samedi 15 juillet 2017

Je renonce




Unique portrait du baron Münchhausen en tenue de cuirassier (v. 1752).
Le fin fond de la brousse est aussi comme le fin fond de l'âme, ou de l'inconscient si vous voulez, un embrouillamini conséquent et structuré en lianes, en troncs, en branches, en feuilles, en ramures donc, en radicelles aussi, en mycéliums, en arborescences invisibles et touffues, en fractales entremêlées, en labyrinthes sans sorties, sans sens non plus.

Aussi ai-je trouvé en moi cet étrange palais, cet Angkor de firmaments et de tombes, une sorte de temple abandonné, livré à la forêt noiraude de la vie, et de son éternelle jeunesse. 

Je reste médusé, en proie à un trouble, une sorte de malaise de civilisation enfouie, de restes pourtant si bien conservés, de vide incroyable et fécond, peuplé d'êtres et d'aîtres comme autant de réponses à mon interrogation, et dans cette multiplicité même il y avait le sentiment d'être subjugué, envahi par contumace, comme énervé au sens littéral et donc de découvrir un monde interne complexe, fabuleux, verbeux, foutraque. 

Je renonce.

Je renonce, il est tremblement et terre neuve, il est scansion et immobilité, il est à la fois tout et son contraire, l'être que je suis, celui qui est au fond de moi. 

Je suis fasciné et repoussé à la fois, habillé et nu, comme ridé et déridé, abrité sous un arbre sans tronc ni branches. 

Il est nonce paroxystique et pustule insignifiant, un orme de joie sans autre essence que d'ombres, une osmose sans constituant, une onde sur l'onde, une particule élémentaire et un style sans mots, sans langage, sans rime ni raison. 

Un style vide.


Le violon abandonné. © MMM
On me véhicule et je suis le véhicule, on me porte et je me porte comme tiré par mes propres cheveux vers un mal-être de bellâtre, vers un état intermédiaire, une sorte de stupeur muette et un tintamarre de paroles sans significations, de visages aux bouches béantes et déformées comme par un cri primal, comme le visage du Cri d'Edvard Münch (Münch et le baron de Münchhausen, correspondance à établir...).




mercredi 12 juillet 2017

Trahison, espèce de crème à la cortisone...




Si je devais recommencer ma vie, je n'y voudrais rien changer ;
seulement j'ouvrirais un peu plus grand les yeux.
Jules Renard


Le printemps de tes yeux
avec une pointe d'iroquoise
et cette squaw brumeuse
qui tremble comme un saule dans la brise
M. M.


Je croyais naïvement en moi, c'était comme un chrême sur ma tête.

Comme un rire. 

Comme une sorte de tour de magie verticale. 

Un aimant qui collait, qui collerait à ma peau. 

Alors je puisais dans mon âme une sorte de miellat, une substance nourrissante et d'une facticité sans apprêt, sans faux-semblant, sans une once de trahison.


Trahison, espèce de crème à la cortisone qui dessécherait la peau.

Mais maintenant je crois en toi, qui vins à ma rencontre, comme disait le poète, dans les mornes apprêts de tant de vilenies.

Alors je revis, comme né de tes mains pures, comme plongé dans ton cœur, comme armé de tes yeux bleus turquoise...

Comme armé de ton rire, à jamais établi.


dimanche 9 juillet 2017

Envie d'écrire ?






"Love sought is good, but given unsought is better"

Shakespeare, Twelfth Night, Acte III, Scène 1.


Je n’ai pas envie d’écrire. 

Mon être résiste, ne veut plus se plier à la douce inspiration qui ressemble à cette femme que j’aime et qui m’aime et qui n’est jamais tout à fait la même. Ni tout à fait une autre (car je n'aime pas ce que j'écris). 

Est-elle autre ou le clivage se joue-t-il sur un rien, un néant, « cette écume, vierge vers » ? 

Je n’ai plus envie de piqueter la roche avec mon piolet pour tenter de monter un peu plus haut, vers la cime, dans un effort qui, aidé par les instruments de sa réalisation, ne serait pas tant surhumain - mais pourtant ! - il n’est consenti que par une faible proportion de la population. 

