un monde, bref, entre pissotière et dépotoir, tout un monde qui constitue la maison où je vis. 

Car je vis dans une antre, entre des morceaux d’immeubles gigantesques, dans une bicoque qui a un peu du charme d’une masure, mais qui peu à peu se décompose, se divertit, s’interdit. 

Mon univers s’écroule sans bruit dans une dégringolade qui tient de la débâcle autant que de la déhiscence, il s’abrutit dans le doux devenir de mon âme (la chute de la maison Usher ?) car je réponds à sa désagrégation par mes pertes, physiques, de lambeaux d’une peau malade, de relâchements de sphincters et de gaz par tous les orifices de ma carcasse, et psychique, mes trous de mémoire et mes hésitations, mes lapsus et mes mésalliances verbales, dans le grand fourbis de l’avant-veille d’une fin de l’histoire. 


Dégénérescence, quand tu nous tiens… reste de conciliabule aux fortes prises de becs, aux mâchoires d’acier trempé, aux insoupçonnables inimitiés, traduites dans les atermoiements, les retards à l’allumage, les habits déchirés à l’entre-jambes. 

Rester seul après tant d’années passées à rêvasser dans l’oblique maison adossée aux rivières sombres, appuyée au roc suintant d’humidités généreuses et gavées à force de fendre la pierre, comme un nez qui coule, atteint d’une rhinite due à l’envahissement de l’entourage immédiat, comme un désir contenu mais plus puissant que la pulsion de la vie, une sève à vous bâtir des arbres plurimillénaires. 

Autant dire multimillionnaires.
Pourtant, je ne crois plus à ce que j’écris. 

Le sommeil me fuit, qui résistait avant à l’usine du temps. 

Délit, usure ou chienlit, éternité drue, passage à gué dans une rue inondée, monde inversé. 

Urinoirs de nos passions pour d’autres fonds de pension, pour le débit liquide de l’horizon, sorte de paillasson du dieu soleil, pour pénétrer appuyer sur le bouton ouvre-porte, et laisser entrer la chaleur immonde d’une belle journée.

J’écris mais je ploie sous le poids des mots, sous la chute des eaux, la machine à sous me sert une rasade, je rejoue.



mercredi 6 septembre 2017

A moitié pardonnée...




Conseil de lecture : "Ce que parler veut dire" de P. Bourdieu


Parler n'est pas dire et dire n'est pas avouer. 

Il semble alors qu'on se noie dans un verre d'eau déjà à moitié vide. 

Pour ma part, j'obtempère aux requêtes répétées, insistantes, incisives même, de mon moral en bas d'échelle. 

Car le premier degré de l'écriture c'est celui au-dessus du zéro absolu, c'est une agitation minimale, un minimum de propriétés foncières et foncièrement mortes. 

Je crois à l'absolu donc, à la frondaison ou à la limite de verdure qui signale l'Amazonie sur les mappemondes, au bord du Fleuve impassible et tiède, infesté de piranhas, ou de barracudas, je ne sais pas, et qui rend la vie à sa frontière.

Reste à parier sur le néant, à ne plus reculer face aux gouffres (dont a si bien parlé H. Michaux), qui donnent le change à mes peurs sans objet, je veux dire sans objection. 

J'écris pour me remeubler l'intérieur, qui en a tant besoin après les vacuités et les déserts hurlants que j'ai dû traverser. 

J'écris pour toi, pour ton amitié volée, toi qui vois la trame de ma pensée dans le filigrane de cette page. 

Le désert et ses serpents sans sonnette, et la mer dont toutes les vagues de cette crique qui circonscrit mon livre, sont semblables et différentes à la fois, comme mes pensées sont pareilles et difficilement différentiables dans le vrac de mon cerveau atrophié et rabougri par la maladie. 

Tu es ma psychanalyste et mon cœur s'abrite en toi, il reprend un peu de couleurs après avoir été tellement délavé, battu et rebattu comme un jeu de cartes écornées et presque déchirées. 

Les soleils, les gros temps, les vents et toutes les intempéries (et les intempérances) l'ont tanné, étiolé, balafré, scarifié, exposé mille fois à la mort certaine, le renoncement à toute vie.




C'est dire si je suis en train de me remettre de mes espoirs endoloris, de mon passage lancinant chez les sans-logis, les sans-amour, les sans-« être ». 


Je brame, je rée, j'appelle l'amie qui pourrait me rejoindre dans mon alcôve secrète, dans mon garni perdu, sauvage et nécessaire, mais qui me semble parfois à jamais dépeuplé par fatalité irrévocable.


lundi 4 septembre 2017

Carine ou le temps de vivre





Carine aime à connaître les choses cachées que les civilisations tout autres que la nôtre ont révélées à l’humanité. 

