Bientôt la fin d'un mois, la fin d'un
moi. Que faire sinon pointer à Pôle Emploi, donner son semblant d'être
en pâture à la machine, trembler de pouvoir louper cette opération
sibylline, cette alchimie mécanique qui transforme un mois
d'existence soi-disant oisive en quelques bits informatiques, dans une technicité froide.
Cela me rappelle (ô réminiscence), la
phrase de Montaigne :
« Nous n'avons aucune communication à l'être, parce que toute humaine nature est toujours au milieu entre le naître et le mourir, ne baillant de soi qu'une obscure apparence et ombre, et une incertaine et débile opinion. »
Le chômage n'est-il qu'une parenthèse de vie,
peuplée de ratages et de tentatives futiles pour retrouver sa
dignité volée par le réel, une espèce de jugement opiniâtre et
stérile, un peu débile - au sens que Montaigne connaissait à son époque - en effet, comme un retour sur un soi
dépouillé, habillé de néant matérialisé, une cédule comme un texte pseudo-savant, avec sa redondance de pénitences obliques et de pansues
répétitions.
Pour tuer le temps il nous faudrait écrire, donner son CV à l'arbre généalogique de nos antériorités, de ces épaisseurs sans plus de consistance maintenant que furent les vies de nos ancêtres, travailleurs exploités, sans vrai revenu sinon une maigre et si peu consolante pitance, un agrégat de petits riens qui formaient le tout si léger, si volatil de leur présence sur la terre des vivants.
Pour tuer le temps il nous faudrait écrire, donner son CV à l'arbre généalogique de nos antériorités, de ces épaisseurs sans plus de consistance maintenant que furent les vies de nos ancêtres, travailleurs exploités, sans vrai revenu sinon une maigre et si peu consolante pitance, un agrégat de petits riens qui formaient le tout si léger, si volatil de leur présence sur la terre des vivants.
Aujourd'hui nous avons l'épaisseur
de nos dossiers incroyants, incroyables rapports entre le temps et le
présent, ce temps où nous avons été et ce présent où nous ne
sommes plus. Et pour combien de temps...
Car être est-ce paraître et l'essence précède-t-elle
vraiment l'existence ? Exister n'est pas être en marge de la
réalité structurée, solide, valide, patente, liée comme cheville au corps à l'état de travailleur. Exister c’est ne
pas être engloutis par les sables mouvants de la grève perpétuelle,
de cette espèce de non-être qu'on nous tend comme un miroir dans
les statistiques gonflées d'imaginaire d'une décroissance du nombre
des chômeurs.
© MM |
Car gonfler son CV pour paraître et
séduire, c'est un peu être la grenouille qui voulait se faire aussi grosse qu'un bœuf.
Non décidément, nous sommes des ballons de baudruche, des pantins articulés aux mouvements saccadés et stakhanovistes, mécaniques, nous sommes des néants prétentieux, des chiffes molles et des épouvantails âgés, qui n'effraient plus personne et sont, dans les champs de concombres ou de décombres de la société, faméliques, pathétiques, étiques à souhait.
La question : à quel(s) souhait(s) ?
Non décidément, nous sommes des ballons de baudruche, des pantins articulés aux mouvements saccadés et stakhanovistes, mécaniques, nous sommes des néants prétentieux, des chiffes molles et des épouvantails âgés, qui n'effraient plus personne et sont, dans les champs de concombres ou de décombres de la société, faméliques, pathétiques, étiques à souhait.
La question : à quel(s) souhait(s) ?
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