lundi 30 mars 2015

7 janvier 2007            "J'ai barre par les mots sur la réalité", Louis Aragon

          Dimanche, jour d'ennui et de mortifications...

Le concert n'a pas encore commencé...

          Jour où la pluie descend le long des vitres, où dansent les reflets sur la peau de la vie, replet de satiété creuse et d'ennui créatif. Je suis là, tu es là, nous sommes à bout de course, enfumés par la broussaille de nos cheveux en bataille, les yeux embués de demi-larmes, dans le semi-deuil de nos années perdues, dans le vitrail glauque et profond de nos globes riboulant comme des billes dans un flipper. Nous sommes visités par deux abeilles au calme doux, à la suave haleine de notre café. Comme revenus vers la campagne duveteuse, aux rythmes lents, sans saccade, aux danses en habits traditionnels, menuets éclos dans les après-midis comme des œufs qui laisseraient - enfin – échapper leurs oisillons curieux de tout. 
          Nous sommes fous d'amour, fous de tout. Deux enfants au cœur du monde dérivant tels des filets qu'on (« on » est énigme) récupérera un jour dans l'assaut des vagues du littoral. Un soupçon, l'ombre d'un doute, le bord d'une mer en effet, une cuillerée de vaniteuse dérision, et nous nous armons de la patience vaporeuse de notre cafetière, mauvais percolateurs, engins troubles entre le blanc cassé de la vie et le noir du café.
ou c'est l'entracte... Opéra Berlioz à Montpellier
Je crois avoir vraiment perdu confiance en moi, me laisser égarer par les mots qui fuient le réel en le recréant...
          C'est comme si j'avais avalé une sorte de détrompe-la-Mort avant l'heure, tout un hémicycle de députés en proie à une fébrile agitation (j'allais écrire « adoration » : c'est que le centre les regarde, et que, insensiblement, il les attire ; il faut un point focal à notre déraison parlementaire.) 
          Écrivons sans avoir rien à dire, me souffle le vent, n'écrivons que pour la beauté du geste, pour le doux délire de vivre un peut-être d'éternité. Alors nous aurons admis notre petitesse, le flou de la pensée, l'imprécision qui fonde nos décisions. Laissons nous donc emporter là, là où l'incandescence est vivante, comme un œuf déposé dans un autre œuf, qui se perce et éclate et berce le néant. Et peut-être demain le mystère s'éclaircira qui vibrant et têtu, comme un champignon hallucinogène, empoisonne le fétu de nos râles.
          Il mesquin qui me semble. Qu'avant j'avais des idées, que soudain quelque chose s'est figé, en se brisant, sans éclats, sans débris, sans rien en fait. Une fausse persévérance aux ameublements hautains. Je ne suis pas écrasé, mais je m'écrase. Je ne suis pas boueux, mais je m'ensable, je dépéris, je m'envase. Je heurte le sens commun, et je me fais mal, je me décante. Ecclésiaste des mots, je me dépatouille comme je peux, rameutant leur troupe, dansant comme un gymnaste déréglé et déporté par le courant. Celui des idées perdues, des jamais sortants... Je mure mon silence dans notre conversation. Je me cogne contre la vie, comme auprès d'une source sous-marine, dans le déversoir de toutes les eaux usées collectées par sondes. Mon art ne subsiste que dans mes allumettes grillées. Des fêlures sans discordance, des désirs sans lendemains. Des brisures dans la glace qui ne permettent pourtant pas de connaître l'humain. Cet humus qui respire, ce terreux qui s'encolore et qui nous encolère. Quoi, cette vaguelette, ce rien, et cet impact de météorite au beau milieu d'une terre désertique.

          Car le désert avance !

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