vendredi 10 novembre 2017

Papa en demi-deuil





Notre père, bien faible à l'heure où j'écris, hospitalisé et sous perfusion (ce qui lui redonne des couleurs, tant mieux) notre père dis-je, j'en ai déjà fait, par anticipation, une sorte d'éloge post mortem

Car j'étais emporté par la fougue que donne la parole libérée, l'appui de la psychanalyse, ou de son avatar personnalisé. 

Car j'étais un peu amoureux de son originalité, de sa différence, de ses possibles concrétisés dans ses entreprises dont certaines n'ont pas échoué (la famille, son salon de coiffure...). 

Une vie miteuse, diraient certains, avec ses compensations, en quelque sorte : maigres provendes. 



© M. MM

Le monde s'écroule doucement ou avec fracas, en même temps qu'on vieillit, et on perd dans la danse avec le « système » ses forces, ses appas, ses défroques, ses guenilles même. 

On perd le sourire, le faciès, le rictus ou la moue qui nous définissaient, et un masque mortuaire vient lentement remplacer nos mimiques grimaçantes en se plaçant sur notre visage, tel un papillon posé sur notre nez qui ouvrirait ses ailes jusqu'à recouvrir nos oreilles...

Il tend à laisser à ses contempteurs (car on méprise toujours un peu la mort des autres, allez savoir pourquoi, peut-être qu'on se croît définitifs, inatteignables, immortels en quelque sorte...) il tend à laisser à ses contemplateurs, dis-je, une impression de faux, de bonheur falot, de relâchement factice, qu'aucune grimace cependant ne viendra plus jamais troubler. 

Sauf cette grimace de la fin, cette crispation qui semble habiter jusqu'à nos mains gelées... et qu'on appelle sobrement le masque de la mort.