samedi 31 décembre 2016

La carte qui est si délirante....




"Like any dealer he was watching for the card
that is so high and wild
he'll never need to deal another
(...)
And then taking from his wallet
an old schedule of trains
he'll say I told you when I came I was a stranger
I told you when I came I was a stranger"
Léonard Cohen, The Stranger Song


Le jeu de mots m'est souvent facile, comme si le ludion mental pouvait remplacer, chez Lacan version supermarché ou supérette, la vraie pensée. 

Celle qui génère.


Que reste-t-il après coup ? Un signe de la main, le caractère voisé d’une syllabation laborieuse. 

Le sentiment d’une boiserie dans la vieille maison de mon enfance. 

Le pourtour évasé du sourire des choses.

Je prends souvent conscience de ma petitesse, de mon trublion intérieur, qui m’injecte des suggestions didactico-drôlasses, par autant de canaux qu’une radio libre dans la bande passante. 

Et quelle passante patiente dans la rue qui chante ! 

(...)

Adieu les armes simplissimes et les motus carrés. 

Mon orbe est cent villes et mon monde est poterne. 

(...)

Mes ratiers sont sur pied et le fourrier en chef aussi. 

Il prépare dans l’ombre un coup dur et une rude besogne le tient attelé à sa maçonnerie d’hyménoptère hypnotiseur. 

Solitaire. 

Dans la famille des guêpes, je demande la maçonne. 

Un rien de soupçonneux arrivisme lui (me) donne envie de dégainer plus vite que tout le monde. 

Comme Lucky dans Beckett (En attendant Godot) il reste attaché à son ombre, à son nombre, à son nom.

J’ai de la chance me dis-je parfois, car j’ai tiré la "carte qui est si délirante" comme dans la chanson de Léonard Cohen, qu’elle vaut toutes les autres et bien plus que cela. 

Et que je n'aurai donc plus jamais besoin d'une autre...

Sauf si...




mardi 27 décembre 2016

Et le désert avance...




Écris sans avoir rien à dire, me souffle le vent, n'écris que pour la beauté du geste, pour le doux délire de vivre un peut-être d'éternité. 

C'est comme si j'avais avalé par mégarde un champignon hallucinogène, une sorte de détrompe-la-Mort avant l'heure, un hémicycle de députés dépités en proie à une fébrile agitation (j'allais écrire « adoration » : c'est que le centre les regarde, et que, insensiblement, il les attire ; il faut un point focal à notre déraison même parlementaire). 

Nous voguons sur une mer souvent démontée, souvent en colère, sans Jésus qui dorme au fond de la cale, sur un oreiller, capable de se réveiller et de calmer les impétueux flots cérébraux. 

Laissons nous donc emporter jusque là, où l'incandescence est vivante, comme un œuf déposé dans un autre œuf, qui se perce et éclate et berce le néant du devenir gérant. 

Et peut-être demain le mystère s'éclaircira qui vibrant et têtu empoisonne le fétu de nos râles.

Il mesquin qui me semble. 

Qu'avant j'avais des idées, que soudain quelque chose s'est figé, en se brisant, sans éclats, sans débris, sans rien en fait. 

Une fausse persévérance aux ameublements hautains. 


Je ne suis pas écrasé, mais je m'écrase. 

Je ne suis pas boueux, mais je m'ensable, je périclite, je m'envase. 

Mes paroles sont tristes et mon cache-col vissé est synthétique. 

Ecclésiaste des mots, je me dépatouille comme je peux, rameutant leur troupe dispersée et volage, dansant comme un gymnaste déréglé et (dé)porté par le courant, sans courtepointe dans le déchaînement de leurs forces contraires, au fond de ce vaisseau aux mâtures inverses. 

Je mure mon silence dans notre conversation. 

Je me cogne contre la vie, comme auprès d'une source sous-marine, où vibrent et remuent des êtres aveuglés par tant de ténèbres.

Mon art ne subsiste que dans mes allumettes grillées, semble-t-il, au fin fond de mon âme esseulée.

Avec comme programme : connaître l'humain. 

Cet humus qui respire, ce terreux qui décolore la vie et qui nous encolère parfois. 

Quoi, cette vaguelette, ce rien, et cet impact de météorite au beau milieu d'une terre désertique.

Car le désert avance !



samedi 24 décembre 2016

Prisonniers de l'Espérance...






Il faut reprendre la plume.

Il faut pleuvoir, se laisser implorer par le blanc des yeux de Béa, par les limites, les frontières, la porosité aidant, pour finalement aider à l’accouchement sans douleur, en douceur, du petit baby (His Majesty the Baby, comme disait Freud) qui roulera les mécaniques avant d’avoir ses 18 ans, enrubanné de mille feux, et buvant à pleines gorgées le whisky de la jeunesse. 