Quatre pour cent seulement écrivent régulièrement...

(...)  Car écrire sans être lu, voilà une espèce de gymnastique en solitaire et en salle, une série d’exercices sans solution. 

On oublie les gestes et les procédures. 


Dans le flou d’une photo de brouillard dans la montagne, dans les brouillons bouillonnants de la vie… la montagne, quelle ironie du sort, ne répond plus à mes cris que par un écho mauve et faible, une sorte de vague parnassien ouaté, ou une espèce de rythme à la Ray Charles, dans la chanson Georgia on my mind par exemple, car le frère est peut-être ou plutôt sûrement un être fantastique qu’on a perdu jeune, comme Ray, et qui ne répond plus avec nous d’aucunes manières. 

Mais qui nous correspond pourtant étonnamment. 
(...)

Mais le lointain peut devenir une barrière infranchissable quand le temps s’ajoute à la distance. 

Il y a un mur de Planck au fond de chacun de nous, sans doute. 

Nous aurions pu être autres, mais nous eût-il été loisible de le devenir ?

Alors nous sommes ce que nous sommes, dans l'humilité et l'humidité de nos pleurs retenus ou lâchés, de nos cœurs épanouis ou chiffonnés, dans nos âtres où se sont consumés tant de baisers qu'on n'aura pas osé donner...

Ou qui ne nous ont jamais été pris.





mercredi 5 juillet 2017

C'est une mère...





C'est une mère en Eden
une amie en pensée
une alliée dans mon cœur


C'est un arbre planté
un regard belle ébène
un œil en forêt


C'est une aube enchantée
Tantôt assassinée
dans les camps du malheur


C'est un être esseulé
qui finit en graveur
du verbe Résister


Par un simple petit mot
Un regard
Un sourire...

Par le retour d'aimer

© MM, 05.07.2017




dimanche 2 juillet 2017

BRISE MARINE de Mallarmé



(...)














D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.

Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !
(...)
Stéphane MALLARME, 1893



mercredi 28 juin 2017

La mort comme compagne indésirable






Le souci, une fleur de « gestorique » dans les couloirs de la fierté mal placée. 

Le voilà qui revient, comme un leitmotiv aux parures échevelées, dans nos lieux de vie, qui sont aussi le lieu de notre mort quotidienne. 


Pourquoi la mort, essentiellement irreprésentable pour nous autres encore survivants -mais pour combien de temps-, revient-elle nous hanter comme un rapace au paradis artificiel de notre vie ? 


Nous voulons vivre à tout prix, mais quel scandale nous fait chuter irrémédiablement dans le néant ? 


Quelles inflorescences vénéneuses, quels abois de chasse à courre, quels retraits stratégiquement inexplicables ou (encore) inexpliqués viennent nous enluminer de ténèbres ? 


Nous voguons à la surface du monde, comme menés par un démon de la bougeotte, nous promenons des poteaux indicateurs avec nous dans ces pérégrinations insensées, nous manœuvrons équivoques dans le grand cabas de notre civilisation, essayant obstinément, contre les lois de la nature, contre vents et marées, de nous hisser jusqu'au haut du panier. 


Briller, un instant, à la surface visible des choses, comme un reflet plus ou moins incertain sur le ventre d'une série de casseroles en cuivre poli. 


Vanité des vanités.


Exhalaison des exhalaisons.








samedi 24 juin 2017

Clin d'oeil





Clin d’œil
Clin d'Or
Clin d'art

Clin-deuil
Clin : Dors !
Clin dard 

Klein seuil
Klein dore
Klein phare...

Grain d'or
Grain d'ail
Grain Nord

Grain d'arme
Grain d'orme
Grain d'l'armes


Nîmes, le 4 avril 2018-le 26 mai de la même année.




mercredi 21 juin 2017

Petite mise au point ?






J'ai écrit comme si Dieu n'existait pas, je pense, tout en tenant compte de sa présence au monde, ce qui est paradoxal en quelque sorte. 

