Acte d'accusation.
Accusatif,
levez-vous et dirigez la séance.
Je déclare la séance ouverte.
Accusé venez à la barre, pour une
fois on aimerait vous entendre et savoir ce qui de vous est mis en
blâme : votre corps, ou votre esprit, ou les deux, ou encore
vos actes ou l'intention avec lesquels vous les avez commis ?
Car il n'est de dichotomie vraie qu'entre le passé et le futur,
considérés comme tels, le présent ne répondant qu'à une sorte de
point idéal situé au bout d'une épée et où s'inscrit toute la
force du temps, et toute l'éternité.
Accusé, donc, vous voici libre de vous
exprimer, de dire le fond et d'exprimer la forme de votre pensée,
celle à laquelle vous songiez depuis des mois avant que d'être
régulièrement convoqué en ces lieux.
(Le tribunal avait pris place, mais en
fait qu'est le Tribunal, sinon un bâtiment où des tribuns indigents
– ils portent toujours les mêmes vêtements – se disputent le
droit de dominer la tribune, donc de monopoliser la parole et
l'attention des jurés)
"Je pense que le vrai Tribunal est
ailleurs, dans le huis clos des délibérations de la Mafia par
exemple, dans le secret des confessionnaux, sublimes portes vers des
jugements terrestres inconnus du public, ou connus par contumace et
donc où la force de la chose jugée devient résultative, là où des destins se nouent et des
avenirs se gravent... voilà j'ai tout dit"
Un soupçon de vilenie reste collé à
la vitre du prisonnier, et il est lourdement condamné.
Il est jugé
par devers lui, car la peine se déroule plus tardivement, dans les
barreaux et les secrets des cellules, quand les jours aux jours
s'accumulent et que le vent ironise dehors dans sa libre cavalcade à
travers les chevelures blondes qu'il aperçoit parfois, celles des hommes
libres ou celles des champs de blés, ou au milieu des photos des magazines
qu'il glane ici et là. Il est dans un trépas symbolique, entre vie et non-vie, entre rire et rictus, entre rime et prose. L'aléa et l'alinéa...
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