Mais rien ne vaut l’intérêt brut, l’intérêt avec ses arrérages, avec ses dépendances.

Ernie sera-t-il libéré ? 
Il semble que se concentre sur lui le transfert des politiques et d’autres âmes dont je suis partie, pour souffrir avec lui, à ses côtés, dans l’horreur qu’il subit depuis tant de jours.

Le temps passe et sa santé se détériore, la vie en brousse est intenable, j'en sais quelque chose, que dire face à ces bourreaux insensibles, qui arrosent le monde de hontes et retiennent en otages des milliers et des milliers de personnes ? 

(Les prisonniers de l'espérance, selon l'expression du prophète, sont, peut-être, les derniers embastillés du monde.)

Je suis atterré à l’idée que des gens, des humains, soient aussi incompréhensifs face à la souffrance morale et à la solitude de leurs otages. 

Comme s’ils ne prenaient pas soin de leurs orteils à eux, puisque ces "otages" leur donnent une assise, un équilibre dans la terreur, dans la guerre sans merci de leurs factions irrédentistes.


Il me faudrait écrire mieux. Ne pas renoncer, ne pas renouer avec le passé crépusculaire, avec les sens interdits de l'arrière-garde.

Libérer les otages qui sont en moi.



jeudi 22 décembre 2016





Comme un reflet penché sur le rivage du monde, il y a l’insoumise qui nargue les nuages, il y a l’intruse et la reine volage, et nous sommes arrimés à nos simplicités… 

Le moteur tourne mais à vide, et nous pataugeons plus qu’autre chose dans le vitrail marécageux de nos regards. 


L’orme de l’amour est atteint d’une maladie rare et d’une épidémie mortelle, il s’étiole en gémissements contenus, en grincements de tronc noueux et en écartèlements de silences ajourés. 

Les feuilles sont-elles encore vivantes qui bruissent d’un dam et d’une souplesse feinte. 

Les fruits sont gangrenés de cet ego qui fuit à l’approche du vent. 
Je suis tétanisé, et l’armoire est fermée. 
Elle recycle le tronc, avec des palissandres qui jouent, tendres clepsydres, à meubler l’infini de nos vertes allées et venues.

Aller retour sirotés dans les gares sans visage, revenus bien tassés dans l’ensouple des tisserands, navette et aussi pour l’aéroport, comme une robe tissée à travers le temps et l’espace pour décider le monde. 

Un subit entendement récite nos pouvoirs de poussières et nous sommes escaladés par le déclin des graves. 

mardi 20 décembre 2016





Je vois ici, à la Brioche Dorée, des joueurs de cartes. 
Ils gagnent du temps sur la vieillesse, ils se dispensent par des gestes stéréotypés et immémoriaux une sorte de remeil, un havre de chaleur humaine dans le froid sans morsure qui vente au dehors. 
Il faut bien faire défiler la vie, comme une bobine de film moyen, et se laisser bercer par la musique d’ambiance, se gorger d’impressions neutres dans un monde hautement engagé et par là même agressif. 
Les cartes sont des alephs, tout se rejoue dans cette distribution aléatoire des rôles, des atouts, des possibles. 
Je bois mon thé, il est trop chaud je crois. 
La mainmise sur le capital est individuelle, mes pauvres économies se perdent dans l’inassouvissement de mon cœur transi. 
Les locomotives sont des gauleiters et des leaders d’opinion. 
Rien ne sert plus de raisonner, de se torturer à essayer de comprendre. 
Sur les tables de parfaits inconnus au visage pourtant familier (nobody is perfect, disait hier un ami), se succèdent avec leur petit paraphernalia, leur plateau égal à lui-même, leurs habits à défaire et leur regard autistes. 
Nous sommes les jouets de la vie, des dieux capricieux nous mènent dans un train (j’avais écrit un tarin) sur leurs barques qui jouent aux tamponneuses. 
Je crois que nous ne sommes jamais libres, parce que nombreux. 
Notre métier, notre devenir, notre vie, sont hasard. 

Le thé est maintenant à température idéale pour ressentir le doux parfum sur le voile du palais. 
Les heures se mettent en tête de faire la queue leu leu. 
Mon amie est loin, je ploie sous les éthers de prosaïsme que cela signifie. 
Est-elle perdue, et alors je suis meurtri. 
Son amitié m’est si chère. 
Les vents contraires me contrarient, mon souvenir est blessé et je suis incertain. 
Et que devient-elle, si volage et si pleine de non mystères, poétesse prêtresse. 

Que puis-je faire pour aider ? 
Que devenons-nous, où allons-nous et quelles misères nous guettent ? 
Au fond des tiroirs qu’on racle, il n’y a plus qu’une crasse épaisse qui cache à moitié les lignes du bois : c’est que nous sommes faits (tels des fromages, tels des rats, ou telles des œuvres ratées ?) et
La courtisane Rahab fait échapper les espions envoyés par Josué... attribué à Matteo Rosselli (sans doute par erreur)
qu’un soupçon point, avec insistance, mais sournoisement. 