Il s'y trouve sans doute des erreurs, des à-peu-près, des a priori, des contre-vérités donc, ce qui échappe à l'homme quand il est aux abois. 

Je ne laisse pas de rechercher l'ombre fugitive sur le mur que la photo ne rend pas comme il faut, ni dans sa densité ni dans sa teneur d'ombre, de trouver l'endroit où reposent les pensées en attente de résurrections, de reviviscences, d'apothéoses (osons le mot). 

Il me semble que non, décidément, rien ne vaut, après tout, la liberté du ton, le précisé et l'impromptu, pour exorciser l'absurde apparent de la vie dans ce monde dément.



lundi 12 juin 2017

L'alambic du désespoir






Il semble que l’homme soit le jouet de tous les traquenards, le pantin de toute mauvaise farce, l’épée d’un Alexandre ne venant qu’une ou deux fois par décennie voire par siècle trancher le nœud gordien de nos malheurs. C’est la médecine (mise à part la technologie militaire) qui a le plus progressé en un siècle, on arrive même à ressusciter les morts ! Depuis que j’ai vu le feuilleton des valses médicinales je suis éberlué de tout ce que l’homme a accompli, les prodiges (misérables en fait, au regard de l’absolu aboli du regard) que sa santé lui permet, ce que le rationnel apporte au biologique, dans la transe finale d’un système où l’inflation des dépenses le dispute à celle des malades. Nous sommes imbibés de savoir, et gorgés de problèmes… notre vie rapetisse à mesure que le chagrin disparaît et que la couverture du livre se renfrogne… jamais heureux au fond de la bouteille à travers laquelle nous contemplons le monde. C’est terrible disais-je de voir l’homme se remuer frénétiquement comme un ver sorti de son milieu (tous les hommes sont des vers, mais moi je suis un ver luisant, disait Churchill…) en proie à des hallucinations.
Les protagonistes de mon histoire ne se pressent pas d’arriver, ils lambinent dans les couloirs, et le portillon automatique va se refermer, et le dernier métro arriver, puis repartir en geignant comme il était venu, et…


Musée du Cinéma, Lyon - décor du film
Le Parfum, d'après le roman de Patrick Süskind
("Das Parfum - die Geschichte eines Mörders") sauf erreur
de ma part © MM



mercredi 7 juin 2017

Ton corps...







Ton corps est aussi ineffable qu'amour pur
Transmet un message au goût bleu de l'azur
et me donne le tremblis de celui qui recule
empli d'admiration au redouté Hercule

Tes seins sont des fanions au bateau de mes rêves
J'ai dans tes mains trouvé les signes de la vie
et si demain tu pars je reviens à mes brèves
dans les lignes quotidiennes des beaux surplis

© MM
Je pense à toi sans cesse je te vois dans les rues
Je te vois dans le ciel, jusqu'à travers les nues
et si tu me rejoins je rayonne comme un astre
ô toi ma galaxie tu me tiens et m'embrasses

Je t'aime plus de raison de nous tenir au loin
Je t'aime et je sais que tu partages ma main
dans le vide sidéral des yeux mornes et gris
de ces chiens sculpturaux mais qui sont mal assis

alors que tout autour de nous invite à l'Amour
nous entraîne à la joie et au partage du jour
il est temps qu'on entrouvre les cadenas et les chaînes...

Dommage que le grand vent s'est tourné vers la Nuit
Il reste le souvenir intense et ébloui
de tes mains dans les miennes 
et nos regards aussi

4-8 juin 2017

dimanche 4 juin 2017

Des enfants aux cheveux gris*



Coloscopie pour ceux qui parlent de travers (méthode que n'aurait pas reniée Victor Pauchet) : 
peut-être que du tréfonds de leur être sourd une maladie mesquine (comme la plupart des maladies, qui prospèrent et profitent sur notre désespoir) maladie mesquine qui déforme leurs vues sur la langue la plus belle (non chargée comme dit ma mère). 

C'est-à-dire pour chacun, pour le professeur empesé dans sa redingote intérieure et pour l'enfant-oiseau – le garçon – ou la fille-fleur, pour l'armurier et le mousquetaire, pour l'arroseur et l'arrosé, pour le bateau et l'hydravion, le canadair et la forêt. 

