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janvier 2007 "J'ai barre par les mots sur la réalité", Louis Aragon
Dimanche,
jour d'ennui et de mortifications...
Le concert n'a pas encore commencé... |
Jour où la pluie descend le long des vitres, où dansent les reflets sur la peau de la vie, replet de satiété creuse et d'ennui créatif. Je suis là, tu es là, nous sommes à bout de course, enfumés par la broussaille de nos cheveux en bataille, les yeux embués de demi-larmes, dans le semi-deuil de nos années perdues, dans le vitrail glauque et profond de nos globes riboulant comme des billes dans un flipper. Nous sommes visités par deux abeilles au calme doux, à la suave haleine de notre café. Comme revenus vers la campagne duveteuse, aux rythmes lents, sans saccade, aux danses en habits traditionnels, menuets éclos dans les après-midis comme des œufs qui laisseraient - enfin – échapper leurs oisillons curieux de tout.
Nous sommes fous d'amour, fous de tout. Deux enfants au cœur du monde dérivant tels
des filets qu'on (« on » est énigme) récupérera
un jour dans l'assaut des vagues du littoral. Un soupçon, l'ombre
d'un doute, le bord d'une mer en effet, une cuillerée de vaniteuse
dérision, et nous nous armons de la patience vaporeuse de notre
cafetière, mauvais percolateurs, engins troubles entre le blanc
cassé de la vie et le noir du café.
ou c'est l'entracte... Opéra Berlioz à Montpellier |
Je
crois avoir vraiment perdu confiance en moi, me laisser égarer par
les mots qui fuient le réel en le recréant...
C'est comme si j'avais avalé une sorte
de détrompe-la-Mort avant l'heure, tout un hémicycle de députés en
proie à une fébrile agitation (j'allais écrire « adoration » :
c'est que le centre les regarde, et que, insensiblement, il les
attire ; il faut un point focal à notre déraison
parlementaire.)
Écrivons sans avoir rien à dire, me souffle le
vent, n'écrivons que pour la beauté du geste, pour le doux délire
de vivre un peut-être d'éternité. Alors nous aurons admis notre
petitesse, le flou de la pensée, l'imprécision qui fonde nos
décisions. Laissons
nous donc emporter là, là où l'incandescence est vivante, comme un
œuf déposé dans un autre œuf, qui se perce et éclate et berce le
néant. Et peut-être demain le mystère s'éclaircira qui vibrant et
têtu, comme un champignon hallucinogène, empoisonne le fétu de nos râles.
Il
mesquin qui me semble. Qu'avant j'avais des idées, que soudain
quelque chose s'est figé, en se brisant, sans éclats, sans débris,
sans rien en fait. Une fausse persévérance aux ameublements
hautains. Je ne suis pas écrasé, mais je m'écrase. Je ne suis pas
boueux, mais je m'ensable, je dépéris, je m'envase. Je heurte le sens
commun, et je me fais mal, je me décante. Ecclésiaste des mots, je me dépatouille comme je peux,
rameutant leur troupe, dansant comme un gymnaste déréglé et
déporté par le courant. Celui des idées perdues, des jamais sortants... Je mure mon silence dans notre
conversation. Je me cogne contre la vie, comme auprès d'une source
sous-marine, dans le déversoir de toutes les eaux usées collectées par
sondes. Mon art ne subsiste que dans mes allumettes grillées. Des
fêlures sans discordance, des désirs sans lendemains. Des brisures
dans la glace qui ne permettent pourtant pas de connaître l'humain.
Cet humus qui respire, ce terreux qui s'encolore et qui nous
encolère. Quoi, cette vaguelette, ce rien, et cet impact de
météorite au beau milieu d'une terre désertique.
Car
le désert avance !