Que penser, tout est si clair en fait, tout se fabrique des raisons, et la tristesse aussi. 
Elle m’envahit comme une petite marée, elle m’investit comme une taupe envahit ses tumulus d’évacuation. 
Je dérive, insensiblement, vers des terres d’élection. 
Je vote avec mes pieds. 
Mon rot est un regret, un remords riche d’inconscient. 
J’écris, peut-être pour oublier les tirades d’Olympes dépassés par d’autres Olympes, détrônés par des monts plus hauts, plus forts, plus habités, plus orgueilleux donc.




samedi 17 décembre 2016

Comme les pleurs étouffés par les rires des vauriens





Comme un enfant meurtri par une gronderie infondée
comme un prisonnier de conscience qu'on ne va pas visiter
comme un manteau de laine mité par toute la pauvreté 
comme un rideau taché d'avoir été trop touché

comme un rideau de fer qui se refermerait


comme l'étoffe du vrai enflammée par la honte de l'immonde
comme un être brimé par la paranoïa du monde

comme une étrange et belle étrangère qui vivote
comme un regard croisé dans la rue des pleurotes

comme un oiseau blessé au cœur de l'instant
comme une maman dont on aurait meurtri l'enfant

comme un sosie lynché par l'erreur de la foule
comme un cheval fourbu dans la fange de la nuit


comme un prêtre égorgé à l'autel de la haine
comme une sentinelle qu'on ne vient jamais relever

comme une maison hantée de souvenirs épais
comme un rire détonant dans la cathédrale des gisants

comme un sobre matin dans une aube égarée

il te reste demain et le temps à tuer...



vendredi 16 décembre 2016

La Matrice d'un Monde





« Qui sait ? Peut-être un peu d’or dans ces notes ? »
Roland Barthes


De prime abord, quand j'essaie consciemment d'y penser, au-delà de l'imaginaire fixé plus tardivement par les images qui s'accumulent, les traits de ma mère m'apparaissent tels que sur la photo de sa carte SNCF  (réduction de 75%) pour famille nombreuse. 

C'est celle qu'elle m'a laissée quand elle m'a quitté, sur mon île perdue dans l'Océan Pacifique.

Dire qu'alors elle faisait jeune, 40-45 ans, une misère cachée, un visage serein.  
Titien, 1555


Elle est en noir et blanc. 

Quelques ridules dans le regard, celles peut-être causées par l'importance de son rôle, de ses responsabilités familiales et filiales. 

Car imaginez un peu : élever 8 gosses sans machine à laver, sans argent que le maigre pécule donné par papa pour la semaine, c'est un défi qu'elle a dû relever avec la conscience aiguë et révoltée qu'il ne saurait en être autrement, que la vie l'emportait avec elle, tel un impétueux torrent, un puissant train en plein élan, incontrôlable et mugissant. 

Son regard, un peu vide dans mon souvenir, empreint d'une douceur de catéchiste imbibée de l'importance de sa mission, avec ses livres à portée de voix pour ainsi dire, avec ses espoirs d'une vivacité je pense sans cesse renouvelée. 

Elle, tout entière dans cette demi-présence, étonnante de beauté et de sérénité, le visage légèrement rond, les cheveux bouclés et d'une grande et belle abondance, tel un visage de Joconde demi-moderne (c'est ainsi que je la vois), avec un sourire à peine prononcé et un peu crispé, et cette pudeur, cette retenue qui lui barrent la gorge et se tiennent dissimulées dans ses traits d'énigme, de questionnement lancinant, dense, tendant inexorablement vers l'absolu. 

Françoise Dolto pour moi, sans la science de l'enfance. 

Ou alors la Mater Dolorosa du Titien dans son élan religieux et ses mains jointes, comme emportées par la prière vers une union sacrée.

Une espérance mutique, dans ses yeux bleus - alors que ceux de la Mater du Titien sont bruns - bleus mais d'un terne magnifique.







mercredi 14 décembre 2016

Ressuscitation....





Ce rire est un rythme, 
                  ce rythme est un chant, 
                                   ce chant est un chœur, 
                                                   
                                                       ce cœur est solide. 


C’est comme une prière. 

Laisser doucement pénétrer la vie dans les artères coronaires, dans les aortes pulmonaires.

Hilda est en réanimation, 

                                     elle est sur le point de revivre.





