mercredi 29 novembre 2017

Au fondu des choses, au tréfonds de la vie




« L’écrivain doit accepter avec
orgueil de porter sa propre date, sachant qu’il n’y a pas de chef
d’oeuvre dans l’éternité, mais seulement des oeuvres dans
l’histoire ; et qu’elles ne se survivent que dans la mesure où elles
ont laissé derrière elles le passé, et annoncé l’avenir ».
Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman

Nous voulons vivre à tout prix, je veux vivre à tout prix, mais quel scandale, quelles pierres d'achoppement nous font tous chuter irrémédiablement dans le néant ?

Quelles inflorescences vénéneuses, quels abois de chasse à courre, quels retraits stratégiquement inexplicables ou encore inexpliqués viennent nous enluminer de ténèbres ? 

C'est la grande question qui m'a hanté comme un serpent de terre et de mer, un amphibien et un gobie sauteur sur la plage de ma vie.

Nous voguons à la surface du monde, promenons des poteaux indicateurs avec nous dans ces pérégrinations insensées, nous manœuvrons équivoques dans le grand cabas de notre civilisation, essayant obstinément, contre les lois de la nature, contre vents et marées, de nous hisser jusqu'au haut du panier, même local. 

Briller, un instant, à la surface visible des choses, comme un reflet plus ou moins incertain, évanescent, sur le ventre d'une série de casseroles en cuivre poli alignées au mur de la cuisine du diable.

Vanité des vanités. 

© M. MM
Recherche de la sagesse sans pouvoir la cerner, l'associer à nous autres, la laisser entrer en nous comme une onde de vrai bonheur durable.

Nos vies, buées d'exhalaisons, avant la dernière... lors de ce douloureux instant où nous quittons la scène à petits pas ou même avec fracas et célérité, peu importe en fait.

La question suivante me taraude depuis longtemps  comme une larme rentrée : que pensons-nous au tout dernier moment, quelle est notre dernière et ultime idée, avant de glisser dans le Néant de la tombe ?

Je voudrais que ma dernière idée soit pour toi mon Amour.






lundi 27 novembre 2017

Le Noël de trop ?





J’aurais voulu changer le monde, mais personne ne m’a cru, sauf des niais, à croître comme un brun sépia sur une photo ancienne, à croire que j’en suis un, non, je n’en suis pas un, dites-vous, je suis LE niais.

Mais je le niais. 

Et ma naissance est un travail sans fin, je suis comme constamment accouché de mes niaiseries, et oh ! tout ce que j’écris a le goût et la cendre de la niaiserie naissante, de ce nystagmus de l’âme, qui bleuit l’œil ou plutôt la vision et empêche la simplicité.

Je me décore moi-même comme un sapin de Noël automate et futile. 

Car non ce n’est pas, ce n’a pas été, ce ne sera pas Noël. 

Jamais.


dimanche 26 novembre 2017

Conférence






Le point de vue critique développé par une langue praxis de la « chose » universitaire, permet l’assise partagée avec les pairs, dans une perspective fondatrice de l’habitus intellectuel et académique. S’habituer à la dure - mais parfois excitante – exigence de la pure réalité, c’est tomber dans les rets du réel, si possible. 

Mais rien ne vient étayer l’approche, qui serait réellement l’embase de la vérité. Des vérités isolées, îlots émergeant d’une atmosphère insaisissable, sont reconnus ou même générés en archipels signifiants.

Chercher des régularités, des structures, organiser en système les aléas cauteleux de ce réel qu’on n’aborde que par l’aiguisement des sens, voilà le programme et le Gosplan de l’universitaire, plus grand s’il est en réussite, si, en mâchant les monstres et leurs déjections du passé récent, en analysant les penseurs ayant bouté une appréhension directe et adopté l’appréhension intellectualisée, il parvient à recracher la synthèse en la transformant par une alchimie relativement –appuyons sur ce relativement – complexe et simplificatrice à la fois. Faire une grille de lecture de ce réel, sorte d'échappatoire à notre continent intérieur bardé de certitudes. 

Il s’agit ma foi, de ma part, d’une approche à la Bourdieu, mais malhabile, un Bourdieu mal digéré, ou prédigéré, ou les deux à la fois.


