dimanche 29 octobre 2017

En tout bien toute horreur



Vous qui venez ici 
Dans une humble posture, 
De vos flans alourdis 
Déposer un fardeau, 
Veuillez, quand vous aurez soulagé la nature 
Et déposé dans l'urne un modeste cadeau, 
Epancher de l'amphore un courant d'onde pure ...

Anonyme (?)


Ah ! Quel bonheur de faire ses besoins dans un coin de nature !
Loin des toilettes puantes et sans âme 
Qui font de nous de simples producteurs d'étrons !

Loin des aires d'autoroute où tous se regardent Sans vraiment oser se parler
Quand au garde-à-vous il reste le temps de faire 
Un vrai-faux rendez-vous

Je jetterai tous vos épars aux requins de la ville (Et je vous marierai avec des imbéciles)
Comme livrés en pâture à d'autres brodequins
Des porteurs de sibylles et d'enfantins radins

C'est avec volupté qu'on donne à Dame nature
Des cadeaux incroyables pour les mouches matures


© M. MM

Des repas de folie pour les vers amollis
Réveillés tout soudain par tant de raviolis

Prédigérés dès ce matin

C'est ainsi qu'on trouve du charme aux bucoliques solitudes
Les vraies : elles où l'on retrouve avec le chant des prudes
La couleur verte et brune des paradis

Et c'est comme ça qu'on refait le monde en un petit quart d'être
Avant le renflouement des caisses du paraître...

J'ai offert ainsi un très beau spécimen
De colombin baigné dans ce doux hymen

Et le chambardement des orbes de mes pères
Quand ils étaient si près de l'aubier et de l'air


Dortmund, le 25 mai 2017 - Nîmes, le 30 octobre 2017



vendredi 27 octobre 2017

Petite mise au point





"La flamme nous force à imaginer"
G. Bachelard



Cela me rappelle irrésistiblement ces moments particuliers que j'ai passés avec maman, lorsque nous allions tous deux, moi très jeune, comme deux compléments d'objet, à la salle de réunions par le train, une fois tous les quinze jours.

Nous passions ensemble ces moments rares qui repeuplaient notre vide intérieur de l'étoffe moirée du but à conquérir, à atteindre, de la tension vectorielle vers le Créateur. 

Car il occupe (selon toute apparence) chez ma mère une place centrale depuis qu'elle étudie la Bible. 


Dieu, Personne bien vivante au creux de son oreille, selon ses dires, lui qui sauve et qui juge, drapé alors d'une froide et hautaine austérité ce me semble, au fond de la chapelle symbolique de sa vie. 

Plinthe de son intérieur, la croyance vient harmoniser le décor et accommoder les contraires. 

Rien ne semble plus monolithique chez elle que sa foi, indivise, entière, sans lui communiquer pour autant un zèle de fanatique. 

Elle est un peu comme Elsa Triolet, toutes choses étant égales par ailleurs, une « fanatique douce », pleine de l'assurance logique et objective que communique la foi quand elle s'assoit sur un fondement, sur des raisons valables, quand elle s'est bâtie sur un raisonnement, sur la/une connaissance. 

Elle aurait trouvé, à l'origine de sa conversion, ce que Pierre dans ses épîtres appelle « une foi ». 

© M. MM

Bancale parfois, mais assez robuste à ce qu'il semble car nourrie à une même et unique source.

C'est avec peine que je m'essaie dans cette tentative de portrait (j'avais écrit protrait : tout chez elle semble pour moi reposer sur un certain nombre de non-dits, à interpréter avec le temps qui passe). 

Même en l'ayant côtoyée suffisamment, j'ai encore du mal à débrouiller l'écheveau de sa personnalité complexe – pour moi tout du moins. 


J'ai du mal à la scruter réellement, car ce qui sous-tend tout cela m'est étranger et même étrange, parfois.

La vraie personne, la personne cachée du cœur, elle, jamais, ne me l'a réellement dévoilée.