Il faut lui téléphoner.
                                           
                                     Qu'attends tu là
                    à bader...
                                                                 tu l'aimes redis-le 

                                                lui

             même si elle n'entend 

                                                  qu'à demi...





jeudi 8 décembre 2016

Écrire, écrire, écrire, et si c'était ça le but de la vie, écrire avec son ADN en le reproduisant, écrire avec sa pollution nocturne en conduisant la voiture, écrire par le dépôt qu'on laisse en liasse dans les WC, laisser des choses derrière soi, donner sa vie et son temps à ces occupations nécessaires et pourtant futiles, mais qui décrivent des pans de vie, des bouts d'histoires dans le déroulement autrement monocorde de nos 30000 jours.

Écrire.
 Écrire. 
Dire aux autres ses ennuis, ses peines et ses alibis, tracer des lignes rapidement tout en prenant le temps, ne plus tuer le temps mais plutôt l'habiter, l'amadouer, le forclore dans tout son folklore -inévitable assonance que je dé-pense - des minutes du tribunal qui dansent devant soi avant de se jeter à vos pieds en falotes évincées.

 Ce que la vie peut avoir de triste, ce couteau énigmatique sur ma table (quel sera son destin de couteau) ou cette hirondelle qui fait son nid sous ma fenêtre, ce que la vie de ce côté a peut-être de plus beau, le retour permanent ou du moins récurrent de l'invincible joie, cette joie qu'on entend à tue-tête dans son jaillissement intérieur, une pulsion dirons-nous, une citerne qui tout un soudain déborderait (bubbling forth) et remplirait la pièce où le moi a l'habitude de résider, entre deux oliviers ou entre deux réservoirs. (C'est le devenir bipolaire du monde qui m'inquiète. Entre les sports divins et divinisés et les guerres fratricides, urbaines ou claquemurées.)

Ainsi on peut retrouver sa vérité, la cajoler, la déminer de tous ses fatras endémiques et stériles qu'on lui assène par tous les diables du système et de ses médias.

samedi 3 décembre 2016

A la recherche de l'arche perdue...



"Je n'oserai jamais prétendre que je possède la vérité. (...) Personne ne peut par ses propres lumières atteindre la vérité ; ce n'est que pierre à pierre, avec le concours de tous."
- Léon Tolstoï - LA GUERRE ET LA PAIX



Cette implacable (et devineresse ?) incomplétude, elle se traduit par mon sentiment de creuser les entrailles de mon disque dur, sur cet ordinateur qui se cabre sous mes doigts, sans jamais trouver une fin, une fin heureuse, une conclusion ou un conclure qui ne soient pas temporaires, exigus, mesquins, rétro- ou introspectifs.

S’il suffisait de prendre un café, un morceau de sucre et un verre d’eau dans un lieu improbable ou habituel pour, tout un soudain, se mettre à bien écrire, à peindre, à dépeindre, à bruire ou à ronronner comme un moteur de voiture racée, élégante, sportive, raffinée presque, ça se saurait ; ça ferait des émules. 

Il y aurait des milliards de blogueurs, des milliards de scribouillards et/ou écrivains, des milliards de journaleux et/ou journalistes, des milliards de pasticheurs de la nature et/ou de poètes créateurs de la vraie ville. Celle qui a de solides fondations.

Le dépassement du quotidien, de l’impossible quotidien, dans un thé au citron, ou au jasmin, ou un thé rouge comme teinté du sang des âmes mortes au pied de l’autel. (Pour quoi ?)

Non, ça se saurait. 

Donc. 

Avec. 

Si. Comme si. 

Une épée dans l’eau. 

Un cygne empaillé.

Ce soir. 

A jamais.




vendredi 25 novembre 2016

La pluie tombe sur la Turquie




Jeudi d'ennui et de mortification. 

Jour où la pluie descend le long des vitres, où dansent les reflets sur la peau mate de la vie, replète de satiété creuse et d'ennui créatif, comme embaumée de torpeur calme. 

Je suis là, tu es là, nous sommes à bout de course, n'est-ce-pas, enfumés par la broussaille de nos barbes ou cheveux, les yeux embués de demi-larmes, dans le semi-deuil de nos années perdues, dans le vitrail au bleu profond de nos globes protubérants et riboulant encore comme des billes dans un flipper suranné. 

Pierre Subleyras, Moïse et le Serpent d'airain, détail,
Musée des Beaux-Arts, Nîimes

Nous sommes visités par deux abeilles au calme doux, à la suave haleine de notre café. 


Comme revenus vers la campagne duveteuse, aux rythmes lents, sans saccade, aux danses en habits traditionnels, menuets éclos dans les après-midi comme des œufs qui laisseraient - enfin – échapper leurs oisillons curieux de tout. 

Le serpent d'airain nous sauve de la pétrification létale.

Nous sommes fous d'amour, fous de tout. 

Deux enfants au cœur du monde dérivant tels des filets qu'on récupérera un jour dans l'assaut des vagues du littoral. Ou sur la Place de Grève.

