"La flamme nous force à imaginer"
G. Bachelard
Cela me rappelle irrésistiblement ces moments particuliers que j'ai
passés avec maman, lorsque nous allions tous deux, moi très jeune, comme deux
compléments d'objet, à la salle de réunions par le train, une fois tous les quinze jours.
Nous passions ensemble
ces moments rares qui repeuplaient notre vide intérieur de l'étoffe
moirée du but à conquérir, à atteindre, de la tension vectorielle
vers le Créateur.
Car il occupe (selon toute apparence) chez ma mère une place centrale depuis qu'elle étudie la Bible.
Dieu, Personne
bien vivante au creux de son oreille, selon ses dires, lui qui sauve
et qui juge, drapé alors d'une froide et hautaine austérité ce me
semble, au fond de la chapelle symbolique de sa vie.
Plinthe de son
intérieur, la croyance vient harmoniser le décor et accommoder les
contraires.
Rien ne semble plus monolithique chez elle que sa foi,
indivise, entière, sans lui communiquer pour autant un zèle de
fanatique.
Elle est un peu comme Elsa Triolet, toutes choses étant égales par ailleurs, une « fanatique
douce », pleine de l'assurance logique et objective que communique
la foi quand elle s'assoit sur un fondement, sur des raisons
valables, quand elle s'est bâtie sur un raisonnement, sur la/une
connaissance.
Elle aurait trouvé, à l'origine de sa conversion, ce que Pierre dans ses épîtres appelle
« une foi ».
© M. MM |
Bancale parfois, mais assez robuste à ce qu'il semble car nourrie à une même et unique source.
C'est avec peine que je m'essaie dans cette tentative de portrait (j'avais
écrit protrait : tout chez elle semble pour moi reposer sur un
certain nombre de non-dits, à interpréter avec le temps qui passe).
Même en l'ayant côtoyée suffisamment, j'ai encore du mal à
débrouiller l'écheveau de sa personnalité complexe – pour moi
tout du moins.
J'ai du mal à la scruter réellement, car ce qui
sous-tend tout cela m'est étranger et même étrange, parfois.
La vraie personne, la personne cachée du cœur, elle, jamais, ne me l'a réellement dévoilée.
Ainsi va la vie dans ce monde où tout nous échappe dans sa profondeur idéelle.