Tout parle, tout remue, tout vit. 

Même la plus immobile des heures, la planète vide et lointaine, l'objet mort et enterré, la couleur terne des années perdues à te chercher en vain. 

Mon âme et moi pensions la même chose alors (comme dit la chanson), un fétu de pensée nous attelait au monde, un seul et unique trait, mais flammèche, mais étendard au manche piqueté de vers. 

Je restais alangui sous de vrais platanes verts, dans les recoins du mépris d'une société obsédée par la vie et le vieillissement, par le mouvement, et par l'or qui est bien terne dans la ville. 

Je me durcissais lentement comme un noyau dans le fruit, comme une cosse de silence qui retient ses doux grains, ses haricots blottis en son sein diaphane et soyeux. 

Je crois que je parle de ministère sacré, d'une armure dérisoire ou d'un épieu planté, une cuirasse et son bouclier, sur un champ de bataille improvisé. 

Je suis dans un tournoi, à tenter de desceller l'absurde de mon rire. 

Et de discerner ce que veulent dire les yeux tremblants des enfants.

Ces grands enfants aux cheveux gris.



* Des enfants aux cheveux gris, recueil de nouvelles de G. CESBRON

samedi 27 mai 2017

Aimer, écrire, même démarche...




Les transports amoureux sont des transports anciens qui
méritent de demeurer dans le cœur battant
du monde de demain...
© MM

Aimer, aimer en souffle bénéfique en revenant vers toi, comme le vent ramène le bateau à son havre, comme le vide du sommeil comble de présence le voyageur fatigué, comme l'eau halète en tétée un jour d'été, comme le vivant surmonte la mort et continue sa route et le printemps qui se mue en transporteur de présents offerts par ce Créateur munificent que les hommes ont coutume d'appeler plus communément Dieu.



Et puis aussi, écrire, écrire mais ne pas tomber dans la béance des séances plénières du pouvoir littéraire, continuer à évoquer des pans entiers de sa vie intime, de ses goûts et de ses attentes, prendre plaisir à la culture générale, à la culture tout court, butiner sans coup férir dans les corolles des citations, dans les exergues du savoir, dans les entêtes de la connaissance du monde des lettres, et des amis de la judicature sublime, celle des mots.

En un seul jet, comme si demain n'était jamais que le présent jeté à travers l'avenir des gens de bien, missionnés à devenir les agents occultes du changement de monde.

Car le monde, il faut il faut il faut qu'il change.



jeudi 18 mai 2017

De mon "ami" Confucius...



"Les paroles des sages sont comme des aiguillons,
Les auteurs des recueils sont des jalons bien plantés ;
Tel est le don d'un pasteur unique."
Qohéleth  ch 12, v 11, TOB




Pensées de Confucius



Brouillard dans la Ville
L'homme supérieur ne doit pas attendre de voir les choses pour être prudent, ni de les entendre pour être craintif... Il n'y a rien de plus visible que ce qui est secret, et rien de plus manifeste que ce qui est petit. C'est pourquoi l'homme supérieur se surveille lui-même quand il est seul.


Le sage donne une attention spéciale à neuf choses. Il s'applique à bien voir ce qu'il regarde, à bien entendre ce qu'il écoute ; il a soin d'avoir l'air affable, d'avoir une tenue irréprochable, d'être sincère dans ses paroles, d'être diligent dans ses actions ; dans ses doutes, il a soin d'interroger ; lorsqu'il est mécontent il pense aux suites de la colère ; en face d'un bien à obtenir, il consulte la justice.


Ce que je ne veux pas que les autres me fassent, je ne veux pas le faire aux autres.





mardi 16 mai 2017

Les abus de l'Eglise vus par Victor H.




 LA SAINTE BOUTIQUE


Si j’allais en Judée, assurément docteur,
J’irais y chercher le fouet du rédempteur,
Le fouet dont il frappa, pour donner un exemple,
Les marchands accroupis qui vendaient dans le temple.
Puis d’un bras vigoureux, sur vos reins, vos jarrets,
O ministres de Dieu, je vous expliquerais,
Je dis l’épicier, dans l’état qu’il exerce,
N’a pas tant que vous la bosse du commerce.