Ainsi va la vie dans ce monde où tout nous échappe dans sa profondeur idéelle.




mercredi 25 octobre 2017

Laïla ou la vie du rêve




"Être amoureux, c'est voir dans celui ou dans celle qui vous aime
ce qu'on y souhaite, et non pas ce qu'on y trouve"
Paul REBOUX



J'aimerais t'écrire un poème
Tout simplement pour dire "Je t'aime"
Un poème simple et beau comme la vie
Comme toi qui soupires et qui luis
Laïla 
Comme la nuit

Ton corps comme un grand bateau ivre
Et ton corps ouvert comme un livre
Tous les instants passés à t'enlacer
Sont autant de caresses sur le creux d'oreiller
Laïla
La nuit

J'aimerais écrire un livre pour tes rires Un livre pour tes cris un livre pour les faire jaillir
Un livre pour les silences un livre pour les ires
Que je cueille en rêvant dans les allées du bruit
En rêvant à ton être entier et mûr comme un fruit
Dans la nuit
Laïla

Je pense à toi toujours je pense à toi tout l'temps
Mon cœur est un journal de toi dans les mains d'un passant 
Je pense à toi toujours je pense à toi tout l'temps
Je te mesure avec délices de mon empan
Toutes les nuits en délire
Laïla

Tu es et resteras celle qui a ravi mon âme
Toutes mes nuits
Laïla 
Amie

Amour amour amour 
Pour toi
Amour amour amour 
Pour toute la vie
Dans tes bras jolis
Laïla
Dans tes bras meurtris
Laïla.. ma nuit



dimanche 22 octobre 2017

Déficeler la vie...





"Ce qui est occulte est enfermé."
(Gaston Bachelard, La Formation de l'esprit scientifique, p. 98)




Point de décentrage en elle, sinon ce décentrage vers ses enfants, qu'elle rendait proprets avec des vêtements usagers, des achats d'économe avisée (en rapport avec le budget alloué à la « sainte » famille par le Pater Familias désargenté). 

Elle avait alors cette fierté humble qui parait son foyer à multiples reflets et tenait de la manière dont nous étions vêtus (habillés serait plus juste, si on confère à ce participe passé un sens plus neutre, moins en rapport avec les tendances – fâcheuses car imprévisibles – de la mode, car nous étions habillés mais non vêtus comme des roitelets, ni comme des petits princes, plutôt comme des valets et de simples serviteurs). 


© M. MM


Mère, tu parles avec ton cœur, tes mains, tes yeux, tu promènes sur chacun un regard positif, mais sévère, plein de cette tendre sollicitude qui s'inquiète à la fois du bien-être et du savoir-être de ses enfants.

Avec trois ficelles tu faisais un panier, tu rafistolais les choses pour les faire durer, et servir. 

Ainsi va ta vie, sur sa fin maintenant, selon les critères d'un monde en déshérence fondamentale avec les capacités maximales dont nous a dotés la vie.

Sur sa fin : en ce sens se collectent les choses, en ce mot un peu raide qui semble être le but ultime du film-épopée de la vie : The End. 

Un mot terrible par ce qu'il signifie en fait : on passe à autre chose, on tourne la page, la dernière du journal de l'amour, on rouvre une autre boutique, on termine puis on s'en va (chacun vers sa propre fin, vers son miroir aux alouettes, vers son apothéose de poussière, vers le dernier café-crème de l'ontose).

La vie dévide ainsi sa bobine comme on démêle l'écheveau intriqué d'un monde ancien, pour en refaire un nouveau juste après, nouvelle saga, nouveaux décors, les mêmes gestes pourtant, comme gravés dans le microsillon de tes rides, et transmis de façon subtile à travers le grand-livre des années passées, des années perdues, des années qu'on ne rattrape plus.

Des années laides de nos vies ratées.

Ou bien remplies. 

C'est selon.





vendredi 20 octobre 2017

La Matrice d'un Monde...






" Qui sait ? Peut-être un peu d’or dans ces notes ? "
Roland Barthes


De prime abord, quand j'essaie consciemment d'y penser, au-delà de l'imaginaire fixé plus tardivement par les images qui s'accumulent, les traits de ma mère m'apparaissent tels que sur la photo de sa carte SNCF  (réduction de 75%) pour famille nombreuse. 

