lundi 30 mars 2015

7 janvier 2007            "J'ai barre par les mots sur la réalité", Louis Aragon

          Dimanche, jour d'ennui et de mortifications...

Le concert n'a pas encore commencé...

          Jour où la pluie descend le long des vitres, où dansent les reflets sur la peau de la vie, replet de satiété creuse et d'ennui créatif. Je suis là, tu es là, nous sommes à bout de course, enfumés par la broussaille de nos cheveux en bataille, les yeux embués de demi-larmes, dans le semi-deuil de nos années perdues, dans le vitrail glauque et profond de nos globes riboulant comme des billes dans un flipper. Nous sommes visités par deux abeilles au calme doux, à la suave haleine de notre café. Comme revenus vers la campagne duveteuse, aux rythmes lents, sans saccade, aux danses en habits traditionnels, menuets éclos dans les après-midis comme des œufs qui laisseraient - enfin – échapper leurs oisillons curieux de tout. 
          Nous sommes fous d'amour, fous de tout. Deux enfants au cœur du monde dérivant tels des filets qu'on (« on » est énigme) récupérera un jour dans l'assaut des vagues du littoral. Un soupçon, l'ombre d'un doute, le bord d'une mer en effet, une cuillerée de vaniteuse dérision, et nous nous armons de la patience vaporeuse de notre cafetière, mauvais percolateurs, engins troubles entre le blanc cassé de la vie et le noir du café.
ou c'est l'entracte... Opéra Berlioz à Montpellier
Je crois avoir vraiment perdu confiance en moi, me laisser égarer par les mots qui fuient le réel en le recréant...
          C'est comme si j'avais avalé une sorte de détrompe-la-Mort avant l'heure, tout un hémicycle de députés en proie à une fébrile agitation (j'allais écrire « adoration » : c'est que le centre les regarde, et que, insensiblement, il les attire ; il faut un point focal à notre déraison parlementaire.) 
          Écrivons sans avoir rien à dire, me souffle le vent, n'écrivons que pour la beauté du geste, pour le doux délire de vivre un peut-être d'éternité. Alors nous aurons admis notre petitesse, le flou de la pensée, l'imprécision qui fonde nos décisions. Laissons nous donc emporter là, là où l'incandescence est vivante, comme un œuf déposé dans un autre œuf, qui se perce et éclate et berce le néant. Et peut-être demain le mystère s'éclaircira qui vibrant et têtu, comme un champignon hallucinogène, empoisonne le fétu de nos râles.
          Il mesquin qui me semble. Qu'avant j'avais des idées, que soudain quelque chose s'est figé, en se brisant, sans éclats, sans débris, sans rien en fait. Une fausse persévérance aux ameublements hautains. Je ne suis pas écrasé, mais je m'écrase. Je ne suis pas boueux, mais je m'ensable, je dépéris, je m'envase. Je heurte le sens commun, et je me fais mal, je me décante. Ecclésiaste des mots, je me dépatouille comme je peux, rameutant leur troupe, dansant comme un gymnaste déréglé et déporté par le courant. Celui des idées perdues, des jamais sortants... Je mure mon silence dans notre conversation. Je me cogne contre la vie, comme auprès d'une source sous-marine, dans le déversoir de toutes les eaux usées collectées par sondes. Mon art ne subsiste que dans mes allumettes grillées. Des fêlures sans discordance, des désirs sans lendemains. Des brisures dans la glace qui ne permettent pourtant pas de connaître l'humain. Cet humus qui respire, ce terreux qui s'encolore et qui nous encolère. Quoi, cette vaguelette, ce rien, et cet impact de météorite au beau milieu d'une terre désertique.

          Car le désert avance !

                     ... A l’angle de l’hiver












Quand rugit le silence
Et qu’entrent dans sa danse

Les insectes graciles
Qui chassent le triste sire
De leurs ailes bourdonnantes

Comme bourdonne l’eau qui sourd
Et trace très longtemps
Un sillon de fraîcheur
Sur le fond du vallon

Déjà loin le dégel
Et le fracas des glaces
Qui tombent et se brisent
En milliers d’étincelles

On perçoit très confus
Le trépas de la Nuit
Dans sa robe de moire
Et son grand châle gris


File doux assassin
Qui cassais nos pantins
Qui cinglais nos visages
De tes sombres nuages

