dimanche 17 septembre 2017

Le Camisard et le Philosophe





"Pendant plus de vingt ans d'une histoire démentielle, perdu sans secours, comme tous les hommes de mon âge, dans les convulsions du temps, j'ai été soutenu ainsi par le sentiment obscur qu'écrire était aujourd'hui un honneur, parce que cet acte obligeait, et obligeait à ne pas écrire seulement. Il m'obligeait particulièrement à porter, tel que j'étais et selon mes forces, avec tous ceux qui vivaient la même histoire, le malheur et l'espérance que nous partagions." A. CAMUS, Discours de Suède, 10 décembre 1957. (Ed. Gallimard)



Ces propos du Camisard de la philosophie de l'absurde, semblent s'appliquer de manière particulière à ma propre histoire.

Et dans le rendez-vous bihebdomadaire avec vous, lecteur, qui prend peu à peu une place sacrée,  au moins dans ma vie, il y a cette idée importante je crois de partage d'une pensée encore influencée (encore encore !!) par l'idéologie ambiante.

S'arracher à son contexte - et à son co-texte - est un effort quasi surhumain pour moi, tenter de se porter vers des hauteurs sublimes par le seul jeu des signifiants ne semble même pas m'être permis.

Je ne suis pas un Mallarmé, je suis le maigre traducteur de mes propres infinitésimaux, comme victime de la subjectivité envahissante et dirons-nous, coronaire sans thrombose apparente.

(...)

Le temps, demandez-moi ce que c'est, sinon une portion d'âme, un animal caché par une froide journée d'hiver, au creux blotti de nos replis intimes.

© MMM
Dans la constellation des items catalogués, le temps est une virgule, un appendice nasal qui nous permet de respirer dans la pause transitoire et le tourment de fonds, et de sentir la vie sourdre en soi et hors soi, dans la pause et la tmèse de la phrase longue et sybilline de notre vie et aussi dans le tourment des événements pressés ou empressés qui trament notre état d'existants.

Le Temps retrouvé, un livre qui toujours dès la première occurrence de son titre dans ma prime jeunesse, m'a toujours paru être un majestueux et déjà célèbre bas-relief, le soubassement d'un Temple grandiose, un hymne à l'anti-mort, une sorte de camouflet littéraire ou littéral à la non-existence.

Virgule, non-existence, mort, résurrection par le mot.

L'écriture comme ressource et bâti, l'écriture comme retouche et parti.



jeudi 14 septembre 2017

Onirisme et Cie





Un homme au regard de couleuvre
Faisait ses rimes dans son grand-oeuvre
Quand soudain un rire fusa à l'horizon du jour
Et l'emporta dans la grand'fièvre de l'amour

Un lézard se prénommait Aristide
Il était gros comme si gravide
Et dans le rythme lent des après-midis
Il dormait au soleil de la vie

Une orange semblait coupée en tranches
Pour le fin fond de nos dimanches
Et elle roulait des mécaniques
En lançant des regards magiques

Pour ceux qui m'auraient pas compris
Tenez-vous pour dit l'inédit
Et pour les autres Garde à vous !
Les morts sont déjà presque debout...


14 septembre 2017

lundi 11 septembre 2017

Un agrégat de mots ensommeillés







Un agrégat de mots dans les stupres invisibles (et par là invincibles), que ma foi dégingandée connaît depuis longtemps, un ramassis mielleux et dégoulinant de clichés en forme de constats d’huissier (constats qui détaillent dans leurs listes interminables le mélange éclectique et désopilant des résidus de toute sorte qui s’accumulent dans la cage d’un escalier où j’ai tout de même un droit de passage), tout un monde, bref, entre pissotière et dépotoir, tout un monde qui constitue la maison où je vis. 

Car je vis dans une antre, entre des morceaux d’immeubles gigantesques, dans une bicoque qui a un peu du charme d’une masure, mais qui peu à peu se décompose, se divertit, s’interdit. 

Mon univers s’écroule sans bruit dans une dégringolade qui tient de la débâcle autant que de la déhiscence, il s’abrutit dans le doux devenir de mon âme (la chute de la maison Usher ?) car je réponds à sa désagrégation par mes pertes, physiques, de lambeaux d’une peau malade, de relâchements de sphincters et de gaz par tous les orifices de ma carcasse, et psychique, mes trous de mémoire et mes hésitations, mes lapsus et mes mésalliances verbales, dans le grand fourbis de l’avant-veille d’une fin de l’histoire. 


Dégénérescence, quand tu nous tiens… reste de conciliabule aux fortes prises de becs, aux mâchoires d’acier trempé, aux insoupçonnables inimitiés, traduites dans les atermoiements, les retards à l’allumage, les habits déchirés à l’entre-jambes. 

Rester seul après tant d’années passées à rêvasser dans l’oblique maison adossée aux rivières sombres, appuyée au roc suintant d’humidités généreuses et gavées à force de fendre la pierre, comme un nez qui coule, atteint d’une rhinite due à l’envahissement de l’entourage immédiat, comme un désir contenu mais plus puissant que la pulsion de la vie, une sève à vous bâtir des arbres plurimillénaires. 

Autant dire multimillionnaires.
Pourtant, je ne crois plus à ce que j’écris. 

Le sommeil me fuit, qui résistait avant à l’usine du temps. 

Délit, usure ou chienlit, éternité drue, passage à gué dans une rue inondée, monde inversé. 

