mardi 20 septembre 2016

Pas assez de prisons ?

Acte d'accusation. 


Accusatif, levez-vous et dirigez la séance. 

Je déclare la séance ouverte.

Accusé venez à la barre, pour une fois on aimerait vous entendre et savoir ce qui de vous est mis en blâme : votre corps, ou votre esprit, ou les deux, ou encore vos actes ou l'intention avec lesquels vous les avez commis ? 
Car il n'est de dichotomie vraie qu'entre le passé et le futur, considérés comme tels, le présent ne répondant qu'à une sorte de point idéal situé au bout d'une épée et où s'inscrit toute la force du temps, et toute l'éternité.

Accusé, donc, vous voici libre de vous exprimer, de dire le fond et d'exprimer la forme de votre pensée, celle à laquelle vous songiez depuis des mois avant que d'être régulièrement convoqué en ces lieux.


(Le tribunal avait pris place, mais en fait qu'est le Tribunal, sinon un bâtiment où des tribuns indigents – ils portent toujours les mêmes vêtements – se disputent le droit de dominer la tribune, donc de monopoliser la parole et l'attention des jurés)

"Je pense que le vrai Tribunal est ailleurs, dans le huis clos des délibérations de la Mafia par exemple, dans le secret des confessionnaux, sublimes portes vers des jugements terrestres inconnus du public, ou connus par contumace et donc où la force de la chose jugée devient résultative, là où des destins se nouent et des avenirs se gravent... voilà j'ai tout dit"

Un soupçon de vilenie reste collé à la vitre du prisonnier, et il est lourdement condamné. 

Il est jugé par devers lui, car la peine se déroule plus tardivement, dans les barreaux et les secrets des cellules, quand les jours aux jours s'accumulent et que le vent ironise dehors dans sa libre cavalcade à travers les chevelures blondes qu'il aperçoit parfois, celles des hommes libres ou celles des champs de blés, ou au milieu des photos des magazines qu'il glane ici et là. Il est dans un trépas symbolique, entre vie et non-vie, entre rire et rictus, entre rime et prose. L'aléa et l'alinéa...


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