Notre
père, bien faible à l'heure où j'écris, hospitalisé et sous
perfusion (ce qui lui redonne des couleurs, tant mieux) notre père
dis-je, j'en ai déjà fait, par anticipation, une sorte d'éloge
post mortem.
Car j'étais emporté par la fougue que donne la parole libérée,
l'appui de la psychanalyse, ou de son avatar personnalisé.
Car
j'étais un peu amoureux de son originalité, de sa différence, de
ses possibles concrétisés dans ses entreprises dont certaines n'ont
pas échoué (la famille, son salon de coiffure...).
Une vie miteuse, diraient certains, avec ses compensations, en quelque sorte : maigres provendes.
© M. MM |
Le monde s'écroule doucement ou avec fracas, en même temps qu'on vieillit, et on perd
dans la danse avec le « système » ses forces, ses appas,
ses défroques, ses guenilles même.
On perd le sourire, le faciès, le rictus
ou la moue qui nous définissaient, et un masque
mortuaire vient lentement remplacer nos mimiques grimaçantes en se
plaçant sur notre visage, tel un papillon posé sur notre nez qui ouvrirait ses ailes
jusqu'à recouvrir nos oreilles...
Il tend à laisser à ses
contempteurs (car on méprise toujours un peu la mort des autres, allez savoir pourquoi, peut-être qu'on se croît définitifs, inatteignables, immortels en quelque sorte...) il tend à laisser à ses contemplateurs, dis-je, une
impression de faux, de bonheur falot, de relâchement factice,
qu'aucune grimace cependant ne viendra plus jamais troubler.
Sauf cette grimace de la fin, cette crispation qui semble habiter jusqu'à nos mains gelées... et qu'on appelle sobrement le masque de la mort.