Tout parle, tout remue, tout vit.
Même la plus immobile des heures, la planète vide et lointaine, l'objet mort et enfermé, la couleur terne des années perdues à te chercher en vain. Tout respire et vibre à l'infini.
Ton âme et moi "pensions les mêmes choses" (comme dit la chanson de Ferré), un fétu de
pensée nous attelait au monde, un seul et unique trait, mais
flammèche, mais étendard au manche piqueté de vers.
Je restais
alangui sous de vrais platanes verts, dans les recoins du mépris
d'une société obsédée par la jeunesse et le vieillissement, par le
mouvement, et l'or.
Tu te durcissais lentement comme un noyau dans le
fruit, comme une cosse de silence qui retient ses doux grains, ses
haricots blottis en son sein diaphane et soyeux.
© MM |
(...) je me saisis de ma condition de mortel fort d'une douce rage ameublie
par l'évidence : tout autour de nous pleure et s'enfuit.
Si le
ciseau m'était donné pour tailler une statue, et que j'aie le geste
sûr et le sentiment du déjà accompli, du presque achevé, je puiserais profond dans la
mémoire des praxis humaines, dans le réservoir des indivis, comme
une hymne à la vie secrète, riche, exaltante d'humilité, comme un jour supplémentaire à
l'éternel.
Tu me rappelles l'immuable (et combien solide) arbre à
souvenirs, le tronc noueux et tourmenté des temps passés, je me
penche sur les réduits de leurs terriers, et interdit, je vois là,
figé et tellement mouvant, l’œuf déposé par la civilisation, la
réserve et l'avenir du prévisible retour.
Tu ressens comme une serre sur ton cœur étendu, et le vent te presse
d'avancer, d'agir, de bouger.
Mais mon ouvre-portes est coincé, mon
stylo se cabre, je me raidis. Je suis l'ouvrier du néant, le
scrutateur d'indéfini, l'après d'un rire et la veille infime d'un
inatteignable eurêka.
Tu te perds en moi, pensant y trouver matière à hiberner, survivre
à la mauvaise passe de l'hiver, te laisser bercer par le doux
souvenir anticipé de l'an prochain.
Les
soubresauts sont humbles, je me réfugie dans la petitesse, j'y
trouve une tranquillité sincère et discrète, un amas de tringles dépareillées qui m'intéressent, un recueil de poèmes indécis.
Ton bateau se cambre dans
les vagues de la vie.
Rien, cette poussière, ce grenier qu'un rais
transforme en féerie, qu'un subtil et curieux ballet brownien
emplit.
Je me garde bien de l'infini et me dorlote de connu. Il faut voir le ciel à travers les nues.
(...)
Habeas
corpus...
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