Urinoirs de nos passions pour d’autres fonds de pension, pour le débit liquide de l’horizon, sorte de paillasson du dieu soleil, pour pénétrer appuyer sur le bouton ouvre-porte, et laisser entrer la chaleur immonde d’une belle journée.

J’écris mais je ploie sous le poids des mots, sous la chute des eaux, la machine à sous me sert une rasade, je rejoue.



mercredi 6 septembre 2017

A moitié pardonnée...




Conseil de lecture : "Ce que parler veut dire" de P. Bourdieu


Parler n'est pas dire et dire n'est pas avouer. 

Il semble alors qu'on se noie dans un verre d'eau déjà à moitié vide. 

Pour ma part, j'obtempère aux requêtes répétées, insistantes, incisives même, de mon moral en bas d'échelle. 

Car le premier degré de l'écriture c'est celui au-dessus du zéro absolu, c'est une agitation minimale, un minimum de propriétés foncières et foncièrement mortes. 

Je crois à l'absolu donc, à la frondaison ou à la limite de verdure qui signale l'Amazonie sur les mappemondes, au bord du Fleuve impassible et tiède, infesté de piranhas, ou de barracudas, je ne sais pas, et qui rend la vie à sa frontière.

Reste à parier sur le néant, à ne plus reculer face aux gouffres (dont a si bien parlé H. Michaux), qui donnent le change à mes peurs sans objet, je veux dire sans objection. 

J'écris pour me remeubler l'intérieur, qui en a tant besoin après les vacuités et les déserts hurlants que j'ai dû traverser. 

J'écris pour toi, pour ton amitié volée, toi qui vois la trame de ma pensée dans le filigrane de cette page. 

Le désert et ses serpents sans sonnette, et la mer dont toutes les vagues de cette crique qui circonscrit mon livre, sont semblables et différentes à la fois, comme mes pensées sont pareilles et difficilement différentiables dans le vrac de mon cerveau atrophié et rabougri par la maladie. 

Tu es ma psychanalyste et mon cœur s'abrite en toi, il reprend un peu de couleurs après avoir été tellement délavé, battu et rebattu comme un jeu de cartes écornées et presque déchirées. 

Les soleils, les gros temps, les vents et toutes les intempéries (et les intempérances) l'ont tanné, étiolé, balafré, scarifié, exposé mille fois à la mort certaine, le renoncement à toute vie.




C'est dire si je suis en train de me remettre de mes espoirs endoloris, de mon passage lancinant chez les sans-logis, les sans-amour, les sans-« être ». 


Je brame, je rée, j'appelle l'amie qui pourrait me rejoindre dans mon alcôve secrète, dans mon garni perdu, sauvage et nécessaire, mais qui me semble parfois à jamais dépeuplé par fatalité irrévocable.


lundi 4 septembre 2017

Carine ou le temps de vivre





Carine aime à connaître les choses cachées que les civilisations tout autres que la nôtre ont révélées à l’humanité. 

Le Feng-Shui, le chamanisme, le yoga, la philosophie et la poésie de Rabindranath Tagore, le dalaï-lama, et elle ajoute à tout cela la psychanalyse, la psychologie, l’herméneutique de la Genèse et d’autres connaissances qui dépassent les compétences, je pense, de la plupart de ceux et celles de son entourage. 

Catalyseurs de sa profonde et humaine –si humaine- personnalité, ces loci, ces topoï, ces lieux communs pour beaucoup ont chez elle le caractère fuligineux et chaud des âtres pleines de braises, où tirer les marrons. 

Un soupçon de scrupule, une exigence de délicatesse en fait, retient son âme de tremper dans le bain pour mortifier l’acier de sa pensée. 

Elle ne rayera pas le verre, sa pensée, mais pour autant elle n’est pas non plus faite de fausses gemmes. 

Elle est une pierre semi-précieuse, et brille par sa robe émeraude de jaspe à taches rouges plutôt bien parsemées dans sa gangue.

Le vert d’ailleurs lui sied comme d’accoutumée.

Je l’imagine volontiers votant pour les verts, ou pour l’extrême gauche, ce qui va bien avec son caractère visiblement bon, indulgent, humainement compréhensif et donc d’humaniste éclairée. 

Mais de la modération comme attaque de la vie. 

Quoi de plus vrai que cette prise de position en faveur du droit et de la justice-justesse, ce qui est justiciable de l’opinion, fût-elle commune, fût-elle vulgaire au sens noble du terme. 



mercredi 30 août 2017

La prison des cœurs...






Avant de prendre leur décision, rares sont les femmes et les couples qui se livrent lucidement au calcul des plaisirs et des peines, des bénéfices et des sacrifices. Au contraire, il semble qu’une sorte de halo illusoire voile la réalité maternelle. La future mère ne fantasme que sur l’amour et le bonheur. Elle ignore l’autre face de la maternité faite d’épuisement, de frustration, de solitude, voire d’aliénation avec son cortège de culpabilité.

Le conflit, la femme et la mère - Elisabeth Badinter

J'exagère son maintien, sans dessein particulier, sinon avec ce but inavoué, qui consiste à parer les possesseurs du pouvoir d'une aura particulière, d'une splendeur sévère, d'atours qui parfois détonent, comme si quelque chose du cuir de leur fauteuil, de la patine de leur mobilier, était venu en eux les faire rayonner plus que leur entourage immédiat. 

Déférence verbale sans doute, prestance particulière aussi. 

Devenir ce que l'on est au fond, c'est le tour de force que ces gens semblent avoir réussi. 