C'est celle qu'elle m'a laissée quand elle m'a quitté, sur mon île perdue dans l'Océan Pacifique.

Dire qu'alors elle faisait jeune, 40-45 ans, une misère cachée, un visage serein.  

Titien, 1555, Mater dolorosa

Elle est en noir et blanc. 

Quelques ridules dans le regard, celles peut-être causées par l'importance de son rôle, de ses responsabilités familiales et filiales. 

Car imaginez un peu : élever 8 gosses sans machine à laver, sans argent que le maigre pécule donné par papa pour la semaine, c'est un défi qu'elle a dû relever avec la conscience aiguë et révoltée qu'il ne saurait en être autrement, que la vie l'emportait avec elle, tel un impétueux torrent, un puissant train en plein élan, incontrôlable et mugissant. 

Son regard, un peu vide dans mon souvenir, empreint d'une douceur de catéchiste imbibée de l'importance de sa mission, avec ses livres à portée de voix pour ainsi dire, avec ses espoirs d'une vivacité je pense sans cesse renouvelée. 

Elle, tout entière dans cette demi-présence, étonnante de beauté et de sérénité, le visage légèrement rond, les cheveux bouclés et d'une grande et belle abondance, tel un visage de Joconde demi-moderne (c'est ainsi que je la vois), avec un sourire à peine prononcé et un peu crispé, et cette pudeur, cette retenue qui lui barrent la gorge et se tiennent dissimulées dans ses traits d'énigme, de questionnement lancinant, dense, tendant inexorablement vers l'absolu. 

Françoise Dolto pour moi, sans la science de l'enfance. 

Ou alors la Mater Dolorosa du Titien dans son élan religieux et ses mains jointes, comme emportées par la prière vers une union sacrée.

Une espérance mutique, dans ses yeux bleus - alors que ceux de la Mater du Titien sont bruns - bleus mais d'un terne magnifique.






jeudi 19 octobre 2017

Le SDF et l'origine du mal





- Je suis en colère aujourd'hui, Monsieur mon donateur préféré, je suis en colère...

Ah bon, Dudule ? pourquoi ?

- Toujours ce système pourri, cette espèce de soupe immonde qu'on nous sert tous les jours, comme si c'était LA vérité... 

Eh oui, c'est le système, mais ça t'es habitué, non ? je sens que quelque chose te tracasse encore...

- Oui, c'est l'histoire de ce type qui a voulu me violer quand j'étais gamin, encore un sale type qu'on faisait passer pour un gars bien... 

Raconte-moi un peu, ça te fera du bien.

- Eh bien, c'est pas compliqué. J'avais 8 ans à peine, je me promenais dans la petite ville de Saulieu, où je suis né, je traînais puisque personne ne s'occupait de moi, ne s'intéressait à moi, puisque j'étais toujours livré à moi-même... et j'ai rencontré un type, un accordéoniste assez connu, que j'avais vu sur des affiches, qui m'a abordé et m'a dit : "Tu veux que je te montre quelque chose ?" 

C'était...

- Attends la suite ! Il a ajouté : viens avec moi, je vais te montrer comment on fait de la gymnastique... viens, n'aie pas peur, je ne te ferai rien de mal...

Ah ! le porc !!

- Oui, et il m'a entraîné malgré moi dans un lieu désert, entre des préfabriqués scolaires déserts et des tas de terre immenses. Il m'a dit : "tiens, je vais t'apprendre à faire des pompes !" Je n'ai rien répondu. Il m'a dit : "allonge-toi là, par terre, et fais ce que je te dis. Voilà, comme ça..."



Entre jeunesse et errance, entre vie et mort, entre le
cadavres et la loque, entre la nudité et l'apparat des gens
maudits, entre le vide absolu et le trop-plein, la plainte des
jours qui passent...

Je vois, en effet. Mais t'a-t-il déshabillé ? 