Dans l’arbre au paradis
Il y a des mirages
Et si l’été est sage
C’est promis c’est promis

Nous en cueillerons le fruit

Nous en cueillerons le fruit

Comme, enfants,
nous partions
Par les bois enchantés
Ramasser aux orées
Les pousses de champignons

Sorties de leurs cocons

Maintenant au soleil
Vont perler les nuées
Qui ourleront de miel
L’échafaud fracassé

La porte du sommeil
Et l’ampleur du grand ciel
Sous la toison vermeille
De nos vertes années

vendredi 27 mars 2015

Point d'orgue

Retrouver la veine prophétique, le souffle ou le halètement du long accouchement de soi-même, c'est peut-être ce que j'aimerais. Mais le néant m'appelle, le vent m'emporte, le temps se délite. 

Peu m'importe. Il faut continuer, poursuivre la tâche, aller de l'avant. Ne pas, ne plus être infantile tout en restant enfantin, mais ne plus s'engluer dans l'enfance, le non-dire, l'absence de paroles, se diluer dans son insouciance, dans sa relative précarité, son provisoire qui dure. Ouvrir mes mains et accueillir le temps qui vient et qui risque d'être fécond. 
Je n'ai plus de style propre, je suis contaminé par le sombrissime discours à l'amertume facile, à la livrée d'automne. Je rive mon sentiment à cette emphase, à cette boursouflure évidente du ressenti. 

Mon arme est chargée, et je crois tirer quand je la décharge : en réalité je prends la plume sans but précis, sans volonté vraie, sans plan préétabli. Je me rive aux mots au lieu de m'en décentrer. Je rumine, je mâchouille, je mégote, je n'ai plus de partage vrai.

C'est le début de la déprime, je crois, un passage vers l'aigreur du néant. Un hymne à la bêtise vétilleuse et bêtasse. À la procédure paperassière. À la paperasserie procédurale. À l'embrun abandonné sur la grève, par une vague décédée, qui ne participera plus à la joyeuse montée à l'assaut des berges ou des dunes, mais tel un cadavre vivant, croupira là jusqu'à sa désintégration totale. Vision pourtant béatifique à souhaiter et pont-aux-ânes de ma vie. Reste de couleurs automnales qui s'étiolent en soupirs.
Mais la vague ressuscite en se retirant, laissant derrière elle une écume du jour passant.
Je suis comme anesthésié par la douceur de vivre, comme achalandé de rivières et de rimes... visiteurs impromptus, clients sans argent, mais curieux de tout, et de tout le reste... mes phrases esquivent les problèmes – ce mot affreux - et se laissent bercer par le ressac tremblant de la vie d'un mortel.
Ainsi finalisé, mon être par débrouillardise se laisse emporter vers d'autres plages horaires, vers le changement du monde dans un devenir autre, comme si tous les matins du monde, gorgés de soleil  nouveau, revenaient à la charge en mon âme inquiète, pour éclairer un peu plus mon austère vision, et donner le printemps contre l'hostilité, la vie contre la menace, le vide étonnant contre le néant...


jeudi 26 mars 2015

Azzar, vous avez dit Azzar ?



Permettez-moi de vous présenter un grand ami
Un génie
Monsieur Azzar alias prestidigi’
L’animateur de notre engeance
Consolateur de l’imprudence

Permettez-moi sans alibi
D'énumérer ses acabits
Et de compter ses abattis
C’est lui le Tout le Vrai le Grand
Le créateur de l’éléphant
Du thé du cassoulet du brie
Du tourbillon et de l’ennui
Voire de la danse des galaxies

C’est lui le grand prestidigi’
L’agitateur de nos consciences
Commutateur de l’impudence
Il sait faire des soupes originales
Des tas de machines infernales

Il a accouché l’ADN sans douleur
Il répond toujours
Même au courrier du cœur
Des amis de la vie

Certes nécessité fait loi
C’est pourtant lui le roi des rois
Il scand' le temps depuis l’Aurore
Jusqu’à minuit et plus encore

Il légifère avec bonheur
C’est qu’il est le génie créateur
C’est lui le grand fauteur de troubles
La Cause première le designer
Et il travaille pour pas un rouble
Désintéressé au grand cœur

Que les savants les ingénieurs
Tous les apprentis Shakespeare
Et tous les enfants de chœur
Les Jean-Sol Partre les J'm'en inspire
Envient convoitent copient sans peur