© Aline Maury-Wery
Je ne dis pas cela pour elle néanmoins, car elle m'apparaît trop mystérieuse pour que je croie savoir son fonds (débarrassé des fatras que la vie ne manque pas d'y laisser, pour peu que cette vie ait été ponctuée d'accidents ou plutôt d'incidents, de tracas, de ces cent inquiétudes qui en firent sans doute la trame et le tissu). 

Sincérité d'un mal-être, égalité des droits à l'humaine différence nous rendent souvent respectueux vis-à-vis du prisonnier de l'être et de l'étant qu'est le corps défendant.



dimanche 27 août 2017

Les nuages n'ont pas d'adresse



"- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !"
Baudelaire


Les nuages n'ont pas d'adresse
Ils traînent leurs guêtres au p'tit bonheur
Parfois ils pleurent parfois ils rient
© MMM

Comme des porteurs de parapluies

Ils tournent ils virent toujours gravides
Dans le ciel gris de nos Atrides

Les nuages n'ont pas d'adresse

Les lourds nuages au cœur du ciel
Comme des traîneaux de perles d'heures
Ils suivent les vents dans les ruelles

Les nuages n'ont pas d'adresse
La trace qu'ils laissent n'est pas jolie
Elle existe en délicatesses

Sur les arbres et dans les prairies.
Parfois ils vivent parfois ils meurent

Les nuages n'ont pas d'adresse
Ils irriguent les mers et les corps
Comme les signaux de nos détresses

Qui s'agitent avant de mouiller au Port.



22-27/08 2017



vendredi 25 août 2017

Le soi et le non-soi...




"Le moi, ce monstre insaisissable et fuyant" - A. MALRAUX



Ou bien y a-t-il une barrière inexpugnable, un gouffre infranchi ou infranchissable, une sévérité rédhibitoire, une dichotomie opératoire, entre eux et moi, ce rien pourchassé par le vent, ce fétu emporté avec la balle dans le grand tri effectué inconsciemment aux aires de battage de notre localité, la terre ?


Concert au Corum de Montpellier © MM
Ô lumière tamisée et intime, combien tu manques à l'appel du cœur (que viens-tu faire là mon cœur, mon "moi", battant, pulsatile, nerveux, servile, traître, enfariné de félonie, éternisé d'incertain, et tellement veule) à l'appel du corps parlant.

Les objets sont comme des dieux qui nous survivent le plus souvent, impassibles et absents, comme des chiens qui nous regardent et font semblant de nous comprendre, mais qui au fond, en fin, ne peuvent rien pour nous.




samedi 19 août 2017

La Cité Interdite






L’impression d’une grandeur inscrutable, indiscutable, dépareillée par la comparaison avec les châteaux de la Loire, une grandeur sans fond, comme délivrée des contingences du temps, des virgules du Monde, et même des voix fortes d’outre-tombe. 

Je pense à la richesse sculpturale de ces détails monstrueux, à la vérité des siècles qui s’écoulent, toujours renouvelés, comme une eau liquide sur cette chevelure impériale, sur ces friselis sans fin et ces toitures courbées sous l’effort de tenter de durer sans effort.

Je m’assieds pour boire un thé vert, et là, je vide mon sac, ma panse, en faisant la pause. 

Il est 11h15 et j’ai raté les carillons de la Zhongbiao Guan (la Salle des horloges).

Après le mémorable repas du soir, où j’ai mis en danger inconsciemment mes amis, je m’en aperçois et m’en repens aujourd’hui… je suis impardonnable car je me mets moi-même dans une ambiance de confiance et de paix, et j’agis comme si j’étais en France. 

Mais c’est vrai que les regards de certains membres du personnel étaient un peu mauvais, sans doute parce que nous étions restés tard.

Ici je revis, je respire, je me sens en pays ami, entouré de gens serviables et courtois. 

Je n’aurais pas dû avoir peur de venir. 

Et en même temps, à la façon chinoise, non à la façon des Han, on nous sert un peu de dictum, une façon aimable de vous servir sans y mettre une once d’état d’âme.

C’est ce qui devrait me faire peur. 

Mais c’est ce qui me rassure, je suis entre leurs mains. 
Près de la Cité Interdite, © M.M. en 2011

Ils ont fouillé ma valise, mais n’ont rien remarqué. 

Ce qui laisse à penser que tout est permis, que tout est licite. 

Voilà leur manière de me piéger. 

Voilà le Piège. 

Bienvenue et abandonnez toute espérance, en gardant quand même l’espoir. 

Je suis averti trop tard. 

Depuis peu. 

Je mesure le vent avec les cheveux gris d’autrui. 

Ils sont sclérosés, je suis scalpé.


Il faut que je reparte le cœur plein de cette douceur qui me tue et qui fait, à petit feu, le vrai caractère de ma Chine.

17h.

Au fond des yeux des chinois, il y a une vitalité blette, une fatalité muette, un désir de vivre (c’est-à-dire d’agir) sans véritable fin, du moins selon toute apparence. 

Je passe ma vie à essayer de comprendre et d’aimer, alors qu’ici on comprend et on aime dans la naturalité des choses. 

Dans le blanc des yeux, dans le jais du regard, dans l’étincelle – pupille de la Nation. 

Il faut accepter ce fait, se laisser porter par les choses pour naviguer avec elles. 

Elles nous amènent à l’endroit où elles sont, comme par le glissement guidé de l’œil sur une photo d'un courbe chemin. 