© M. MM 
Le vin qu’on tire des meilleurs cépages ne peut être que bon dit-on, mais si c’est un Bourgogne, il peut être lourd, un peu empesé, pas forcément « bon » pour d’aucuns. Affaire de goût seulement ? Pas forcément : des critères objectifs même si quelque peu inordinaires peuvent aussi présider la critique. Des critères de jeunes (loups ?) dans la tourmente médiatico-politique. 

Travailler, travailler, travailler, ne peut soi-disant que mener à cette réflexion agencée selon un plan prédéterminé. Travailler, mais à partir des empêcheurs de penser/tancer en rond. Avec l’habitude viendrait la méthode, a priori. 

Mais chacun sécrète sa coquille, résistante, évoluée, circonvoluée. On a son crâne dur sauf fontanelle tardivement formée. 

Mais que dire de la rencontre des grands esprits, portés comme il se doit, comme il le faut, comme il est inévitable, par la vague à surfer que le passé récent nous donne. Récent, s’entend. Pas d’interdit à cumuler la sagesse millénaire. La sagesse des coraux. Qui se défont comme fidèles sentinelles dès qu’une trop grande variation de température les oblitère. Donc respect et révérence. Quoi qu’on en dise par ailleurs. Quoiqu’on en dise par ailleurs. 

Car si la vie est longue pour nous, en moyenne, elle le fut aussi pour pas mal de penseurs attitrés du passé. Ferrailler avec eux, précurseurs de la modernité, permet de mouiller le pinceau sec de leurs pensées, de le récupérer en quelque sorte, pour un usage plus grossier, plus commode pour dégrossir la (les) tâche(s). Plus de vérité foncière. Plus de joie durable. Plus de victoires faciles. Un soubresaut de pacification préalable, d’arrangement précoce. 

Certes on roule sur des rails déjà-là, on n’innove que par suite. Certes on copie les plans et on les applique. On fait œuvre d’érudition si on va dans les longueurs quasi schubertiennes, dans les notes en bas de page et les éditions rares. 

On porte le fer et le heaume. Alourdis par l’armure, on est gêné aux entournures, on doit pallier la pesanteur par des efforts quelquefois surhumains, on titube au début, on s’écroule à la fin (si on n’a plus la force de terminer l’opus). Mais on capitalise, on évite les critiques fondées, forts de ces certitudes (contestables) qui cuirassent notre thorax, protègent nos articulations. 

C’est une reproduction aurait dit Bourdieu. Quoique. Un anti-athéisme pour Michel Onfray. Et encore. J’ai lu ces œuvres dont je me permets de préjuger, à travers des digests pas très approfondis. 

Que de cet éphéméride naisse une pensée durable, est aussi hasardeux que de dire qu’une hirondelle fait printemps, été et automne. 

Nous sommes à la merci des idées reçues, étouffés par les œillères qui nous empêchent de brouter l’herbe tendre, nous contentant donc du bois pourri… que de bêtises à ne pas écrire, dans la prudence et l’incroyance. 

Je me repens immédiatement de mes folies inaugurées par cet écrit sans dimension X. Que de sottise m’habite encore, quel impénétrable fouillis végétal que ma friche à essarter méthodiquement...

Et à semer dans la foulée. Derechef dorénavant.




jeudi 23 novembre 2017

A la recherche d'un personnage




"Le hasard est le plus grand romancier du monde : pour être fécond, il n'y a qu'à l'étudier. 
La Société française allait être l'historien, je ne devais être que le secrétaire." 
Balzac : La Comédie Humaine (1842) ; avant-propos



Je crois en Dieu, façon un peu abrupte de dire les choses, de les présenter en fait quand on est timide mais il est vrai comme disait mon oncle que le papier se laisse écrire. 

Et le discours se laisse dire. 

© M. MM

Lui n’est pas foncièrement de ce côté-là du récif, mais il en fait un récit de circonstance, il joue avec les moirures du raisonnement, il se joue des pièges relationnels et n’affirme jamais être athée (loin de lui cet aveu, qui pourtant n’en serait qu’une moitié, tant il respire un égoïsme de grand aloi, naturellement, sans le vouloir). 

Il est bien vrai que les athées ne sont pas égoïstes, en général, mais chez lui on s’attendrait à voir un reniement de cette sorte, tant il est imbu de son moi. 

Et de son ego. 

En fait, je lui ressemblerais au fond peut-être, mais je ne saurais me l’avouer sans souffrir dans mon je le plus caparaçonné.

Il y a un certain nombre de prérequis dans l’idéologie ambiante, que je ne saurais accepter, ni même admettre, tandis que lui, tout de go, les enfourche comme autant de chevaux gagnants. 