Et en tout bien tout honneur
Le Maître espéré le Moteur

Chapeaux bas messieurs un génie
Sans contredit c’est bien lui
L’ordonnateur
Le concepteur
De l’univers et de la vie

Agent de change des années-lumière
Cerveau de la bande à Fizeau-Doppler
Joliot Curie
Pierre et Marie

Sous son égide bienveillante
L'univers gris est un détail
Qui n'est pas bien sur ses rails
Le Big Bang s’est enclenché
Avec son appui dilettante
L’évolution s’est ébranlée

Il fut l’auteur incontesté
Le ribouldingue
De nos cellules miraculées
De la valdingue 
Aux pouvoirs insoupçonnés
...Et de beaux monstres prometteurs
Dont il se fit le promoteur

Beaux et grands et vieux lézards
Singes moqueurs pour les bazars
Il a tout fait histoire de voir
Com' ça, sans jamais trop y croire

Il n’a rien corrigé du tout
Car c’est la diagonale du fou
Qui s’est chargée du sale boulot
Des dernières et ultimes finitions
Et de l’instinct de conservation

Monsieur Azzar… Votre chapeau ???
      -  Je l'ai oublié cette nuit
                                                           
Alors ce soir pas d’numéro ???
      -  Non c’est fini
          J’ai épuisé la dynamique
(Il tombent à pic,
Le multivers
et son envers
L'anthropocène
Tous ses mécènes
Et le principe
Anthropique...)
Mais moi je suis au bout
Du rouleau… (ipse dixit)

Quelle déception pour les amis
Le roi des sciences et ses audits
Monsieur Azzar je suis contrit
Et continuer cette homélie
Ne me va plus
Je suis… ému

Mais quoi ! Vous n’écoutez plus !
Monsieur Azzar, vous, endormi !
Réveillez-vous !
Sans quoi malheur
Dieu pourrait revenir
Sait-on jamais !

(Pour quoi faire mon bon ami ???)

Pour nous dire :
Ne prenez pas les courbes de Gauss
Pour des graffiti
Dont on se gausse
A l'infini



(Et pour quoi faire mon bon ami ???)

Mais pour grimer des paradis
Multispire
Et aussi pour aimer
Tous les pauv's affamés 



(Mais pour quoi faire mon bon ami ???)

Pour jouer aux dés
Ou diriger la symphonie…
Du devenir
Et de nos vies




vendredi 20 mars 2015

Vézelay


Richesse ambrée, douleur cassée
Un rien étouffe un tout libère
Je prends le virage vers le temps
Celui qu’on prend, celui qu’on perd

C’est pour lundi après-midi
Un doux souvenir et un rappel
Comme si la lune valait plus cher
Que tous les temples de l’après
Musée du Louvre

Douce retouche sur le tableau
Un peu décati par l’usure
Des couleurs reviennent et revivent
C’est un cadeau de l’art abstrait

Un rien qui décore ton enfer
Un rire un sou un empire
Tu fais le tabellion manqué
Comme si demain, demain venait
En s'insinuant dans le présent

Ricercare doré sur fonds de commerce
Un peuplement danse et me transporte

Et fait des ruines de me
s cohortes
Flanquées d’un flambeau vacillant
Dans le brouillard des rues grisées

Sur le buvard évaporé
Comme une tache, une patte de mouche
Qui signe la toile de nos amours

Sur le dôme étiré de la colline éternelle
Éphémère et repliée sur elle-même.


jeudi 19 mars 2015

PENSÉES COLLECTÉES PAR UNE AMIE


(mon amie Aline, décédée du cancer dans de terribles souffrances)


Chaque pomme est une fleur qui a connu l’amour.
Félix Leclerc

L’art de bien dire est l’art d’atteindre. Mal dire ou donner un mauvais arrangement à ses paroles ou à ses pensées, c’est prendre son épée par la pointe ou par le milieu, vouloir la faire entrer par le pommeau !
Joseph Joubert

Les écureuils, dit-on, amassent leur nourriture dans des cachettes qu’ensuite ils ne savent plus retrouver. Un tel oubli me semble lumineux et mystérieusement sage.
Christian Bobin

Être vivant, c’est être vu, entrer dans la lumière d’un regard aimant !
Christian Bobin

Ce qu’on apprend dans les livres, c’est la grammaire du silence, la leçon de lumière. Il faut du temps pour apprendre. Il faut tellement plus de temps pour s’atteindre.
Christian Bobin