Elles nous distinguent de la bégueule occidentale, de la mégère et de l’hubris de nos pauvres années. 

Car on sent bien ici, dans cette foule compactée, dans ce monde que d’aucuns décrient comme étant uniforme et monolithique, mais vu de l’extérieur, une mosaïque de peuplades, de peuples, de people, une composition florale orientale et harmonieuse, une vérité vraie. 

Variété et facettes, vérité et finesse. 

Nuances sous les nuages et danse avec les sourires.


Mon pousse-pousse en arrivant © M.M.




mercredi 16 août 2017

Père, père qu'as-tu fait en nous quittant ?



A voice says, “Cry out.”
    And I said, “What shall I cry?”
“All people are like grass,
    and all their faithfulness is like the flowers of the field.
 The grass withers and the flowers fall,
    because the breath of the Lord blows on them. 

                                                                 - Isaiah 40: 6-7, NIV



La vie, comme un organisme qui se déploie, puis qui ploie,
et qui finit par se flétrir et se noyer dans le néant...  © MMM

Notre père, bien faible à l'heure où j'écris, hospitalisé et sous perfusion (ce qui lui redonne des couleurs, tant mieux) notre père dis-je, j'en ai déjà fait, par anticipation, une sorte d'éloge post mortem

Car j'étais emporté par la fougue que donne la parole libérée, l'appui de la psychanalyse, ou de son avatar personnalisé. 

Parce que j'étais un peu amoureux de son originalité, de sa différence, de ses possibles concrétisés dans ses entreprises dont certaines n'ont pas échoué (la famille, son salon de coiffure...). 

Une vie miteuse, avec ses compensations, en quelque sorte : maigres provendes. 

Un monde s'écroule doucement avec soi quand on vieillit, et on perd dans la danse avec le « système » ses forces, ses appas, ses défroques, ses guenilles même (comme ces grandes lépiotes « déguenillées » qui semblent sortir d'un asile de loqueteux). 

On perd – tu perds – le rictus ou la moue qui nous définissait - qui te définit encore, et un masque mortuaire vient lentement remplacer nos mimiques grimaçantes en se plaçant, tel un papillon posé sur notre nez qui ouvrirait ses ailes jusqu'à recouvrir nos oreilles, il tend à laisser à ses contempteurs une impression de faux, de bonheur truqué, de relâchement factice, qu'aucune grimace cependant ne viendra plus jamais troubler. 

Et je pense, insensiblement, insidieusement, demain peut-être, la mort s'installe, elle que je hais instinctivement, elle que j'oublie aussi tant que je peux, elle que je courtise, mais en pensées inconscientes seulement, quand le reste avec son goût sucré me fait désirer le pur cacao, amer, de ses avances.

C'est une injustice à ne pas commettre, vraiment, faire taire la figure tutélaire du père, avant que le doigt de Dieu ou du Diable ne se soit, subrepticement, posé sur sa bouche. 

Je pense, mais qui pourra le confirmer, que le temps vide les yeux et l'âme de leur substance éternelle, et en fait des portraits en creux, en filigrane au moins, sur notre face décomposée, ridée, déconfite. 

Comme désemparée.

Nous sommes des étangs vides avant même notre fermeture définitive. 

Des arbres debout mais déjà morts. 

Des linguistes distingués qui finissent aphasiques. 

Dans la trouble morbidité et la rigidité cadavérique.

[Il me semble maintenant que ma vie m'intéresse, ses bruits, ses odeurs, sa marmaille de loupiotes et de faux-semblants d'accordéons, son carrousel incertain et foutraque, ses tripatouillages de primates, son sens caché, qui est de goûter à chaque moment comme à un vin à la fois inconnu et habituel. C'est la vie je crois, une force qui se perd et perdure, qui lamine et construit, qui bouge et reste immobile dans le décours d'un même instant.] 

S'étioler, une force de rides et de gravides. 

Car la vie s'en va comme un puzzle se défait, pièce à pièce ou par pans limités, quand on a la chance plus si rare aujourd’hui de vieillir dans de bonnes conditions, dans nos pays privilégiés.




dimanche 13 août 2017

Ah l'écriture...




Revenu sur le métier à tisser, le texte étant étymologiquement un tissu, je fais et défais des phrases entières, des baisers au lépreux, aux murs lépreux des prisons intérieures, parfois aussi ces baisers-là sont pris pour celui de Judas.

Car il y a trahison des mots et de leur signification, dans le va-et-vient subtil entre le texte et la raison.

Les mots charrient non seulement les inévitables connotations qui leur plombent souvent l'aile, mais aussi tout un amas d'affinités électives avec des assonances, des consonances, des à-peu-près comme-ça-se-prononce, des échos, des résonances, des rebonds sémantiques ou verbaux, des coq-à-l'âne, des renvois en bas de page ou en bas de casse, des ronds dans Montaigne, comme Pascal en faisait parfois.

La scoliose ou la lordose de la pensée se traduisent par des vertèbres de sens déplacées, des accommodements régionaux ou particuliers, des sources bouchées voire détournées...


L'arbre à pensées hallucinées... © 2015 MMM
En fait les mots eux-mêmes déplacent notre pensée, la contraignent, l'empêchent souventefois de s'exprimer réellement.

La langue dicte et l'oreille écoute. 

C'est-à-dire obéit.

D'où la facilité avec laquelle des stéréotypes s'inscrivent dans le langage, et dire cela, malheureusement c'est déjà du stéréotype...