Quoi ? Je vois une église, sur le bord du chemin
Et je n’y puis rentrer que la bourse à la main !
A peine dans un coin, ai-je une chaise,
Qu’aussitôt la loueuse, à la mine en dessous,
Me présente cinq doigts cuivrés par les gros sous.

Mais je n’ai pas fini de fouiller dans mes poches
Qu’un essaim de valets m’environne et s’approche.
L’un quête pour les morts qui n’ont besoin de rien,
L’autre pour les vivants qui se portent fort bien ;
Celui-ci pour l’Église ou pour la Bienheureuse.
La foret de Bondy n’est pas plus dangereuse !

Enfin, las de donner, je m’apprête à sortir
Quand soudain, pour l’offrande, on me vient avertir
Un grand mandrin de Suisse, au mollet équivoque,
Empêche en ce moment la fuite que j’invoque.
Pour mon salut, docteur, cet homme intelligent
Veut que j’aille baiser la patène d’argent.

Mais tout cela n’est rien. Je vais à l’instant
Te montrer un trafic beaucoup plus ravissant :
Ton père est-il défunt ? Veux-tu quelques prières
Pour apaiser là-haut l’inflexible Saint-Pierre ?
En veux-tu pour les morts, pour chasser les esprits ?
Parle ! Fais-toi servir ! Ils en ont à tous prix !

Ils tiennent des Ave, des Agnus, des cantiques,
En gros, en détail, au gré de leurs pratiques,
Du moment que tu paies, ils n’examinent rien.
Ils diront, si tu veux, la messe pour ton chien.
Ils ont un même tarif, là, pour leur sacristie,
Qui règle ici bas, l’entrée et la sortie.

C’est pire que l’octroi car, chez eux, sans mentir,
Il faut payer deux fois, pour entrer, pour sortir.
Ce bien heureux tarif est une œuvre modèle,
Croquenotes, bedeaux, curés, quinquets, chandelles,
Jusqu’au siège boiteux que l’on prend au hasard,
Tout se trouve compté dans leur maudit bazar.

Tu trouves chez eux, grand messe, messe basse,
Messe avec serpents, violons, contrebasse,
Messes avec fauteuils, tapis, chandeliers d’or,
Enfin messes où l’on prêche, où l’on baille, où l’on dort.
Ainsi tu peux, mon cher, te payer à toute heure,
Une messe à ton goût, solennelle ou mineure.

Avec la croix d’argent, la croix d’or s’il le faut,
La prose en faux bourdon et l’hymne en bourdon faux,
Tout comme tu voudras : te faut-il un prélat novice ?
Six abbés, quinze clercs, ils sont à ton service.
Te faut-il un prélat ? Qu’il te soit accordé !
Garçon, faites servir le prélat demandé !

Je n’en finirai pas et l’on viendra me dire :
‘L’Église est en arrière.’ Allons donc, c’est médire !
Trouve-moi dans Paris, magasin mieux monté,
Des commis plus adroits, plus souples, plus futés !
Ne sois pas étonné de ce style nouveau !
On marchande un convoi comme on marchande un vœu.

L’argent, voilà leur Dieu ! Je crois, sans hyperbole,
Qu’ils se feraient, mon cher, fesser pour une obole.
Aussi, quel dévouement, quels sublimes efforts
Quand il s’agit, morbleu, d’emplir leurs coffres-forts
Et comme ils sont ferrés sur les mathématiques,
Quelle adresse à compter, leurs mains sont élastiques !

Avec quel art, quels soins, nos écus massés
Glissent rapidement sous leurs doigts exercés.
Dans le commerce, au moins, marchands en boutiques,
Accordent pour payer trois mois à leurs pratiques
Mais jamais ces faquins, à parler sans Phoebus,
N’ont fait crédit une heure à l’homme sans quibus.

(...)

Ils font argent de tout, de l’erreur, du remords,
Prêtent sur l’agonie, hypothèquent sur la mort,
Trafiquent du secret des femmes et des filles.