Le Feng-Shui, le chamanisme, le yoga, la philosophie et la poésie de Rabindranath Tagore, le dalaï-lama, et elle ajoute à tout cela la psychanalyse, la psychologie, l’herméneutique de la Genèse et d’autres connaissances qui dépassent les compétences, je pense, de la plupart de ceux et celles de son entourage. 

Catalyseurs de sa profonde et humaine –si humaine- personnalité, ces loci, ces topoï, ces lieux communs pour beaucoup ont chez elle le caractère fuligineux et chaud des âtres pleines de braises, où tirer les marrons. 

Un soupçon de scrupule, une exigence de délicatesse en fait, retient son âme de tremper dans le bain pour mortifier l’acier de sa pensée. 

Elle ne rayera pas le verre, sa pensée, mais pour autant elle n’est pas non plus faite de fausses gemmes. 

Elle est une pierre semi-précieuse, et brille par sa robe émeraude de jaspe à taches rouges plutôt bien parsemées dans sa gangue.

Le vert d’ailleurs lui sied comme d’accoutumée.

Je l’imagine volontiers votant pour les verts, ou pour l’extrême gauche, ce qui va bien avec son caractère visiblement bon, indulgent, humainement compréhensif et donc d’humaniste éclairée. 

Mais de la modération comme attaque de la vie. 

Quoi de plus vrai que cette prise de position en faveur du droit et de la justice-justesse, ce qui est justiciable de l’opinion, fût-elle commune, fût-elle vulgaire au sens noble du terme. 



mercredi 30 août 2017

La prison des cœurs...






Avant de prendre leur décision, rares sont les femmes et les couples qui se livrent lucidement au calcul des plaisirs et des peines, des bénéfices et des sacrifices. Au contraire, il semble qu’une sorte de halo illusoire voile la réalité maternelle. La future mère ne fantasme que sur l’amour et le bonheur. Elle ignore l’autre face de la maternité faite d’épuisement, de frustration, de solitude, voire d’aliénation avec son cortège de culpabilité.

Le conflit, la femme et la mère - Elisabeth Badinter

J'exagère son maintien, sans dessein particulier, sinon avec ce but inavoué, qui consiste à parer les possesseurs du pouvoir d'une aura particulière, d'une splendeur sévère, d'atours qui parfois détonent, comme si quelque chose du cuir de leur fauteuil, de la patine de leur mobilier, était venu en eux les faire rayonner plus que leur entourage immédiat. 

Déférence verbale sans doute, prestance particulière aussi. 

Devenir ce que l'on est au fond, c'est le tour de force que ces gens semblent avoir réussi. 


© Aline Maury-Wery
Je ne dis pas cela pour elle néanmoins, car elle m'apparaît trop mystérieuse pour que je croie savoir son fonds (débarrassé des fatras que la vie ne manque pas d'y laisser, pour peu que cette vie ait été ponctuée d'accidents ou plutôt d'incidents, de tracas, de ces cent inquiétudes qui en firent sans doute la trame et le tissu). 

Sincérité d'un mal-être, égalité des droits à l'humaine différence nous rendent souvent respectueux vis-à-vis du prisonnier de l'être et de l'étant qu'est le corps défendant.



dimanche 27 août 2017

Les nuages n'ont pas d'adresse



"- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !"
Baudelaire


Les nuages n'ont pas d'adresse
Ils traînent leurs guêtres au p'tit bonheur
Parfois ils pleurent parfois ils rient
© MMM

Comme des porteurs de parapluies

Ils tournent ils virent toujours gravides
Dans le ciel gris de nos Atrides

Les nuages n'ont pas d'adresse

Les lourds nuages au cœur du ciel
Comme des traîneaux de perles d'heures
Ils suivent les vents dans les ruelles

Les nuages n'ont pas d'adresse
La trace qu'ils laissent n'est pas jolie
Elle existe en délicatesses

Sur les arbres et dans les prairies.
Parfois ils vivent parfois ils meurent

Les nuages n'ont pas d'adresse
Ils irriguent les mers et les corps
Comme les signaux de nos détresses

Qui s'agitent avant de mouiller au Port.



22-27/08 2017



vendredi 25 août 2017

Le soi et le non-soi...




"Le moi, ce monstre insaisissable et fuyant" - A. MALRAUX



Ou bien y a-t-il une barrière inexpugnable, un gouffre infranchi ou infranchissable, une sévérité rédhibitoire, une dichotomie opératoire, entre eux et moi, ce rien pourchassé par le vent, ce fétu emporté avec la balle dans le grand tri effectué inconsciemment aux aires de battage de notre localité, la terre ?