Le désenchantement est plus à craindre que le désespoir. Le désenchantement est un rétrécissement de l’esprit, une maladie des artères de l’intelligence qui peu à peu s’obstruent, ne laissent plus passer la lumière.
Christian Bobin (Autoportrait au radiateur)

Je trouve mes lectures dans la lumière du ciel. C’est le livre le plus profond qui soit – et ce n’est pas moi qui en tourne les pages !
Christian Bobin

Deux biens sont pour nous aussi précieux que l’eau ou la lumière pour les arbres : la solitude et les échanges.
Christian Bobin

De la discussion, rien ne sort : c’est de la bonne entente que jaillit la lumière. Elle donne de l’éclat aux avis qui se ressemblent.
Jules Renard

Il est un moment à chaque aube où la lumière est comme en suspens, un instant magique où tout peut arriver. La création retient son souffle.
There is a moment in every dawn when light floats, there is the possibility of magic. Creation holds its breath.
Douglas Adams

Quand nous désertent le désir de vivre et la force d’aimer, le monde nous apparaît inhabité. Nous ne percevons plus du vent que sa course sans but, du ciel que sa lumière aveugle, de l’espace que son impassible démesure. Sans doute, s’il en est ainsi, c’est que ces lieux où vont nos vies ne sont rien d’autre que les reflets exacts de nos âmes.
Henri Gougaud

Avoir l’esprit ouvert n’est pas l’avoir béant à toutes les sottises.
Edmond Rostand

L’imbécillité est une chose universellement partagée. Chez les personnes instruites, c’est un peu plus long à dépister.
Albert Brie (Le mot du silencieux)


"Nothing happens unless first we dream." Carl Sandburg



mercredi 18 mars 2015





En souvenir de mon amie Aline


Les lumières de la ville s’éteignaient une à une
Les lampadaires seuls étaient à l’unisson
Ils semblaient naviguer comme des bancs de poissons
Dans l’éther veule et gourd des Ensérune

Si tu veux me revenir tout est alors possible
Effacer annuler changer le cours des choses
Ne plus charger devant le meilleur des Bérose
Et faire de la vie un parcours indicible

Le hasard existe mais ne régit pas tout
Il y a des lueurs dans le flou de mon cœur
Un peu d’eau falote pour les parterres en fleurs
Comme un grand parnassien renversé sur ta joue

Souviens-toi nous passions près des sycomores durs
Et devenir amis enfin nous enchantait
Comme le vent mauvais m’avait éperonné
Nous avions les mêmes pensées la même voilure

Des victoires de victoires et une espérance lourde
Des motos qui roulaient sur le trottoir citrouille
Un cyclope peinait dans les restes de houille
Comme un miracle vain dans la ville de Lourdes



Les écoutilles entr'ouvertes de la nuit noire
Avant la mise au caveau oblong de l'espoir







L’érudit étudie
Dessin de l'auteur, 1982
Revêtu d’une peau d’âne
Il collecte et il glane 
Un crayon à la main :
Il lit
Cette espèce de thésaurisation est gratuite
Redondance et abondance sont là : garde-à-vous !
Rien ne ronge ce trésor, pas même les mythes
De rouille et vert-de-gris il n’est jamais à bout

L’érudit étudie
Il devient infini
Parcelle de l’étang où lutinent  les tant belles
Libellules sur les nénuphars de l'amitié
Qui méprisent les cruels, les horribles libelles
Fardeau de l’homme grand aux épaules lié

Clichés, stéréotypes et simplifications
Images de l’outrance et scarifications
Dans l’aube si matricielle de la prudence
Là où naît toute neuve l’image de la danse

Le va-et-vient intense
De nos inconsistances

Livres comme jetés à travers les fenêtres
Habillés de passion et peuplés de grands êtres

L’érudit pioche dans les bibliographies
De nouveaux aliments pour nourrir sa folie
Il furète et s’attarde sur les notes inférieures
L’infra-pagination est son valet de cœur
Et l’appareil critique est comme son appentis

Les yeux pleins de lumières et le corps alourdi
Le lettré mandarine ses lettres de créance
Il accroît son étourderie et sa sapience
Cumulus chargé d’éclairs, de foudre et de pluie

Courbé, grenu, sauvé par son humilité
Il darde son regard vers les fonds habités
Puisant aux sources vraies de la fécondité
Détail (remastérisé) 
Du chemin parcouru jamais très étonné

