Point d'orgue
Retrouver
la veine prophétique, le souffle ou le halètement du long
accouchement de soi-même, c'est peut-être ce que j'aimerais. Mais
le néant m'appelle, le vent m'emporte, le temps se délite.
Peu
m'importe. Il faut continuer, poursuivre la tâche, aller de l'avant.
Ne pas, ne plus être infantile tout en restant enfantin, mais ne
plus s'engluer dans l'enfance, le non-dire, l'absence de paroles, se
diluer dans son insouciance, dans sa relative précarité, son
provisoire qui dure. Ouvrir mes mains et accueillir le temps qui
vient et qui risque d'être fécond.
Je n'ai plus de style propre, je
suis contaminé par le sombrissime discours à
l'amertume facile, à la livrée d'automne. Je rive mon sentiment à
cette emphase, à cette boursouflure évidente du ressenti.
Mon arme
est chargée, et je crois tirer quand je la décharge : en
réalité je prends la plume sans but précis, sans volonté vraie,
sans plan préétabli. Je me rive aux mots au lieu de m'en décentrer.
Je rumine, je mâchouille, je mégote, je n'ai plus de partage vrai.
C'est le début de la déprime, je crois, un passage vers l'aigreur
du néant. Un hymne à la bêtise vétilleuse et bêtasse. À la
procédure paperassière. À la paperasserie procédurale. À
l'embrun abandonné sur la grève, par une vague décédée, qui ne
participera plus à la joyeuse montée à l'assaut des berges ou des
dunes, mais tel un cadavre vivant, croupira là jusqu'à sa
désintégration totale. Vision pourtant béatifique à souhaiter et
pont-aux-ânes de ma vie. Reste de couleurs automnales qui s'étiolent en soupirs.
Mais
la vague ressuscite en se retirant, laissant derrière elle une écume
du jour passant.
Je suis comme anesthésié par la douceur de
vivre, comme achalandé de rivières et de rimes... visiteurs
impromptus, clients sans argent, mais curieux de tout, et de tout le reste... mes phrases esquivent les problèmes – ce mot affreux - et se
laissent bercer par le ressac tremblant de la vie d'un mortel.
Ainsi finalisé, mon être par débrouillardise se laisse emporter vers d'autres plages horaires, vers le changement du monde dans un devenir autre, comme si tous les matins du monde, gorgés de soleil nouveau, revenaient à la charge en mon âme inquiète, pour éclairer un peu plus mon austère vision, et donner le printemps contre l'hostilité, la vie contre la menace, le vide étonnant contre le néant...
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