Concert au Corum de Montpellier © MM
Ô lumière tamisée et intime, combien tu manques à l'appel du cœur (que viens-tu faire là mon cœur, mon "moi", battant, pulsatile, nerveux, servile, traître, enfariné de félonie, éternisé d'incertain, et tellement veule) à l'appel du corps parlant.

Les objets sont comme des dieux qui nous survivent le plus souvent, impassibles et absents, comme des chiens qui nous regardent et font semblant de nous comprendre, mais qui au fond, en fin, ne peuvent rien pour nous.




samedi 19 août 2017

La Cité Interdite






L’impression d’une grandeur inscrutable, indiscutable, dépareillée par la comparaison avec les châteaux de la Loire, une grandeur sans fond, comme délivrée des contingences du temps, des virgules du Monde, et même des voix fortes d’outre-tombe. 

Je pense à la richesse sculpturale de ces détails monstrueux, à la vérité des siècles qui s’écoulent, toujours renouvelés, comme une eau liquide sur cette chevelure impériale, sur ces friselis sans fin et ces toitures courbées sous l’effort de tenter de durer sans effort.

Je m’assieds pour boire un thé vert, et là, je vide mon sac, ma panse, en faisant la pause. 

Il est 11h15 et j’ai raté les carillons de la Zhongbiao Guan (la Salle des horloges).

Après le mémorable repas du soir, où j’ai mis en danger inconsciemment mes amis, je m’en aperçois et m’en repens aujourd’hui… je suis impardonnable car je me mets moi-même dans une ambiance de confiance et de paix, et j’agis comme si j’étais en France. 

Mais c’est vrai que les regards de certains membres du personnel étaient un peu mauvais, sans doute parce que nous étions restés tard.

Ici je revis, je respire, je me sens en pays ami, entouré de gens serviables et courtois. 

Je n’aurais pas dû avoir peur de venir. 

Et en même temps, à la façon chinoise, non à la façon des Han, on nous sert un peu de dictum, une façon aimable de vous servir sans y mettre une once d’état d’âme.

C’est ce qui devrait me faire peur. 

Mais c’est ce qui me rassure, je suis entre leurs mains. 
Près de la Cité Interdite, © M.M. en 2011

Ils ont fouillé ma valise, mais n’ont rien remarqué. 

Ce qui laisse à penser que tout est permis, que tout est licite. 

Voilà leur manière de me piéger. 

Voilà le Piège. 

Bienvenue et abandonnez toute espérance, en gardant quand même l’espoir. 

Je suis averti trop tard. 

Depuis peu. 

Je mesure le vent avec les cheveux gris d’autrui. 

Ils sont sclérosés, je suis scalpé.


Il faut que je reparte le cœur plein de cette douceur qui me tue et qui fait, à petit feu, le vrai caractère de ma Chine.

17h.

Au fond des yeux des chinois, il y a une vitalité blette, une fatalité muette, un désir de vivre (c’est-à-dire d’agir) sans véritable fin, du moins selon toute apparence. 

Je passe ma vie à essayer de comprendre et d’aimer, alors qu’ici on comprend et on aime dans la naturalité des choses. 

Dans le blanc des yeux, dans le jais du regard, dans l’étincelle – pupille de la Nation. 

Il faut accepter ce fait, se laisser porter par les choses pour naviguer avec elles. 

Elles nous amènent à l’endroit où elles sont, comme par le glissement guidé de l’œil sur une photo d'un courbe chemin. 

Elles nous distinguent de la bégueule occidentale, de la mégère et de l’hubris de nos pauvres années. 

Car on sent bien ici, dans cette foule compactée, dans ce monde que d’aucuns décrient comme étant uniforme et monolithique, mais vu de l’extérieur, une mosaïque de peuplades, de peuples, de people, une composition florale orientale et harmonieuse, une vérité vraie. 

Variété et facettes, vérité et finesse. 

Nuances sous les nuages et danse avec les sourires.


Mon pousse-pousse en arrivant © M.M.




mercredi 16 août 2017

Père, père qu'as-tu fait en nous quittant ?



A voice says, “Cry out.”
    And I said, “What shall I cry?”
“All people are like grass,
    and all their faithfulness is like the flowers of the field.
 The grass withers and the flowers fall,
    because the breath of the Lord blows on them. 

