vendredi 27 mars 2015

Point d'orgue

Retrouver la veine prophétique, le souffle ou le halètement du long accouchement de soi-même, c'est peut-être ce que j'aimerais. Mais le néant m'appelle, le vent m'emporte, le temps se délite. 

Peu m'importe. Il faut continuer, poursuivre la tâche, aller de l'avant. Ne pas, ne plus être infantile tout en restant enfantin, mais ne plus s'engluer dans l'enfance, le non-dire, l'absence de paroles, se diluer dans son insouciance, dans sa relative précarité, son provisoire qui dure. Ouvrir mes mains et accueillir le temps qui vient et qui risque d'être fécond. 
Je n'ai plus de style propre, je suis contaminé par le sombrissime discours à l'amertume facile, à la livrée d'automne. Je rive mon sentiment à cette emphase, à cette boursouflure évidente du ressenti. 

Mon arme est chargée, et je crois tirer quand je la décharge : en réalité je prends la plume sans but précis, sans volonté vraie, sans plan préétabli. Je me rive aux mots au lieu de m'en décentrer. Je rumine, je mâchouille, je mégote, je n'ai plus de partage vrai.

C'est le début de la déprime, je crois, un passage vers l'aigreur du néant. Un hymne à la bêtise vétilleuse et bêtasse. À la procédure paperassière. À la paperasserie procédurale. À l'embrun abandonné sur la grève, par une vague décédée, qui ne participera plus à la joyeuse montée à l'assaut des berges ou des dunes, mais tel un cadavre vivant, croupira là jusqu'à sa désintégration totale. Vision pourtant béatifique à souhaiter et pont-aux-ânes de ma vie. Reste de couleurs automnales qui s'étiolent en soupirs.
Mais la vague ressuscite en se retirant, laissant derrière elle une écume du jour passant.
Je suis comme anesthésié par la douceur de vivre, comme achalandé de rivières et de rimes... visiteurs impromptus, clients sans argent, mais curieux de tout, et de tout le reste... mes phrases esquivent les problèmes – ce mot affreux - et se laissent bercer par le ressac tremblant de la vie d'un mortel.
Ainsi finalisé, mon être par débrouillardise se laisse emporter vers d'autres plages horaires, vers le changement du monde dans un devenir autre, comme si tous les matins du monde, gorgés de soleil  nouveau, revenaient à la charge en mon âme inquiète, pour éclairer un peu plus mon austère vision, et donner le printemps contre l'hostilité, la vie contre la menace, le vide étonnant contre le néant...


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