Oui dans une autre vie il serait jockey du système, de l’Establishment ; il serait même prêt à tous les renoncements alimentaires pour passer du simple stade d’aficionado à celui de picador…

(...)

Penses-y à ton personnage, observe, fréquente les spécimens de cet acabit, de ce tonneau. 

Alors tu auras plume et aile, alors tu danseras sur les mêmes plages horaires (ou horreurs), alors tu traduiras leurs éminences comme leurs échecs les plus cuisants. 

Erreur !!! 

Ne t’approche pas de ces gens qui te répugnent, comme l’animal connaît de toute éternité son ennemi, tu ne peux vivre que camouflé parmi lui, et tu hais le camouflage comme le froid mimétisme.




dimanche 19 novembre 2017

La "liberté" de l'athéisme





Ce qu'on a appelé "liberté de conscience", au long de l'Histoire, c'est la liberté, pour les insatisfaits du culte officiel massivement majoritaire dans un certain pays, de pratiquer une religion différente, généralement simple version légèrement déviante du culte officiel, à proprement parler : une hérésie - François Cavanna, 1994



J’ai envie de partir, de découvrir le monde, pour voir ses parties molles et non plus son squelette seulement. 

Les traces qu’il laisse dans le sable du temps. 

© M. MM
Ne plus être prisonnier.

Il me semble soudain que parfois il vaut mieux un athée sincère qu’un croyant malade dans sa foi. 

Le croyant qui souffre d’une foi mal affermie sera tiraillé intérieurement, tandis que l’agnostique ou l’athée sincère dans sa conviction ne pâtira pas outre mesure de son manque de foi. 

Du moins c'est ce que je crois, ce n'est peut-être pas vraiment le cas.






vendredi 17 novembre 2017

Le lion dort....




"We can be heroes, just for one day..." 
David Bowie


© M. MM

Jamais un bon somme n'a fait de mal à son homme

Si tu croises la fenêtre, dis-lui de se refermer doucement

Par contre ouvre les yeux : demain est un autre jour 

Au fond des choses, il reste un point d'exclamation !



Nîmes, le 17 novembre 2017



mercredi 15 novembre 2017

Une odeur de salsa virevolte en ton cœur




La simplicité est la sophistication extrême.
Léonard de Vinci



Je dépose une gerbe d'étincelles falotes sur la page blanche de mon cahier.

Le blanc pour que je ne marche pas dessus, le bleu pour que je garde la capacité à suivre le cours de ma pauvre pensée.



Mais elle primesaute, elle décolle, elle, à la fois mufle et élégante.
Mais elle renâcle, dégingande voire me braque, elle batifole dans la drôlerie.

En somme, elle pépie.

Elle est donc caduque, comme trépassée avant de naître, effacée avant d'être accomplie, cabossée avant de sortir de la chaîne de montage, contaminée par l'à-dire, le devenir de notre parole montueuse et plurielle.

Oui, lecteur, et vous les mots, ma pensée est parcelles, éclats, et elle a subi un choc, une sorte de claque immense, un démenti flagrant, une mise au poing...

Ce boulet de canon, dont j'ai senti le vent peu avant l'impact, a remisé mes vieilles lunes dans un coin de mon cœur, car le bonheur, dans mon cœur, a changé de camp, et mon échelle de valeur s'est retournée violemment.
Ma colonne vertébrale m'est apparue comme un simple sillon derrière le bateau de mes pensées, et ce grain reçu en pleines voiles m'a secoué comme un cyclone d'où je sors à moitié mort.

Que faire maintenant sinon aimer et dormir... pour le rêve qui suit...



dimanche 12 novembre 2017

Je déchire ma carte du Parti





"Un livre a-t-il jamais fini de dire toute la conviction de son auteur ?" 
G. Bachelard, la Flamme d'une chandelle, p.2



Cette limite de l'amour qui me désarçonne toujours... 