L’érudit n’est pas docte il est plutôt docteur
Il observe curieux les travaux des chercheurs
Leurs résultats piquent son honneur avivé
Il cherchera à son tour à les désarçonner

Puits de science et de foi, ingénu déniaisé
Il a toutes les ficelles de la sévérité
Et l’œil de ces aigles qui pointe le gibier
Avec toute la rigueur de leur notoriété

L’intellect labouré, la tête bien faite
L’érudit fatigué ne fabrique pas les faits
Il les aime trop pour jamais les controuver

Travailler chaque jour est pour lui une fête
Sa famille avec lui en société savante
Éclabousse de soleils les ténébreuses pentes
De l’ignorance dense
Et de la fausse science



30 avril – 2 mai 2006

mardi 17 mars 2015

Le pont de Trinquetaille

Je me sens tout à trac
par l'humeur envahi
d'un valétudinaire
en mal d’Eurasie

l'euphorbe de tes yeux de tes mains de tes plis
me rend attentif aux feulements de la ville
et dans le matin calme de la rime facile
j'entends tourner sur mon divan lourd de pluie

les larmes de l'orange
sont autant de plaisirs
pour repeupler l'étrange
de nos doux souvenirs...

Vincent van Gogh, le pont de Trinquetaille, 1888
dans un bruit éclaté
sur le parquet ciré
je pense à la belle mort
qu'a connue le miroir
le miroir de la paix

Je me sens tout à trac envahi
par l'oubli et le morne attrait de la nuit

mes enfants autour
du paratonnerre
ont un mal d'amour
pour l'avant-guéguerre

tous mes amis ! Soyez intelligents
et gardez-vous de penser à l'argent
au pouvoir de la langue
et aux temples qui tanguent

mon âme ?
un quidam
qui ne sait où loger
te l'ai-je raconté

et j'ai cassé les pailles
de mon ballot d'été
pour pouvoir me terrer
du côté des faubourgs

sous un pont un peu gourd
le pont de Trinquetaille
celui de l'amitié
et de nos retrouvailles

ratées


dimanche 15 mars 2015



La poulie

Des armoiries aux tons provocants
Et professionnels
La Cité interdite
Quelle espèce de pouvoir pour les grands
De cette ombre

Cravacher pour atteindre le premier
L’ovule au sens fort, le recul de la mort

Quelques desiderata de volontaires
Qui ont ouf tous gagné leur misère
Espéré atteindre le jour
Sans pouvoir occulter
Le prévaricateur qui invalide

Ah si nous étions poussière aux pieds d’un monstre
Nous aurions la forme austère d’un pousse-pousse
Quel tireur de rickshaw pourrait nous sortir
De la motte de terre

Qui colle aux fesses du glébeux comme un rond-de-cuir
Qui renforce le pantalon décadent
Quo vadis amigo tu es des nôtres

La danse sur un bateau, lac Erhai, Chine
Nous œuvrons dans le noir pour le bien de la lumière
Pour arriver à persuader la matière première
L’imagerie médicale nous fait angle et crinière

Que de soucis dans l’arbre gris
Cette course la tête la première
Encore un premier avant le premier
Encore une anse à accrocher
A accorder comme une guitare

Dans la bourse frimeuse de nos bleus
Parler parler pour étriper
Un art à vaincre avant l’apprêt

Coulure des mots et des coliques
Un plâtras glauque et un fond de pantalon
Absorbant pour les énurétiques

Je pense que je dis n’importe quoi
Ça me console de tout ça
Cette jetée où s’arriment les bateaux

Qui ont couru les sept mers et les 3 océans
Avant que de mouiller (quel mot étrange)
Dans les havres de guerre économiquement

C’est toute l’appréhension des mousses
Moussaillons

C'est-à-dire des mousses débutants dans leur habit bleu et blanc
Guadeloupe, une écorce ensoleillée
Car avant la marine marchande il y a l’amirauté

Et nous traînons nos guêtres du côté des partants

Que de bavures que de baveux
Dans les flots amers
Dans les amers flottants 

A demain matin si tu veux

Che vuoi ?

dimanche 8 mars 2015

Hommage à Gabriel Randon, dit Jehan Rictus

Va rimailleur te faire pendre ailleurs
On n’a pas besoin de toi pour savoir quoi
Ni même de poème pour décliner des je t’aime