On est donc dans une mise en abyme qui s'époumone à résonner dans le labyrinthe créé par les deux miroirs qui se font face et se mettent de ce fait en abyme : la pensée et la langue.



vendredi 11 août 2017

Le voyage sans retour





Les vaisseaux chargés de poétiques souvenirs
Qui trépassaient la ligne de l'horizon des lyres 
Tremblotant de désirs dans les fanaux du soir
Comme habillés de temps et drapés de déboires

Entrelacés dans l'âtre où la bûche brûlait
Encore ensanglantés, et suçant l'eau blessée
Enfin délivrés du pauvre et douloureux remords
Déboîtent en geignant du côté de la mort
          
            
            Du côté des épaves
            où morsure la rouille
            Étangs où fend l'étrave
            de leur morne pattemouille

Vaisseaux d'une longue et triple circulaire
Qui piègent l'éternité dans le bruit de leurs mâts
Et tranchent des sillons avec l'arme du glas
Au fond de nos pupilles leur chemin dégénère

            Tel un vortex qui s'obstrue
            Dans la rue
            Dans les prés hauts
            Au bout de chaque croc
             
Retrouver mon Aimée
La faire encore grandir dans l'âpre et fou baiser
Détruisant l'amitié pour mieux la transmuer

Viatique de chaque jour
Le voyage, mon Amour...

30 novembre 2006 - 11 août 2017

The vessels laden with poetic memories 

That crossed the line of the horizon of lyres 

Trembling with desires of evening beacons 

As if dressed in time and draped in woes

Entwined in the hearth where the log burned 

Still bloodied, and sucking the wounded water 

Finally freed from the poor and painful remorse 

They creak towards the side of death

On the side of the wrecks 

Where rust bites 

Ponds where the prow splits 

Their dreary swab

Vessels of a long and triple circle 

That trap eternity in the noise of their masts 

And carve furrows with the weapon of the knell 

In the depths of our pupils, their path degenerates

Like a vortex that clogs 

In the street 

In the high meadows 

At the end of each hook

To find my Beloved 

To make her grow again in the harsh and mad kiss 

Destroying friendship to better transmute it

Viaticum of each day 

The journey, my Love...


Espagnol :

Los barcos cargados de recuerdos poéticos 

Que cruzaban la línea del horizonte de las liras 

Temblando de deseos en los faros de la tarde 

Como vestidos de tiempo y envueltos en desdichas

Entretejidos en el hogar donde ardía el tronco 

Aún ensangrentados, y chupando el agua herida 

Finalmente liberados del pobre y doloroso remordimiento 

Se desencajan hacia el lado de la muerte

Del lado de los naufragios 

Donde muerde el óxido 

Estanques donde la proa se parte 

Su triste trapo

Barcos de un largo y triple círculo 

Que atrapan la eternidad en el ruido de sus mástiles 

Y cortan surcos con el arma de la campana 

En el fondo de nuestras pupilas, su camino degenera

Como un vórtice que se obstruye 

En la calle 

En los altos prados 

Al final de cada gancho

Encontrar a mi Amada 

Hacerla crecer de nuevo en el beso áspero y loco 

Destruyendo la amistad para transmutarla mejor

Viático de cada día 

El viaje, mi Amor...


Portugais brésilien :

Os navios carregados de memórias poéticas 

Que cruzavam a linha do horizonte das liras 

Tremendo de desejos nos faróis da noite 

Como se vestidos de tempo e envoltos em desventuras

Entrelaçados na lareira onde o tronco queimava 

Ainda ensanguentados, e sugando a água ferida 

Finalmente libertos do pobre e doloroso remorso 

Eles rangem em direção ao lado da morte

Do lado dos destroços 

Onde a ferrugem morde 

Lagos onde a proa se parte 

Seu triste pano

Navios de um longo e triplo círculo 

Que prendem a eternidade no ruído de seus mastros 

E cortam sulcos com a arma do sino 

No fundo de nossas pupilas, seu caminho degenera

Como um vórtice que se obstrui 

Na rua 

Nos altos prados 

No final de cada gancho

Encontrar minha Amada 

Fazê-la crescer novamente no beijo áspero e louco 

Destruindo a amizade para melhor transmutá-la

Viático de cada dia... 

A viagem, meu Amor...

En farsi :

کشتی‌هایی که از خاطرات شاعرانه پر شده‌اند که از خط افق چنگ‌ها عبور می‌کردند در فانوس‌های شب از آرزوها لرزان مثل اینکه در زمان پوشیده شده و در بدبختی‌ها پیچیده شده‌اند

در شومینه‌ای که چوب می‌سوخت در هم تنیده شده‌اند هنوز خونین، و آب زخمی را می‌مکند سرانجام از پشیمانی فقیر و دردناک آزاد شدند به سمت مرگ ناله‌کنان می‌پیچند

در سمت لاشه‌ها جایی که زنگ می‌زند برکه‌هایی که دماغه‌شان شکافته می‌شود پارچه‌ی غمگین‌شان

کشتی‌هایی با یک دایره طولانی و سه‌گانه که ابدیت را در صدای دکل‌هایشان به دام می‌اندازند و با سلاح ناقوس شیارهایی می‌برند در عمق مردمک‌های ما، مسیرشان منحرف می‌شود

مثل یک گرداب که مسدود می‌شود در خیابان در مراتع بلند در انتهای هر قلاب

عزیزم را پیدا کن او را دوباره در بوسه‌ی خشن و دیوانه بزرگ کن دوستی را نابود کن تا بهتر آن را تبدیل کنی

زادراه هر روز سفر، عشق من...


jeudi 10 août 2017

La vérité si je meurs ...