un homme a donné libre cours

à son chant, un chant nouveau, un chant prégnant

cahotant sur le sentier du vide

comme un ormeau dans un futur Ovide

si tu pouvais ouvrir tous les livres l'oie

vers le fossé infect de leurs plats de lentilles

redonner espoir au temps passé à te chercher

Toi, aux cheveux d'or

Toi, je te cherche sans jamais te trouver

un arbre à masque vert-de-pluie

sans fin ni but, en parapluie

comment donner au vide-grenier

de mes pensées

un surplis de sincérité

parapente de mes escales 

dans le grand soir d'un monde fini

caricature qui s'encarafe en un retour vers les milliers

quand tous les parrains se repassent (en boucle) le film secret de ma vie

à l'autre bout de l'infini

Derrière le Mur de leurs hontes

si tu reviens amie, si tu reviens

au centre de mes nuits :

je déchire ma carte


Ma carte du Parti

Je te le promets je te le jure

Car tu étais ma seule amie




vendredi 10 novembre 2017

Papa en demi-deuil





Notre père, bien faible à l'heure où j'écris, hospitalisé et sous perfusion (ce qui lui redonne des couleurs, tant mieux) notre père dis-je, j'en ai déjà fait, par anticipation, une sorte d'éloge post mortem

Car j'étais emporté par la fougue que donne la parole libérée, l'appui de la psychanalyse, ou de son avatar personnalisé. 

Car j'étais un peu amoureux de son originalité, de sa différence, de ses possibles concrétisés dans ses entreprises dont certaines n'ont pas échoué (la famille, son salon de coiffure...). 

Une vie miteuse, diraient certains, avec ses compensations, en quelque sorte : maigres provendes. 



© M. MM

Le monde s'écroule doucement ou avec fracas, en même temps qu'on vieillit, et on perd dans la danse avec le « système » ses forces, ses appas, ses défroques, ses guenilles même. 

On perd le sourire, le faciès, le rictus ou la moue qui nous définissaient, et un masque mortuaire vient lentement remplacer nos mimiques grimaçantes en se plaçant sur notre visage, tel un papillon posé sur notre nez qui ouvrirait ses ailes jusqu'à recouvrir nos oreilles...

Il tend à laisser à ses contempteurs (car on méprise toujours un peu la mort des autres, allez savoir pourquoi, peut-être qu'on se croît définitifs, inatteignables, immortels en quelque sorte...) il tend à laisser à ses contemplateurs, dis-je, une impression de faux, de bonheur falot, de relâchement factice, qu'aucune grimace cependant ne viendra plus jamais troubler. 

Sauf cette grimace de la fin, cette crispation qui semble habiter jusqu'à nos mains gelées... et qu'on appelle sobrement le masque de la mort.




mercredi 8 novembre 2017

Jamais plus...




"Jamais plus ! Jamais plus !"
Et pourtant : contradiction. Ce "jamais plus" n'est pas éternel, puisque vous mourrez vous-même un jour. "Jamais plus" est un mot d'immortel
Roland Barthes



© M. M.
Improbable, l'espoir toutefois mérite une escale
Voire une halte dans une gare abandonnée
Près de la muraille de Chine dans un village fantôme
La vertu vient des tripes elle se mérite, la "bravitude" aussi
Horizons renouvelés, nouveau jour au bout de la nuit

Des pigeons et des colombes prennent l'envol vers des lieux imprévisibles
Faire leurs nids dans les branches disparues d'un arbre qu'on a tombé
Près de la muraille écroulée de nos jours, tous passés à attendre la vrille
La volute et son attracteur étrange se débinent, la mortifère nuit se prend en pilule
Hérisson sans une épine, nouveau monde sans plus un bruit.

Ouate de tes yeux doux dans le verre de mes alcools
Un jour passé à tes côtés vaut mieux que mille ailleurs

Nîmes, le 08/11/2017






mardi 7 novembre 2017

Le SDF et le bisness -suite- l'antipsychiatrie selon lui...



Selon Erving Goffman, si le capitalisme est un jeu de dupes, alors le rôle de la psychiatrie est de calmer les perdants du système, pour éviter qu'ils ne protestent bruyamment, dénoncent la duperie, et ne prennent leur "revanche"...


http://www.zinzinzine.net/hegemonie-psychiatrique-theorie-marxiste-de-la-maladie-mentale.html 


Dudule-Dédé, comment va-ce aujde ?? 

- ça va, ça va, je digère mal en ce moment le mépris dont on m'afflige parfois...

Eh ben, t'en endures mon vieux. Des fois l'asile psy c'est mieux que la rue tu crois pas ??

- Excuse-moi de te contredire sur ce point, on peut se tutoyer maintenant... En fait, mon bon ami, je suis définitivement pour l'antipsychiatrie...

L'antipsychiatrie ??