Un soupçon, l'ombre d'un doute, le bord d'une mer en effet, et nous nous armons de la patience vaporeuse de notre cafetière, comme si nous étions nous-mêmes mauvais percolateurs, engins troubles entre le blanc cassé de la vie et le noir épais du café à la turque.

Je te laisse à tes rêveries sans fin, sinon celle de ton regard figé sur le poteau entouré du reptile.

La décision te revient.



jeudi 24 novembre 2016

Les Vertèbres Du Front...




"... elle tendait à mes lèvres son triste front pâle et fade sur lequel, à cette heure matinale, elle n'avait pas encore arrangé ses faux cheveux, et où les vertèbres transparaissaient comme les pointes d'une couronne d'épines ou les grains d'un rosaire... " - Marcel Proust, Du côté de chez Swann, Combray (le narrateur raconte la visite chez la tante Léonie)



Ah ! Vertu du décor mat et des ramures verdoyantes dans leur noirceur mirobolante et torve. 

Simple rigolade ou douce fatalité. 

Les mots viennent sans peine à qui a déjà beaucoup peiné pour les trouver, forts de leur maturité théologale, dans les textes sacrés des religions syncrétiques. 

Car il y a une religion pour chaque auteur et un autour de la religiosité dans chaque grand texte. 

Suis-je bien à l’aise dans cet aluminium froid où penche mon stylo. 

Il manque la dernière vertèbre à ton front d’invétéré vertébré. 

Alors je me mets à picorer comme une sittelle, j’y vais de mon crayon, de ma faible plume, je martèle avec ce bec pour faire sortir la pulpe, le sens secret, le chas de l’aiguille trop fin pour la grossière filasse de ma pensée. 

Jamais cela ne tiendra en un livre. 

Je serais ennuyeux, je crois, mon texte serait plein de redites, autant de coups marqués au jeu de tricotage de mes pattes de mouche. 

Je serais imberbe comme le prophète rasé à moitié par ses adversaires, humilié pour défaut ou manque d’humilité. A moins que je ne sois le soir ingambe d'un empire moribond.

Car au fond, l’orgueil mime l’humilité, et il est un hommage à cette petite (petite, à son idée) et falote (selon lui) vertu si sympathique.

Car nous sommes tissés, nous sommes pétris, nous sommes formés d’infamie, dans son sens premier. 

Notre petit rire égocentrique se love dans les qualités et la tolérance des autres, se pelotonne dans les lacis de nos enchevêtrements mutuels. 

Nous les humains hurlons de douleur mais en taiseux, toute la vie est forte de souffrance, l’habitude à cette souffrance est fatale à notre liberté, semble crier notre cœur meurtri. 

Rose et épines que nos silences dribblent et que nos doigts effeuillent (épétalent) machinalement. 

J’aime ce thé. 

Mais la force de nos prouesses, c’est la faiblesse de nos cœurs. 

C’est l’églantier qui donne naissance à la rose. 

C’est Mendel qui fait les OGM, tellement comprendre c'est manipuler. 

Nous fleurissons nos tombes, à défaut de flétrir nos usages, et de friper nos visages nous mène à cette beauté subtile de notre plus grand malheur : qui n’est qu’une philosophie, celle d’apprendre à mourir. 

La mort en je, comme une image en je*. 

Le regard en je est une sentence de petite mort... ou une bénédiction de vie ? 

La mortelle intens(t)ion tue le petit fretin de l’extension. 

C’est une ressource propre.

Je pense et je divague. 

Ce n’est pas là renouveler le mot, le monde du mot. 

C’est piétiner allègrement les galeries et les bandes-son (assez plates souvent) de Sa Majesté des Louches.

Mauvaise pioche. 

Je pense donc je... je perd le sens secret, anagogique, de mes années aussi bien que le vocable familier et la phrase bien née. 

Ce serait un peu de fleurs séchées autour de mon gilet de sauvetage. 

Que de paroles vraies restent cachées en moi, qui demandent l’humidité de l’encre pour s’épanouir, grandir, se multiplier. De paradis artificiels point n'est besoin pour transmuter le monde des artifices que propose la société moderne.

Que tout se recrée, c’est un désir tu en moi, que revienne le temps des épousailles du mot et de l’idée. 

Créer, voilà bien le 'merveilleux malheur' inhumain dont l’absence est encore plus grand malheur pour l’humain. 

Humanité de nos cicatrices ; perversité (voulue ?) de nos enfantements. 

Idéations. Tout paraît qui doit disparaître. 

Et les journaux sont le ricin qui pousse sur la tête des Jonas modernes. 

Ils se dessèchent par le vent d’Est, et l’homme se morfond au creux de son bonheur triste.

Rivière, rivage, révolte cyclique de nos âmes délitées. 

Je parle de gypaètes barbus et de chats-huants. 