                                                                 - Isaiah 40: 6-7, NIV



La vie, comme un organisme qui se déploie, puis qui ploie,
et qui finit par se flétrir et se noyer dans le néant...  © MMM

Notre père, bien faible à l'heure où j'écris, hospitalisé et sous perfusion (ce qui lui redonne des couleurs, tant mieux) notre père dis-je, j'en ai déjà fait, par anticipation, une sorte d'éloge post mortem

Car j'étais emporté par la fougue que donne la parole libérée, l'appui de la psychanalyse, ou de son avatar personnalisé. 

Parce que j'étais un peu amoureux de son originalité, de sa différence, de ses possibles concrétisés dans ses entreprises dont certaines n'ont pas échoué (la famille, son salon de coiffure...). 

Une vie miteuse, avec ses compensations, en quelque sorte : maigres provendes. 

Un monde s'écroule doucement avec soi quand on vieillit, et on perd dans la danse avec le « système » ses forces, ses appas, ses défroques, ses guenilles même (comme ces grandes lépiotes « déguenillées » qui semblent sortir d'un asile de loqueteux). 

On perd – tu perds – le rictus ou la moue qui nous définissait - qui te définit encore, et un masque mortuaire vient lentement remplacer nos mimiques grimaçantes en se plaçant, tel un papillon posé sur notre nez qui ouvrirait ses ailes jusqu'à recouvrir nos oreilles, il tend à laisser à ses contempteurs une impression de faux, de bonheur truqué, de relâchement factice, qu'aucune grimace cependant ne viendra plus jamais troubler. 

Et je pense, insensiblement, insidieusement, demain peut-être, la mort s'installe, elle que je hais instinctivement, elle que j'oublie aussi tant que je peux, elle que je courtise, mais en pensées inconscientes seulement, quand le reste avec son goût sucré me fait désirer le pur cacao, amer, de ses avances.

C'est une injustice à ne pas commettre, vraiment, faire taire la figure tutélaire du père, avant que le doigt de Dieu ou du Diable ne se soit, subrepticement, posé sur sa bouche. 

Je pense, mais qui pourra le confirmer, que le temps vide les yeux et l'âme de leur substance éternelle, et en fait des portraits en creux, en filigrane au moins, sur notre face décomposée, ridée, déconfite. 

Comme désemparée.

Nous sommes des étangs vides avant même notre fermeture définitive. 

Des arbres debout mais déjà morts. 

Des linguistes distingués qui finissent aphasiques. 

Dans la trouble morbidité et la rigidité cadavérique.

[Il me semble maintenant que ma vie m'intéresse, ses bruits, ses odeurs, sa marmaille de loupiotes et de faux-semblants d'accordéons, son carrousel incertain et foutraque, ses tripatouillages de primates, son sens caché, qui est de goûter à chaque moment comme à un vin à la fois inconnu et habituel. C'est la vie je crois, une force qui se perd et perdure, qui lamine et construit, qui bouge et reste immobile dans le décours d'un même instant.] 

S'étioler, une force de rides et de gravides. 

Car la vie s'en va comme un puzzle se défait, pièce à pièce ou par pans limités, quand on a la chance plus si rare aujourd’hui de vieillir dans de bonnes conditions, dans nos pays privilégiés.




dimanche 13 août 2017

Ah l'écriture...




Revenu sur le métier à tisser, le texte étant étymologiquement un tissu, je fais et défais des phrases entières, des baisers au lépreux, aux murs lépreux des prisons intérieures, parfois aussi ces baisers-là sont pris pour celui de Judas.

Car il y a trahison des mots et de leur signification, dans le va-et-vient subtil entre le texte et la raison.

Les mots charrient non seulement les inévitables connotations qui leur plombent souvent l'aile, mais aussi tout un amas d'affinités électives avec des assonances, des consonances, des à-peu-près comme-ça-se-prononce, des échos, des résonances, des rebonds sémantiques ou verbaux, des coq-à-l'âne, des renvois en bas de page ou en bas de casse, des ronds dans Montaigne, comme Pascal en faisait parfois.

La scoliose ou la lordose de la pensée se traduisent par des vertèbres de sens déplacées, des accommodements régionaux ou particuliers, des sources bouchées voire détournées...


L'arbre à pensées hallucinées... © 2015 MMM
En fait les mots eux-mêmes déplacent notre pensée, la contraignent, l'empêchent souventefois de s'exprimer réellement.

La langue dicte et l'oreille écoute. 

C'est-à-dire obéit.

D'où la facilité avec laquelle des stéréotypes s'inscrivent dans le langage, et dire cela, malheureusement c'est déjà du stéréotype...

On est donc dans une mise en abyme qui s'époumone à résonner dans le labyrinthe créé par les deux miroirs qui se font face et se mettent de ce fait en abyme : la pensée et la langue.