- Oui, et je suis pas le seul. Parce que la psychiatrie c'est une mesure coercitive exercée par une société malade qui prend les fous pour des malades, alors qu'ils ne font que souffrir des conséquences de la maladie sociale...


Oh là ! tu vas un peu vite, tu peux m'expliquer tout ça plus posément ?

- Bien sûr, des gens comme Jacques Lacan, Thomas Szasz, Giorgio Antonucci, Franco Basaglia, que je confonds toujours avec un ami nommé Bisceglia, Silvano Arieti, David Cooper, mais aussi le philosophe Michel Foucault, et le sociologue Erving Goffman, et j'en passe, ont étudié la question à fond du point de vue sociologique, économique, philosophique, spirituel même, et sont parvenus à la conclusion suivante : 
la liberté face à la coercition, l'esprit face au cerveau, la liberté individuelle et le droit d'être différent doivent l'emporter sur les considérations d'ordre social rigide et sclérosé qui est l'héritage indirect de la vision nazie et extrême droite de nos ancêtres les pétainistes.


Ah bon ! je vois que tu es bien renseigné... mais tu y vas pas un peu fort ??

- Non, je t'assure - on peut se tutoyer maintenant puisque je vois que tu le fais - : c'est la société qui rend les gens malades et qui veut ensuite les forcer à rentrer dans le rang en se dopant ou en s'anesthésiant leurs pensées par une sorte de camisole physique, chimique, psychique, un avilissement et une humiliation permanents pour mieux les mettre au pas... Dans d'autres pays, dans d'autres civilisations, sous d'autres cieux, on écoute les gens appelés ici "fous" pour en tirer des enseignements. Chez les Hébreux, on appelait les prophètes "nabis" ce qui veut dire "fou" et "prophète" : on les honorait souvent, les rois les consultaient, on les nourrissait, on les choyait... parfois aussi on les aimait pas trop, quand ils dérangeaient par leurs paroles tranchantes et leurs prophéties alarmistes...

Oui, c'est vrai je n'y avais pas pensé, et en France il y avait les "fous du roi", qui étaient certainement très excentriques...

- Dans l'Archipel des Nouvelles-Hébrides, on dit qu'il faut toujours écouter les fous, en Afrique du Nord, un fou pouvait interrompre une réunion ou un repas et même marcher sur la table devant tous les convives, sans que personne, tu m'entends, personne, n'y trouve à redire...

Oui, mais bon, certains sont violents...

- Ou le deviennent du fait qu'on les traite comme des chiens, voire pire que des chiens, qu'on les marginalise, qu'on les boycotte, qu'on les maltraite, qu'on les matraque, qu'on les hait en somme... Oui, ça peut se comprendre, c'est une culture du mépris de l'autre, de l'a-normal...
Erving Goffman, l'Américain pas très connu en France mais qui mériterait de l'être davantage, a passé un an je crois dans les asiles (comme dans les prisons américaines dans les années 50 ou 60) et a montré que ce milieu avait tout pour rendre les gens encore plus malades : insinuations, chuchotements derrière le dos des malades, cachotteries, coercition, "étiquetage" nosologique - qui vous colle à la peau comme une chimère sur les épaules de sa victime- , camisole chimique ou électrochocs quand ce n'est pas la camisole tout court, écoute très parcellaire de l'histoire du "malade", raccourcis thérapeutiques, mise sous tutelle ou sous curatelle,

Tu y vas un peu fort...

Attends, c'est pas fini : dépossession des véritables moyens de décision des gens qu'on entend "traiter" et qu'on marque à vie comme des bêtes malades... parcage et mise en relation permanente avec des gens eux-mêmes considérés comme "psychiquement atteints" c'est-à-dire renvoi d'images difformes sur le psychisme de ces pauvres « objets d'étude et cobayes involontaires »... dénigrement de leurs capacités créatrices ou amoindrissement de leurs capacités intellectuelles et culturelles... et j'en passe et des meilleures... notamment le manque absolu d'intimité, de relations normales, d'activités saines, de travail réel, de lectures exaltantes, d'expériences qui ne soient pas "ouatées" et déshumanisées...

- Oh là, je vois Dédé, que tu es intarissable sur le sujet...

- Ouais, bof, j'en connais peut-être un peu plus que beaucoup, mais pas tant que ça. Je crois que j'ai des raisons d'avoir raison. C'est la société tout entière, des pieds à la tête, qui est mal en point, ça crève les yeux, c'est pas le pauvre déprimé qui ne peut accepter de tout cœur cette décadence globale et mortelle du système... avec la mondialisation de la bêtise humaine, à grande échelle...