Tout sentiment d’honneur ou tout instinct fatal
Est pour eux une affaire, un chiffre, un capital.
Plus de pitié, ma muse compétente
Demande qu’on leur offre à prendre une patente.
Comme donc nos marchands seront patentés,
Et seuls de cet impôt, ils seront exemptés…

Eux qu’en tout et pour tout, la fortune accompagne,
Et qui vendent de l’eau plus cher que du champagne,
Pour moi qui plaide ici pour le pauvre sans Dieu,
Je dis qu’ils sont marchands, juifs et fesse-mathieu
Et de l’Église enfin résume le génie,
J’inscris sur leur portail : « Le Pape et Cie ».

Victor Hugo




Tmèse de la crise intérieure...



"... on part de l'absurde pour construire du sens ; tandis que ceux qui partent du sens, ceux qui pensent détenir la vérité, finiront toujours dans l'absurde."
Kamel Daoud.


"Moi je".

 "Moi je comprends ça : un type qui s'acharne à vous marcher sur les pinglots, ça vous fout en rogne. Mais après avoir protesté aller s'asseoir comme un péteux, moi, je comprends pas ça." (...)

"Paréchèses".

"Sur la tribune bustérieure d'un bus qui transhabutait vers un but peu bucolique des bureaucrates abutis, un burlesque funambule à la buccule loin de buste et au gibus sans buran, fit brusquement du grabuge contre un burgrave qui le bousculait: « Butor! y a de l'abus! » S'attribuant un taburet, il s'y culbuta tel un obus dans une cambuse. Bultérieurement, en un conciliabule, il butinait cette stibulation: « Buse! ce globuleux buton buche mal ton burnous!»"

Raymond Queneau. Exercices de style




Histoire de mes peurs, mes vains espoirs, mes algarades avec la loi de l'omerta et l'ordre pseudo-républicain du système parallèle, de l'état dans l'Etat qui le recouvre en le pervertissant, juxtaposé à lui et corrompu le corrompant... 

Je ne crois plus en moi, mais je crois en toi.

Même si je me sens parfois chiffonné, écrasé, humilié ; comme a priori on semble me penser autour de moi, je me pense moi-même, avec l'erreur et l'horreur de devoir me découvrir devant des inconnus. 

(...)

Je suis trop sensible en fait, trop affairé avec mes propres sentiments, qui sont souvent la simple projection de ceux des autres, de ceux qui comptent pour moi parce qu'ils ont de l'ascendant sur moi, ascendant calculé sur ma liquide personne ou sur ma personne qu'on veut liquider à tout prix.

Je ne serai jamais un écrivain digne de ce nom, digne de vous tous, je crains, mais mes craintes sont-elles justifiées, je ne le sais encore. 
© Aline Maury

Prophétie auto-construite, auto-réalisatrice. 

Mes ressources intérieures s'esclaffent devant le réel. 


Puis-je faire une thèse dans ces conditions ? Surtout quand PERSONNE autour de moi ne me soutient dans ce projet et on me dit si souvent : Michel, tu es poursuivi par tes études...

Ne suis-je pas le jouet inconscient de l'inconscient des autres, celui de Lacan ou celui de Donald Winnicott (et moi en Mickey, épris des mots comme autant d'objets transitionnels?)


Rien à vrai dire, une mauvaise position au violon et tout est faussé. 

Les notes sortent comme squeezées par le puissant vent de l'archer... ou de l'archet.

Tous ces gens qui claquemurent la vérité et vivent dans le mensonge, par le mensonge et pour le mensonge, ils finissent par tuer...

comme sous Vichy et avec la bénédiction papale par-dessus le Marché...

(écrit en attendant Dodo)



jeudi 11 mai 2017

Another Trick in the Wall...





Univers en feux d’artifice, tu nous héberges comme sur nos feux de Bengale nous hébergeons des êtres vivant (peut-être, qui sait ?) un instant et qui vont se perdre sur l’horizon indépassé du mur de Planck (another trick in the Wall ?) et des planqués...

Avec un temps à leur mesure. 