L’originalité de la pensée, le biseautage de l’intellect, l’ornement post-rhétorique, tous les petits encarts de notre ami intime, semblant se faire appeler Désiré(s). 

Car nous avons tout le saint frusquin de nos plèvres, de notre sternum, de notre dure-mère, de nos méninges, entre autres tissus plus ou moins adipeux. 

Entassés dans les courbes de notre crâne, ou coincés ailleurs. 

Gagner de la place pour que perdre la vie soit une énigme insupportable. 

Évoluer vers la conscience de ce néant qu’est la mort. 

(...)

Car si loin que nous allions, c’est toujours au bout de nous-mêmes, et le vaillant caparaçon que nous nous sommes offert pour ce tournoi absurde est un carcan qui nous immobilise, une concrétion calcaire au bouge de notre déploiement silencieux. 

Bouge, bouge, bouge. 

Toujours le trirème de notre incompétence, et même de notre sauvagerie refoulée, régurgitée pourtant dans les mots. 

Notre inappétence à la sève même de la vie. 

(...)
Nous sommes les maîtres de ce que nous mangeons.

Point. 

Comme des arbres, nous nous recroquevillons dans notre enracinement, cachés comme l’aubier derrière l’écorce rugueuse et souvent habitée d'insectes ravageurs aux tarières térébrantes, ou de leurs larves. 

(...) Que de ramures épaisses et vraies dans le cyprès de nos remords. 

(...) Une sorte de codicille à mon insuffisance, à ma préférence de cachalot dans la Mare Nostrum de mes cent intérêts. 

Si et seulement si. 

Avec l’humour déteint le linge, et les couleurs criardes de la vérité s’amortissent ainsi. 

(...) Les comparaisons. 

Elles s’ameublissent en mottes de beurre sous un couvercle translucide. 

Méta amphores de mes impavides moiteurs, Nicéphore Niepce comme lors de la découverte tremblotante de la capture de la lumière. 

Comme reflet, certes, comme leçon, pas. 

Les mots sont là pour me piéger, avec leur évidence d’hermétiques. 

Ils ont une pâleur d’indigènes et un pastel de natifs.




dimanche 6 août 2017

Ô temps jadis




Ô temps jadis qu'on ne doit regretter
Si tu viens à tremper ton doigt sur mes tablettes
Je respire à nouveau comme la souple belette

Ô temps passé à regarder les ondes
Si tu reviens jamais dans les torves étés
Je t'attends derechef comme un bon condamné

Ô temps qui passe et qui métamorphose
Si tu t'arrêtes comme au-dessus d'une aire d'éperviers
A Maheux le sait-on dans les blés lourds des proses

Je veux bien te donner un coup d'épaule
Pourquoi m'en priverais-je
Moi qui t'aime à jamais
Et qui n'ose
Espérer

Pourquoi m'en priverais-je si je puis te toucher
L'instant d'après le plaisir éprouvé
Comme un ressac dans un "Que sais-je ?"

Qui traiterait de toi
Et jamais n'en finirait

Pour toute éternité

Un livre pulse
Comme un cœur allumé

Dans le fond de mon âme
Que tout à l'heure révulse

Dans le fond de mon être
Tout à ton Être
Aimé

Nîmes, le 6 août 2017
72ème anniversaire désolant de la désolation d'Hiroshima.



jeudi 3 août 2017

Une naissance bien mouvementée ?






Ah ! Vertu du décor mat et des ramures verdoyantes dans leur noirceur.

Simple rigolade ou douce fatalité...

Les mots viennent sans peine à qui a déjà beaucoup peiné pour les trouver, forts de leur maturité, dans les textes sacrés des religions syncrétiques. 

Car il y a une religion pour chaque auteur et un autour de la religiosité dans chaque grand texte. 

Je ne suis pas à l’aise dans cet aluminium froid où penche mon stylo. 

Il manque la dernière vertèbre à mon cerveau d’invertébré. 

Alors je me mets à picorer comme une sittelle, j’y vais de mon crayon, de ma faible plume, je martèle avec ce bec pour faire sortir la pulpe, le sens secret, le chas de l’aiguille trop fin pour la grossière filasse de ma pensée. 

Jamais cela ne tiendra en un livre, je crois.

Je serais ennuyeux, je serais plein de redites, autant de coups manqués au jeu de tricotage de mes pattes de mouche. 

Je serais imberbe comme le prophète rasé à moitié par ses adversaires, humilié pour défaut ou manque d’humilité. 

(...)

Notre petit rire égocentrique se love dans les qualités et la tolérance des autres, se pelotonne dans les lacis de nos enchevêtrements mutuels. 


Un coin de ciel gris pour oublier la canicule du Midi...
Nous hurlons de douleur mais en taiseux, toute la vie est anti-routine, l’habitude est fatale à notre liberté, semble crier notre cœur. 

Roses que nos silences dribblent et que nos doigts épétalent machinalement. 

Roses aux croix mystérieuses et simples, comme l’obsession des démons chez le paranoïaque. 

J’aime ce thé. 

Mais la force de nos prouesses, c’est la faiblesse de nos cœurs. 

C’est l’églantine qui donne naissance à la rose. C’est Mendel qui fait les OGM. 