Alors je carapate les automnes épars et irradiants, et là vient terminer l'arrière-monde.


Deux morts de plus sur la Grand'Route de l’oubli.


(Ave Imperator Morituri te salutant+)


* Une image en je en publicité est une photo ou portrait dont le regard nous interpelle directement.

+ Ave Empereur, ceux qui vont mourir te saluent. (Paroles des gladiateurs dans l'arène quand ils officiaient devant César...)



vendredi 18 novembre 2016

J'ai pleuré la passion-étincelle




        J'ai pleuré la passion-étincelle
Mirage d'un passé sans gazelle

           La moelle de ses allées
                      Est sèche à tout jamais

©AW?
                     Ton cœur part à vau-l'eau
    Comme un dessein escargot

                                  Forêt tant défrichée 
                Figures de ton attrait

                    Mon oiseau c'est l'espoir
       Toujours parti jamais revenu

             Loin loin là bas en des contrées noires
       Qui restent encore inconnues

Depuis toujours je t'attendais


mercredi 16 novembre 2016

Un bon pour écrire... dans une chambre à soi.




J'ai un bon pour écrire
C'est un bon de transport

Pour changer le décor
C'est un bon du Trésor

J'ai un bon pour écrire
C'est un billet plus doux
Que le plus bel empire
Un billet du redoux

J'ai un jeu d'écriture
C'est un brouillon fêlure
A ceux qui n'ont pas pu
J'en suis encore ému 

Un dessin magnifique
L'orchidée épiphyte 
Aux corollaires si fous
Dans le temps des gourous

J'ai un bon pour écrire
C'est un bon de transport
Pour changer le décor
C'est un bon du Trésor

Ai-je le don d'écrire
Pour d'autres rendez-vous 
Ce parfum de délire
Dans le temple aux joujoux


dimanche 13 novembre 2016

Du point de vue d'un spermatozoïde malchanceux...

Ce que j'ai vu à la Bibliothèque publique d'information, la BPI du centre Beaubourg, à Paris, m'effare sur le moment et m'enfonce un peu plus dans mes réflexions : 

tant de cerveaux qui s'allument, travaillent, qui tentent le coup, leur coup, leur chance 

(pourtant, je n'aime pas ce mot qui masque et dévoile l'aléa, le hasard, la contingence, le coup de dés, le choir, le surseoir, l'involontaire sursaut, sais-je encore) 

qui cherchent leur place dans la corne d'abondance de notre "affluent society": 

un peu comme la valse sans hésitation des spermatozoïdes dans le vagin vers l'utérus : 

beaucoup resteront sur la touche, s'écraseront contre une paroi en s'étiolant, sans parvenir à féconder l'Esprit. 

Nous sommes dans une impasse, et nous régurgitons nos aperceptions prédigérées, nos instincts inscrits quelque part, peut-être dans nos gènes, peut-être dans l'épigénèse, nos préformatages de conduites autorisées et le plus souvent autarciques. 

Car tout nous détermine, et se croire libre est un leurre, un de plus dans la panoplie séraphique de la vie sauve. 

Nous nous heurtons aux sirènes et aux Piliers de la création, aux sept piliers de la sagesse, aux "socles mortaisés" de la planète et ils nous incommodent, nous font reculer, déguerpir même, et nous condamnent à la résipiscence. 

Notre devenir, un rien l'escamote, notre futur est barré d'infranchissables horizons, notre petitesse de spermatozoïdes vainement agités nous écrase.

Argutie de première classe, chanter son malheur c'est rallier les imbéciles, en hochant la tête, en opinant du bonnet rouge (avant qu'ils n'existent en Bretagne...), en signant la Pétition. De Vaclav Havel ?

Lettre morte dans l'infini des hameçons, ceux qui nous précipitent dans l'absence de vie, avec la célérité des événements inattendus (parce que parfois trop longtemps attendus). 

Nous sommes happés par une machine infernale, un engrenage sans fin, une déchiqueture nous minusculise. 

Nous émascule. 

Ou nous dé-féminise (comme par une excision criminelle). 

Nous sommes à l'abri dans la paroi ou sur la muqueuse. 

Mais cette sécurité préside à notre fin, à notre débandade. 

Nous circulons dans le couloir de la mort, comme dans les allées de la morgue, avec un filet de morve au coin des lèvres, hagards et hébétés. 

Nous sommes cernés par le non-être, la camarde (camarade...) et nous l'apprivoisons à grand-peine à force de supporter, de fréquenter, de tenter d'incorporer, donc de phagocyter les entourages de la gueuse. 

Hideuse et fatidique gueuse. 

Pleine de tourments et de lueurs toxiques, quasi méphitiques.

Celui qui seul peut vaincre tarde-t-il tant ?


jeudi 10 novembre 2016

De la tectonique terrestre




Le symbolisme de la croix est immense, sempiternel, entièrement absorbé ou adsorbé par diverses cultures et cultes...