Ce serait ubuesque d’interpréter notre univers selon ces critères dépassés. 

Mais rien non plus n’empêche vraiment de penser à cette poupée gigogne, cette matriochka de nos élucubrations. 

Un fouet mythique en forme de géant cosmique venant fouiller et réorganiser imperceptiblement le vide autour de nous.

Car notre imagination se débride à mesure que la science (la Séance) progresse. 

Si bien que nous pouvons prédire, à défaut de produire, avec une certitude raisonnable que notre planète aura aussi bien un avenir heureux, puisque la vie s’en est mêlée. 

Et quand la vie se met quelque part, elle s’accorde et s’accroche, elle s’adapte, elle vit et meurt tout à la fois, au même instant, et ses éclipses ne sont jamais que temporaires.

Me voilà sur l’autre versant, exposé au soleil, de ma personnalité. 

Je revis d’avoir été en Chine. 

Les sentiments que j’ai vécus là-bas, et qui perdurent ici, sont délétères pour la sinistrose anaérobie que je me coltine en Europe. 

Que je cultive malgré moi. 

Je passe sans ciller d’un extrême à l’autre, car. 

Puisque je devrais dire. 

Enfin il y a un espoir. 

Enfin, je resurgis du noir de mes habitudes. 

(...) 

Je suis ivre de liberté, disais-je, je vibre à la mesure des vertus de l’année passée. 

Personne au fond ne s’intéresse à mes états d’âme, que je prends pourtant naïvement pour une généralité, et que je présente (benoîtement) comme tels. 

Mon humeur divague et lanterne, je randonne sur des sentes obliques, je glisse à chaque tentative d’acclimatation... 

Je me désagrège à tous les vents mauvais pour mieux renaître dans l'abstrait.






lundi 8 mai 2017

Bienfaits et méfaits des instants tannés



"Paras, Lud and Put were the warriors in your army... They made you radiant... Beth-Togarmah traded horses...for your wares... Dedan was your agent for saddle blankets...they put dust on their heads...in despair they weep for you...all the company that is with you
 - they all sank into the sea's depth on the day of your demise."
- Ezekiel 27 - Common English Bible


Ah ! les querelles intestines... qui resurgissent dans mon usine...

Je tousse quand il glousse, je m’assois, vanné, quand il plastronne et qu’il frime, je me ruine à lui expliquer la démarche à suivre alors qu’il produit, lui, de son superflu, matière à rire et à aimer. 

Ah ! Ver infâme que je suis, vis-à-vis de ce géant de supermarché bifide, de ce prévaricateur de bonbons de tous genres et de tout acabit. 

© MM 2017 (ou avant)
Aztec ! Asticot ! Vermine ! Cloporte, espèce de crustacé inutile et non constructible ! Que fais-je face à ce mastodonte bien dentelé, face à ce tableau dans son époque ! Face à ce féru de pénibilité !

Moi à contretemps, contre-vie, contre-mordant, lui à pleines dents,  et moi, moi, moi, emporté à la pièce, ce fascicule périmé d’une énième mise à jour de Jurisclasseur obsolète ! 

Contraste des contrastes, victoire à la godille, élections à la gomme ! 

Moi, simple troufion matriculé dans la troupe innombrée des maux et des démos, moi qui m’entends à vouloir travestir ma non-vie par des étalages de bienséant poil à gratter, que fais-je sur cette terre salée de galères !!??

Si j’avais su écrire l’histoire d’un autre, si j’avais pu me mutualiser !

Mais le regard inquiet et l’âme bien calleuse, prise dans sa gangue et impossible à dénouer, je n'ai plus l’Art de l’arbre au tronc élancé, aux branches nombreuses, l'arbre qui vibre à tous les vents, d’où qu’il viennent, l'arbre qui se livre dans sa superstructure aux regards étonnés, et pour ses racines térébrantes, aux champignons symbiotiques et aux terreurs métamorphiques du magma figé et de la terre tassée.

J’aurais pu me transmuer, devenir autre, ne serait-ce qu’un instant, et te ressembler, héros aphone, incolore et transperce-cœur, dans tes méandres et tes reculs comme dans tes volontés souveraines et ton audace à perdre haleine. 