Va écrivaillon faire à d’autres tes leçons
Les enchantements artificieux et les donneurs de comptes en cieux
Sont bons pour d’autres que nous autres

Nous on s’en tape de tes détresses
Tes bons vouloirs tes hésitations tes doutes tes strophes
On s’en contrebalance, on a d’autres fouets à chasser
Jehan Rictus, par Steinlen, portrait
Et d’autres politesses à faire
Ou à faire faire

Mauvais apôtre et de surcroît
Englobé dans le vent du Nord
Tu loges à l’hôtel de la Gare
Comme si tu devais partir ce soir

Scribouillard baroudeur
Ou bourlingueur pour boulingrin
Tu nous fatigues à la fin tu nous escagasses
C’est ça le mot tu nous es-ca-gas-ses

Va te faire voir chez les voisins
Si tu peux leur dire un quatrain
Sans qu’ils te virent et te débottent
En hurlant : Dehors, sale mioche !

Va chez les étrangers là-bas
Dans les quartiers
Nul n’est poète en son pays
Tenter la chance c’est permis, non ?

Alors vas-y !
Et bonne soirée toi signataire
Qui singe bien mal les Hugo, les Lautréamont, les Voltaire
Dehors il fait un froid de Chine
Mais y paraît que ça t’inspire

Va donc ! eh ! péteur !
C’est tout vu : t’es qu’un prophète de malheur
Un Jérémie un abruti

Du genre qu’on proscrit par ici
Alors ramène pas tes frocs au bar
Et souviens-toi bien qu’une paire de claques
Vaut mieux qu’un escalier qui mènerait au paradis des zouaves
Même si la gouaille ça t’connaît,
Sache que nous en s’en battait
Avant qu’tu sois là
Comme un juge un scrutateur un déboussole-radiateur

Alors va-t-en
Va-t-en avant qu’on n’en vienne aux mains
Va culbuter les mots sur les grands chemins
Et faire ta rentrée littéraire
En compagnie ferroviaire

Suis ton cours tout simplement
Et fait pas suer les demeurés
Comme tu dois aimer les appeler
En maugréant

Me v’là pris au jeu des rimes...

Je te convoque en duel
Pour en finir avec toi
Mais que m'arrive-t-il ??

Ô Merveille...
Je me prends à ton escrime...


La noblesse de tes jours


Habillée de guipures
De dentelles de rosée
De gouttes d’eau épures
Tu parais enfanter

Des cortèges de beautés
Des tableaux épousant
le pastel étoffé
Par la lave d’un volcan

Que ne sommes-nous des anges
Confrontés à ce vrai
Porté par de l’étrange
Qui stipule et décrète
La couleur de nos blés

Aux fadaises toutes prêtes
Aux idées reçues
Aux vieux stéréotypes
Aux santons bien repus
Mille fois trépassés
Tu opposes la grippe
De nos enchifrenés



Tu t’opposes
Étonnante
Comme si plus fringante
A ces petites roses
Qui peuplent nos allées

Tu donnes à l’impure
Une chance d’aimer
Comme un cadeau qui dure
Dans l’aube assassinée

Les enfants sont des êtres
Qu’il ne faut pas blesser
Ah ! toi tu leur fais fête
De tant les approuver

Tu gravis les montagnes
Aux ravins de vertige
Et tu planes dans ton pagne
Avec l’art de la pige

Que souvent tu rédiges

C’est ainsi que je t’aime
A ne savoir t’aider



mardi 3 mars 2015

Guadeloupe été 2005
Retour des Saintes                                                                         "Rien, cette écume, vierge vers..."
                                                                                                                                   S. Mallarmé



Cerne de ton âme sur un azur cloqué
Dans l’absolue fenaison de mon Ricoeur salé
Que reste-t-il au fond de nos êtres falots
De nos épeires fermées
De nos pas alourdis de sabots délétères

Ce rein vermineux
Cette alopécie du souvenir

(Avec le rime à rien du va comme je te pousse






Et le méli-mélo du qu’en dira la voisine) 


Ce rien


 fulminant, grand écart du hasard
La rencontre fertilisée du square et de l’heure
A féconder…

Avoir les doigts émoustillés d’étoiles
Un cœur parnasse et morceau d’art
Truculent comme une nasse
Pleine de remuements