Cathédrale Saint-Étienne d'Auxerre (89), je crois...©MM

Il y a la croix ansée, symbole de vie, des Égyptiens.

Il y a le svastika, la croix de St André, la croix des chrétiens, celle des protestants avec la colombe en dessous... que sais-je encore ?

Tout cela est déjà connu, analysé, débattu depuis fort longtemps, dans le pré verdoyant des cultes lentement stratifiés, quasi géologiquement, qui se sont développés au cours des milliers d’année d’histoire humaine. 

Il me reste à tenter de perpétuer le vouloir inconscient de la ligne historique de ceux qui croient (tiens ! encore une phonie semblable à un symbole), il me reste à contresigner d’une croix, moi l’analphabète insoucieux, le matériau de mes illusions-dérisions nacrées. 

Le thé a la couleur de la vérité, la substance chaude et liquide du volcanisme le plus primaire, qui participe de la tectonique somptueuse des villes en gestation. 

Rien ne sert de t’aimer plus fort que les autres, dérive des continents. 

Rien ne sert non plus de trembler à ton approche et tes phénomènes de convection mènent à la subduction et à l’arasement des cratères météoritiques anciens, tous enfouis depuis belle lurette. 

J’aurais aimé parier sur ton dos, la terre, que des cataclysmes t’agitent en tous sens, avec panache et le brio des artistes complets. 

J’aurais voulu te prendre à bras le corps et faire l’amour avec toi, courbé sur ton échine et aller dans l’orbe de ton pas ramasser une figure triste comme la lune et au miroir de ta belle eau me retrouver las, las, las mais heureux de te connaître et de t’aimer. 

J’aurais alors mimé ta titubation éternellement immobile, j’aurais bu autant que tu l’absorbes, j’aurais gagné à te connaître, à vivre sous ton pouls, au régime de tes années de morne dictature. 

Car tu es fasciste, la terre, comme les mots sont fascistes lorsqu’ils s’organisent dans le langage. 

Tu nous soumets à ton joug d’airain, tu nous mates et nous fais pion sans initiative et sans force intérieure sur ton échiquier.

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mardi 8 novembre 2016

“秋在北京” ou l'Automne à Pékin

危机*

"The Chinese use two brush strokes to write the word "crisis". One brush stroke stands for danger ; the other for opportunity. In a crisis, be aware of the danger - but recognize the opportunity."  John Fitzgerald Kennedy


L'automne                  à Beijing                           me fait                                saturer

                             je préfère                                         et de loin

            le printemps                                                faux bourge'
                          
                    la sueur du temps
                       
     et l'amie farouche
                         dans les transports 

en commun

                                                                                                (il faut avoir pris

dans les Hutong      

à Beijing          les cyclo-pousse

                          pour les hoquets                        

 les soubresauts                  les halètements    quasi métalliques

                                      comme un colis voyageant                      dans la soute

d'une ancienne malle-poste)                                                    et les mandrins                                               qui déboulent                assassins... ?

                           dans le roman               jamais ouvert                       du castor

              par à travers                        la page immense

                                       félicité                                           imméritée

          ou mesurée                            selon le lien

               il faut rêver à d'autres soins                         à d'autres foins

            pour dormir serein                      dans le chagrin

                 mesquin

de l'Armorique 

déboussolée



“秋在北京” “Qiū zài běijīng” L'automne à Pékin, roman de Boris Vian
危机 Wéijī (prononcer Oueïti), "crise" en chinois simplifié

samedi 5 novembre 2016

Comme si....




          Comme si...

crois être un blanc-bec, 

le reste d’une opération arithmétique, indivisible et sans postérité, 
irréductible et hispano-breton, 
plein de cette verve qui vient à celui qui paraît être, mais qui n’est pas.

Souviens-toi d’une drôle de guerre, entre les mots et toi, un retour impossible à la ligne, 
une faim de non-recevoir dans l’aréole d’une faim de monde. 

Le prurit du prétérit, le prétérit du prurit. 

          Comme un oiseau accablé de fatigue, au bord du fossé, une sorte de voyageur sans bagage venu d’un Canada lointain et symbolique. 

          Ton cœur est abrité dans le cœur de l’arbre mou, 
dans le centre de la terre, 
ligneux comme le bois des résineux de la résilience, plein d’une montée de sève sans sa pareille au fin fond du fibrome argileux de la terre.

          Je n’ai rien que d'ordinaire. (Comme si...)

         Seulement un vide sépulcral, 
une sorte d’abysse sans vie connue, 
un trou noir gros comme une graine de moutarde, de quoi transplanter des arbres intérieurs dans le ventre du monde. 

Et qu'est-ce qu'une graine de moutarde qu'on ne laisse pas monter ? Elle n'est pas à elle seule assez de matière pour en faire un pot...