Le monde se restructure en toi, tu es une divinité topique, s’il s’annihile en moi, sans doute de manière locale, mais pour moi c’est tout le même, tout ça ressemble à un faux poème, façon de parler, c’est d’un pareil… à me déplaire définitif.

Brave déchéance de l'haruspice. 

D'Abram à Abraham, le h de l'inspiration ?? et d'augure à haruspice, la grande Hache de l'Histoire ???

De l'Histoire à méditer ??? Ou un herbier sans attrait ???







vendredi 5 mai 2017

"Mit brennender Sorge..."*



* en allemand : Avec une brûlante inquiétude. Encyclique du pape Pie XI, publiée le 10 mars 1937, distribuée en cachette en Allemagne. Elle a été rédigée exceptionnellement en allemand au lieu du latin habituel. Elle portait la date du 14 mars.


Tout le décorum, tous les ornements, toutes les rivières de faux diamants, de zirconium et même les paillettes contrefaites de la religion nouvelle semblent demeurer au-dessus de nous comme le nuage glorieux au-dessus du Tabernacle dans le désert hurlant. 

(...)

Tout est languide. 

Une sorte de soupe diluante nous empoisonne, qui désagrège peu à peu les inlandsis attiédis par le réchauffement climatique mondial, et des blocs se détachent, entraînés par une lente et suave débâcle, dans un fracas de silence apocalyptique. 

(...)

Ce n'est pas une décadence auschwitzienne, (...) c'est une déliquescence lente en une érosion subreptice et tranquille. 

Un porte-à-faux solidement planté qui ploierait cependant peu à peu sous le fardeau de la bêtise agrégée. 

(...)

Un danger sournois, pernicieux, celui de la fosse et du délitage. 

Un danger de la vie qui démange l'être et le néant.

Un danger d'aucun instant en particulier, et donc de tous les instants emboîtés dans une sorte de déférence et un protocole comme fixés à jamais. 

L'instant corrobore l'instant précédent, le temps s'engendre lui-même comme un grand démolisseur, une camarde insidieuse et omniprésente. 

(...)

C'est ainsi que les Allemands appellent die Unruhe le balancier d'une horloge, aussi bien que le trouble ; ou le Besorgnis, l'inquiétude, le souci, l'appréhension. 

© Exposition temporaire de masques
à Lausanne (Switzerlaand)
(...)

Mélange ou complémentation, là encore ne sauraient se mêler - de ce qui ne les « regarde » pas - les subtiles associations de sentiments délicats ou brutaux, et d'idées qui accroissent l'homme de toutes leurs complexités parfois superfétatoires, mais souvent essentielles, véridiques, porteuses d'espoirs. 

Nous sommes nous et un peu plus, nous livrons à nous-mêmes les échanges qui nous font fructifier dans la nature et la culture (nature and nurture, l'essence et la praxis). 

Intellectualisme à la petite semaine...




jeudi 4 mai 2017

Du Beau comme un point de vue





André Breton
« Le 'beau comme' de Lautréamont continue le manifeste même de la beauté convulsive » (L'Amour fou)


Le beau a longtemps procédé chez moi de l'étrange et de l'inquiétant. 

De l'inquiétante étrangeté du Verbe, du Logos en quelque sorte. 

Il y a toujours un peu de malaise dans le beau, un petit point d'interrogation qui 'poignarde', pour le dire ainsi, le simple pittoresque. 

Et qui rend sensible le vrai, oui, une vérité pas bonne à cacher point dans la virevolte et les escapades du texte ou du tableau.

Savoir manier le verbe comme un lanceur de couteaux qui ne veut blesser personne, et surtout pas sa compagne : ce n'est ni chose aisée ni chose donnée à tout un chacun. 

Tirer à un cheveu près c'est sûrement atteindre les sommets de l'art byzantin. 

L’Icône est une œuvre quasi posthume. 

Le roman lui aussi participe d'une intemporalité qui lui donne un statut d’Icône, un regard de prière et un miroir pupillaire.