Nous fleurissons nos tombes, à défaut de flétrir nos usages, et de friper nos visages nous mène à cette beauté subtile de notre plus grand malheur : qui n’est qu’une philosophie, celle d’apprendre à mourir. 

La mort en je, comme une image en je. 

(...) La mortelle intension tue le petit fretin de l’extension. 

C’est une ressource propre.

Un emploi à pourvoir.





dimanche 30 juillet 2017

Un personnage





"Je m'appelle Albert, le merle maudit
Je m'appelle Albert Pompourrie"
Dick Annegarn, le Merle maudit

"Je m'appelle Albert, j'habite là,
derrière dans la vallée de Munster..."
"Albert de la vallée de Munster"
http://www.boiteachansons.net/Partitions/Patrick-Breitel/Albert-de-la-vallee-de-e mMunster.php#4FHG4j4Z7AeoChu0.99





Je trouve un personnage, sorti tout armé de ma tête, une antithèse de moi, un qui aime l’ordre et la discipline, un militariste convaincu, ancien scout débrouillard et joker, espèce de rigolard bon vivant, bien dans ses baskets et droit dans ses bottes (et dans son box d'accusé), avec ce zeste de Machiavel dans ses relations avec les femmes, comme avec sa femme. 

Un authentique (futur) arriviste, genre Bel-Ami, mais en plus in, sans un scrupule pour l’opportunité, sans timidité aucune dans ses relations amoureuses, la timidité en amour lui semblant la première des implosions de la personnalité, lui qui est bien plein de lui-même, mentalement fort comme un bœuf. 

Sorte d’anti-zombie vrillé de certitude et rempli d’un décorum virant à l’arrogance et à la cuistrerie ou plutôt à la j’ose-toujours, dès la première fois. 

Ce qui veut dire peut-être que je suis une sorte de zombie, n'en déplaise aux bigotes, un mort-vivant dans la pénombre de ma chambre.

Je pense qui que ce soit en fait, qui ne soit pas moi, qui retourne à ses premières amours comme un fantassin au combat, l’infanterie étant son école d’adoption, puisque dans sa verve juvénile il répond bien au jeune de 18-20 ans qu’on forme au métier des armes. 

Si moi, je dirais : le service national n’est plus là, vive l’absent ; mais lui réclamerait un ordre, une façon de peigner la tignasse de la société, vue comme populace et non plus comme peuple et regarderait avec cette ombre du regret qu’on a envers les morts quand nos actes envers les feux n’ont pas été pleinement assumés, c’est-à-dire qu’on ne s’est pas conduits humainement et avec l’apposition du sceau de la confiance, et des scellés de la conscience tranquille.

Le temps passe et ne fait que renforcer en lui ses convictions et lui donner satisfecit, alors qu’en moi les ravages de Chronos sont fils d’insu, l’inconscience de mes limites affleurant à marée basse comme des écueils qui m’ont toujours fait brûler mes vaisseaux endommagés. 



jeudi 27 juillet 2017

Supplique pour un bijou égaré sans son écrin





Stoppe la haine
mon vieux parrain
si tu veux pas que j'te dise
les vérités qui gênent
et qui sont prises
aux doubles feintes
des yeux acier
de nos étreintes

arrête tes crimes mon assassin,
tu fais s'étendre la bêtise
qui barde le mauvais mesclun
tu sais celui mélangé de traîtrise
et qui t'va plus très bien

mais alors plus du tout bien

car dans tes veines
coule encor' mon vieux
le sang mêlé du boutefeu
et les poncifs de la haine
pour les arrosoirs de Pétain
ils sont marqués au fer rouge
du faux ami le mot "destin"

ah ! la misère de ton bouge...

vas-y dis stop !
à tes potes 
qui vendent la came
en bas d'l'escalier à pétrin
essaie de t'ranger dans la gamme
sinon ça craint y a les copains
qu'ont la pétoire au bout d'la main
et le tromblon à fausses notes
dans le sous-sol de leur chagrin

stop aux affreux qui bandent leur arc
pour une pincée de fric - ou d'crack 
stop aux bouchers de la cité
oublie un peu les faux amis
qui font les poches aux p'tites mamies
pour un peu d'blé

essaie de r'garder ton chemin
ça te changera des têtes brûlées
qui te menacent les abattis
alors que nous on tend les mains :
non, pas d'embrouille
on t'prendra pas ça c'est certain
pour une citrouille

on comptera toujours sur toi
et on l'criera pas sur les toits

signe là mon vieux parchemin
ta vie s'ra plus une peau d'chafouin


ça c'est sincère l'ami
et c'est plus fort que tout l'tintouin 
qui t'emmène comme un assourdi 
jusqu'à la lisière de demain.


Nîmes le 27 juillet 2017


mercredi 26 juillet 2017

Erub... Cherub... Mérou... Pérou... Féru... Fétu... Étude... Mansuétude... ou de la diversité infinie des sentiments humains...




« Le réel, c'est quand on se cogne. » Lacan



Donc je n’ai pas envie d’écrire. 

Faute de croire en toi, Bret, faute de croire en moi. 

Un hiver nous habite qui semble bien installé, et recouvre les aspérités fécondes de nos sentiments d’une épaisse couche de neige, d’un velouté qui nous isole, d’une volonté sublime et consensuelle de taire les événements rugueux de nos vies passées.

C’est pas qu’on n’aime pas, mais comme dit la chanson, la vie sépare, la vie éloigne, la vie enivre, la vie entame le gâteau du partage, et elle se taille une part de félin. 