          D’ailleurs il n’y a rien d’extra-ordinaire dans l’écriture, c’est le vélo crevé de l’imagination. 

C’est la panne de réel dans le creux du moi. 

Le creux est peut-être encore enfant aux libres saisons, comme enchanté par le tain des mots,
tétanisé et hydrocuté par le fleuve des occurrences, jamais semblables et toujours pareilles. 

Cime de la déraison, oripeau d’une flammèche brisée. 

Tout tourne autour des mots, ce sont des entonnoirs à matière, et des réflexions de parloirs vides. 

Écho des conversations évanouies...

En fait, je ne peux vivre sans eux, sans la parlure givrée et ses guirlandes sans fin. 

Un tournis, une sorte de vertige me saisit quand je les lâche, 
et donc je suis accro avec ou sans un deuxième c en ultimatum. 

Car il y a échancrure et chancre, il y la raison écrasée de ton désespoir, le poplité de tes déhanchements.

Tu as peut-être le rythme de la vibration de la vie, garde-toi dans le nœud de l'arbre que tu deviendras.



jeudi 3 novembre 2016

Complainte de l'agnostique


"Je suis le proscrit qui se voile,
Qui songe, et chante, loin du bruit,
Avec la chouette et l'étoile
La sombre chanson de la nuit. (...)
Oui, mon malheur irréparable,
C'est de pendre aux deux éléments,
C'est d'avoir en moi, misérable,
De la fange et des firmaments !"
V. Hugo, A celle qui est voilée
Les Contemplations.

"The end of all things has drawn close." 
"La fin de toutes choses s’est approchée."
1 Peter 4:7, NWT 


Comme un sourire dépasse le visage des choses.

Un rictus flaccide empreint d’une pincée d’amertume saumâtre.

D’un souci laiteux, cotonneux, sans aucune finesse finalement.

Sans pardon. 

Les aubes méritantes sont des arêtes dans ma vie. 

Et ainsi vint la fin. 

Pas de mots pas de cris. 

Un chuchotis peut-être, une ridule dans l’été calme, étale, sans fin. 

Mer d’huile et de tournesols fatigués. 

Un jeu gratis et on se barbe sans retour à la case donjon.

Vérité prisonnière. 

Vaste blague à tabac qui circonscrit le mensonge avec une contiguïté certaine. 

Comme une sorte d’affinité et de copinage sans maniérisme pérenne. 

La mer, je l’ai vue à l’instant, véritable et têtue, comme les faits. 

Elle danse et chante le monde avec une manière de slogan envahissant, sourd, presque aveugle. 

Une rare trace de pattes palmées parsème le littoral déserté par le populo frileux. 

Une rime sans finalité, seule à résonner avec son image, avec elle-même. 

Comme si elle était célibataire. 

Un soupçon de beauté sur ses jambes dénudées. 

Une espèce de reste de charme sans faveur qui était, c’est visible, l’apanage courroucé de la jeunesse. 

Je suis dans l’entre-trois. 

Entre les troncs nerveux, la cime de l’arbre. 

Et l’espace instantané de l’interstitiel. 

L’amie qui versait la beauté au compte de la flatterie caressante. 

Une sibylline noirceur, un monstre sans tête ni corps, une sorte de baobab de la Contrescarpe. 

Pourquoi nul peut-être, en tout cas pas moi, capable de saisir les profondeurs sans fond de ses errements. 

Faut-il boire un tonneau entier de bon vin pour oublier le non-sens apparent de la vie. 

De la vie tout court, toute crue. 

Je sais que je vais faire hausser les épaules de certains croyants, 

Mais regardez autour de vous : tous ces insectes, tous ces animaux, toutes ces plantes qui hurlent leur douleur et leur fin qui approche.

La vie leur est ôtée comme un linceul souillé.

Est-il plus tard que je ne pense...
(...)

On a volé le journal ce matin. 

Les nouvelles sont prises dans le magma miteux des mythes. 

Les nouvelles coûtent un euro. 

Je suis les bras ballants dans l’incertitude d’une certaine certitude. 

Les non-dits sont appariés, et les mots s’accouplent en public, sans la moindre miette de vergogne. 

Les concaténés sont impudiques. 

Je zèbre mon regard d’obliques propensions. 



Le reggae danse dans l’homer de ton transport. 
Il faut calquer ma vie sur la celtitude. 

Je ne suis pas savant, sais-tu, je tente seulement de m'envoler avec les pennes des autres, volatiles, pour prendre un semblant d’essor, une ascendance au-delà le néant.

Qui me permette de voir mes peines sous un autre jour. 

Un regard extérieur, comme on dit.

Un regard d'aigle, et/ou de rat-taupier, de la fange et du firmament...

Offrande balancée.