Dans tous les tremblements et les palpitations
Du vivant sémaphore
Espèce de fanal, de phare, et Belphégor
Surnageant dans la vase

M'enrichissant de rimes
Sélénotropes avec des vasques
Cimentées d’or



§ 3 alinéa 2 et numéro 4



Des chemisettes d’oripeaux
Comme des infusettes de tea-time
Et des gaufres de foire d’empoigne

C’est toujours à couteaux tirés
Qu’on reçoit le vert de la baie
Comme un ennemi qui ferait le guet du côté de Guermantes

Ou alors on pourrait le considérer comme persona non grata
Et revoir le data

Ça colle avec nos prévisions : le froid sévit chez les sans-abri
L’industrielle collusion avec les avantages sociaux réservés
Fait une kyrielle de petits riens à ceux qui n’ont déjà plus rien

Et revoir le data
Pour toute persona non grata

On ferait un système démentiel comme un tuyau percé
Et on serait dedans les autres ailleurs qu’ils se débrouillent
Et aillent au diable !

Paragraphe 3 alinéa 2 et numéro 4
Couleurs d’automne pour les uns sépia chagrin
Couleur d’été privatisée et nomenklatura
Sans bavures pour les autres

Amen et amen
Trois fois amen
Sur le bord cassé du trottoir d’à côté
J’ai tordu mon pied de nez
J’attaque la municipalité un franc six sous

Et toi tu peux aller crever ailleurs
Me dit le contremaître de la contrevie
Tu mérites pas la glaise qui colle à tes basques
Tu prévoiras toujours un vague cataplasme
Pour les clientes râleuses et les clients râleurs.

Ce texte n’a de sens que second
Il n’a ni queue ni tête, un seul est galop
Pas d’embrouille ni vue ni connue…
Sinon j’t’embarque






lundi 2 mars 2015

Retrouvailles à Nîmes



J’ai longuement désiré passer ce moment avec toi
Dans la voiture les kilomètres s’entassaient comme des feuilles

Et soudain je n’avais plus de place, ne voyais que le brun des feuilles mortes
Mes souliers étaient lourds sur les cathédrales de l’amour et de la vitesse

Et je fonçais, tendu vers toi comme une amitié délogée qui cherche ses repères

Étale comme un nabab, en proie au doute de la véritable sentence
Comme anesthésié par ta douceur qui s’approchait

Qui m’envahissait.

© M. M.
Je retourne au pays natal comme un garnement pris de nostalgie
Mes mains sont moites d’attendre le moment de te serrer dans mes bras

Et je sens crocheter l’aveugle que je suis
En proie à un désir d’aller plus loin et plus avant

Comme une porte qui grince
Mes boîtes à gants sont pleines
Et un sourire point à mes lèvres

Je suis rire, et retenu depuis si longtemps !
Je fonds comme un cierge dans un caveau béant

Et mon âme est si tiède dans les mélopées de la voussure

Que je m’endors heureux aux pieds de la rivière
Où coulent des jours heureux comme des ombres choisies

Et où le verdoyant embrasse
Le soyeux décor de tes guipures de tes dentelles

Dans l’âtre tu as mis un rideau sans pareil
La danse de tes yeux de tes mains de ton corps

Qui balbutie des merveilles et félibrige les étincelles
De la langue des preux contreforts de la ville

J’ai longuement désiré passer ce moment avec toi

Et maintenant tu sais je suis comblé comme un plein sac de froment

Il nous faudra relire ces contes étrangers qui nous faisaient grandir

Et bercés d’assouvissement nous lover l’un dans l’autre
Comme de petits enfants.


Effraction



Un rossignol à la main
Je grimpe le mur de demain

J’essaie de m’introduire
Moi et mon blouson
De cuir

Dans la villa du souvenir
Futur

Et je fracture

Mon arme c’est pas la surprise
C’est la nuit

Je sais faire quelques prises
Au cas où surpris

Un clampin chercherait
A me maîtriser

Un signe de croix
Et c’est parti

Ça j’y crois
Pardi

Je pense apercevoir
Le paradis

Et c’est pas pour décevoir
Mais il est bien gris
La nuit

Mon passe-partout
Me trahit

Me voilà pris
Et bien pris

Je suis chassé
Du paradis
Avenir bouché

Et tout le toutim…
J’ai plus de rimes
Pour pleurer

Mon cœur serré
Fait les cent pas

Devant l’entrée