Une sorte de pesanteur, une perte d’appétit et d’intérêt, une soif autre aussi s’immisce doucettement - gentiment diraient les Suisses romands - au fond de nous et nous fait repousser sans geste de dédain et sans dégoût la part qu’on aurait dû aimer dans notre relation, réciproquement idem, et donc : pas de réponse à une supplique restée imprononcée, peut-être parce qu'impronçable. 


B.A. du film avec Romy Schneider
On campe sur des positions devenues un confort de compromis, voire de compromission, une espèce de procréation qui proroge et étaie notre profession de foi bancale et sans apport. 

Que dis-je, nous sommes grandis et rapetissés à la fois, grandis par cette distance et par l’effet loupe qu’elle induit, et en même temps amoindris par la promiscuité et l’exiguïté de nos sentiments, rabougris et élancés nous sommes dans l'entre-deux de la vérité du sentiment et du mensonge de la parole, car la parole ne peut tout dire, ne peut épuiser notre réel, ne peut signifier ni même singer convenablement et suffisamment la richesse infinie des affects et de leurs vecteurs sentimentaux.

Car je crois que nous n'avons pas que des sentiments euphoriques/dysphoriques, selon la distinction classique, mais des millions, des milliards de sentiments tous différents, comme des teintes et des nuances extrêmement variées, selon le moment, la personne que nous rencontrons, l'histoire de cette relation et l'anamnèse de notre histoire personnelle.

Comme le nez peut percevoir des trillions de trillions d'odeurs divergentes selon les recherches les plus récentes, de même nous possédons en nous des milliasses de milliasses de sentiments divers, variés, composés, patchworks, manteaux d'Arlequin, compositions florales de la vie intérieure... que sais-je encore ? 



vendredi 21 juillet 2017

La vie a bien un sens, mais est-il interdit ?




Les anciens avaient raison, qui frelataient le temps. 

Moi je suis Gros-Jean comme devant, mon plumard se défait, mon matelas (de billets doux) est éventré et son trésor se libère et se délivre dans d’autres cimetières. 

Dans le néant ?

La vie, me dit-on, n’a pas de sens. 

Lui en donner un, voilà ce que toutes les générations passées se sont ingéniées à faire. 

Nous sommes les vautours du printemps, et nous œuvrons au grand repas du soir, celui du désespoir ; dans le noir de nos yeux de jais il y a le coutelas à dépecer le semblable de nos vœux pieux, qui sont le reflet émouvant ou truqué du cœur, le sentiment.

Dans l’arbre de notre moteur, des supports amovibles et ténébreux dont la géométrie varie, comme éléphantesques par moments, et abracadabrantesques à d’autres instants. 

Il est interdit de photographier le cadavre de notre présent. 

Notre bourse est aphone, nos rentiers sont pauvres, et c’est en grinçant des gonds que notre porte nous libère de cette demeure.

Navigation hauturière, lasso spéculatif sans l’ombre d’une redoute. 

(J’attends ma prochaine livraison). 


Aux USA jardin en chœur... © MMM
Comme sittelle et poule mouillée, je me défais de mes arraisonnements inutiles, de mes scrofules superfétatoires, de mes vacantes écoutilles. 

Comme enfant terrible des années 2000, je dribble le prytanée de mes déconvenues, le blanc-seing de mes héritiers perdus.

Au cœur de mon ponton, je plante une livre de beurre doux, avec l’espoir fataliste d’arriver à faire glisser l’empereur ou son dauphin.

Sinon, rien de bien nouveau sous le soleil.

Malheureusement.



mercredi 19 juillet 2017

Le log de mes années passées





Le carnet de route, le log de mes vertes années est rarement indemne de la tuberculose du pauvre, et me semble parfois jonché de défaites, déconfitures, bévues et mécomptes.

Les pages striées de ce cahier où je note mes sautes d'humeur semblent là pour en témoigner, comme le vide se met à tourner et à emmener avec lui le reste des non-choses, des non-êtres évanescents, des fadaises frétillantes et des fredaines trop faciles.


Le vide, la nature l'adorerait-elle en se courbant devant lui - on parle de la courbure de l'espace-temps- , serait-il majesté ténébreuse qui aspire toute chose pour l'engloutir à tout jamais, ou le régurgiter à une adresse inconnue ?

Je ne le crois pas, mais...

Nous sommes poussière, nous brassons du vent et nous nous perdons en conjectures sans nombre, sans but, sans chemin. (...)

Peut-être que notre intimité nous mange de l'intérieur, nous empêche de voir le bas-ventre de la vie.

Celui qui grouille de monde, qui vibre de ces ondes porteuses capables de faire crouler les murs de Berlin, toutes les places fortes du monde, tous les périphériques et toutes les Capitales de la douleur.

Nous manifestons l'appartenance à des réseaux, quand notre firmament se laisse effilocher par la lumière de nos feux de croisement.

(...)

Nous sinuons, nos méandres se multiplient avant l'arrivée en eaux salées, c'est un peu ça l'épitomé de ce que nous apporte la médecine moderne.

Work in progress que notre vie, éternelle quête d'un absolu qui ne serait surtout pas le vide et encore moins le vide absolu.

Pas de nirvana symbolique pour nous autres les piétons d'un univers incommensurable, inimaginable, et nous nous consolons en attendant le monde de demain, qui vient à petits pas, doucement, ou parfois dans un boucan indescriptible, ou en fanfare, comme un défilé militaire...