C'est intéressant, dis-je songeur...

- En fait, c'est la société tout entière, de la tête à la queue, qui est mal en point, ça crève les yeux... tous ces machistes qui traitent les femmes comme des objets sexuels, y a qu'à voir le mouvement "#dénoncetonporc" et on comprend le vrai malaise de notre monde... c'est pas le pauvre déprimé qui ne peut accepter de tout cœur cette espèce de décadence globale et mortelle du système... avec la mondialisation de la folie humaine "autorisée", à grande échelle...

... Je n'avais pas d'arguments réels et suffisamment fondés à lui opposer, aussi je lui donnai sa petite obole quotidienne et je pris congé. J'étais abasourdi de tant de science en ce SDF un peu échevelé et qui n'en laissait rien paraître... je devais moi-même peut-être reconsidérer le regard qu'on porte sur les gens "malades"... 


Tout ça valait bien un petit pourboire...





samedi 4 novembre 2017

Voyage retour



29 octobre
Chose bizarre, sa voix que je connaissais si bien, dont on dit qu’elle est le grain même du souvenir 
(« la chère inflexion… »), je ne l’entends pas. Comme une surdité localisée…
R. Barthes, Journal de deuil





Comme un reflet penché sur le rivage du monde, il y a l’insoumise qui nargue les nuages, il y a l’intruse et la souveraine un rien volage, et nous sommes arrimés à nos simplicités… 

Le moteur tourne mais à vide, et nous pataugeons plus qu’autre chose dans la grenouillère marécageuse, dans le labyrinthe souvent bleuté de nos regards. 

© M. MM
L’orme de l’amour est atteint d’une maladie rare et d’une épidémie mortelle, il s’étiole en gémissements contenus, en craquements de troncs noueux dans les vents forts et en écartèlements de silences ajourés. 

Les feuilles sont-elles encore vivantes qui bruissent d’un dam et d’une souplesse feints ?

Les fruits sont gangrenés de cet ego qui fuit à l’approche du vent. 

Je suis tétanisé, et l’armoire est fermée. La clé en est jetée.

Elle, l'armoire à glaces, recycle le tronc, avec des palissandres qui jouent, tendres clepsydres, à meubler l’infini de nos vertes allées et venues.

Aller retour sirotés dans les gares sans visage, revenus bien tassés dans l’ensouple des tisserands, navette et aussi pour l’aéroport, comme une robe tissée à travers le temps et l’espace pour décider le monde. 

Un subit entendement récite nos pouvoirs de poussières et nous sommes escaladés par le déclin des notes graves. 

Car en anglais 'grave' c’est la tombe, et là les problèmes s’amenuisent pour de bon en effet, comme portés par le temps et ses sinistres rejets.

Ses surgeons éponymes, ses impassibles déchets aussi... ses retours sur soi, dans le pli des draps blets.






mercredi 1 novembre 2017

Cerne de ton âme sur un azur scellé



Brueghel l'Ancien. Quand les aveugles guident les aveugles...



La flamme bruit, la flamme geint. La flamme est un être qui souffre. De sombres murmures sortent de cette géhenne. Toute petite douleur est le signe de la douleur du monde. 
(Gaston Bachelard, La flamme d'une chandelle, p.41)






Cerne de ton âme sur un azur scellé


Dans l’affairée fenaison de mon Ricœur salé
Que reste-t-il au fond de mon être affamé

Que des peines fermentées, que des ruines délétères
De tes pas alourdis des sabots cimetières

Ce rien vermineux aux relents de désir
Cette impéritie du souvenir

Ce rien fulminant, grand écart du hasard
La rencontre forcée du quartier de mon square
A féconder… et à aimer
Comme on aime son propre bazar

Avec les doigts émoustillés d’étoiles
Un cœur parnasse en lambeaux de vraies toiles
Truculent comme une nasse sur elle-même refermée
Pleine de remuements, et pleine de bons blés

Dans tous les tremblements, les chuchotements et les palpitations
Du vivant sémaphore au fenouil déployé sur du son

Comme un fanal pleureur, à l’œil compatissant
Surnageant dans la vasque de nos faux firmaments

Séléné avec des nuages de douleurs
Cimentés d’or et de pâleur

Dans le regard des amants