- Non, il a simplement posé son corps sur le mien dans la position allongée et s'est mis à se frotter et à faire des mouvements rythmés... comme des pompes, enfin presque.

Ah ! le vaurien !

- Au bout d'un moment, j'ai senti qu'il était trop lourd, j'ai dit : "Je dois partir, il est tard je crois, il faut que je m'en aille..." Il a insisté un peu, puis voyant que j'étais résolu, il m'a libéré de son étreinte.

Pfff! Quel malade !

- Je me posais des tas de questions, pourquoi avait-il fait ça, est-ce que c'était vraiment ça la gymnastique ? Tout s'était passé à travers les vêtements, tout était bizarre... j'étais totalement incapable de saisir le sens de tout ça...

Et en rentrant, tu en as parlé à tes parents ??

- Non, j'étais terrorisé, je ne sais pas pourquoi. Le pire, c'est que de temps en temps je voyais des affiches en ville, immenses, avec sa photo, un accordéon dans les bras, annonçant un récital public... je me demandais dans quel genre de monde on vit, qu'est-ce que tout ce cinéma ? Qui a le haut du pavé ? Les plus dangereux ? Les gens qui font de la "gymnastique" avec les enfants  dans des coins tranquilles ??? J'étais proprement abasourdi, inquiet, je m'interrogeais dans une sorte d'inquisitoire intérieur ? Pourquoi ? Pourquoi moi ? Qui était vraiment ce type ? Qu'est-ce que tout cela signifie vraiment au fond ? Pourquoi ??? POUR QUOI ?????

Ah ! mon pauvre, si tu avais compris, si tu avais pu t'exprimer à l'époque...

- J'ai gardé ce secret longtemps, tout comme celui de mon état physique... jusqu'à ce que... mais je t'expliquerai une autre fois, je suis fatigué, on peut remettre ça...

D'accord, tiens, voilà de quoi te rafraîchir le gosier.

Et je lui donnai une pièce, un peu plus grosse qu'à l'habitude. Il faut dire que j'avais la gorge serrée, car il pleurait, il pleurait comme un saule, de tout son corps, de tout son être. Et moi, je me sentais dépositaire d'un secret douloureux, encore lancinant et traumatisant.



mercredi 18 octobre 2017

Le SDF et le bisness (4)




Il faut que chacun s'apprenne à échapper à la raideur des habitudes 
d'esprit formées au contact des expériences familières. 
Il faut que chacun détruise plus soigneusement encore 
ses phobies, ses "philies", ses complaisances 
pour les intuitions premières.
Gaston Bachelard, La Psychanalyse du feu, p. 18


Alors Dédé toujours fidèle au poste ??

- Plus que jamais, Monsieur mon meilleur pote !!

Rien de nouveau sous le soleil ??? Concernant les "codes" du système que tu as découverts ???

- Ben faut savoir une chose, une petite chose, c'est que quand les gens de l'honorable société essaient de te piéger, et que ça marche pas, parce que tu détectes leur trahison, tu sais comment ils le signalent à leurs collègues de ladite société ??

Non, mais je suppose que tu vas me le dire...

- Eh bien, ils reniflent légèrement, comme ça 

(et il fait une respiration par le nez, en deux fois...)

Ah ! d'accord, et rien d'autre ???

- Eh ben, j'sais pas si t'as vu le film dans lequel on décrit une société imaginaire où on traque tous les gros, les obèses, les gens hors normes ?? Et où on les tue les uns après les autres ??

Oui, je l'ai vu une fois à la télé.

- Eh ben, figure-toi, dans notre société c'est un peu comme dans ce film, tu le croiras pas...


Noooon (je commençais à douter légèrement de sa santé mentale, mais j'étais de plus en plus curieux, en même temps, de savoir ce qu'il avait à me raconter...)

- Oui, les journaux imprimés, ils ont des codes pour décrire la personne qui "résiste" au système, qui veut pas marcher dans la ronde des sorcières si tu vois ce que je veux dire... c'est un peu le "gros" traqué dans le film... on les stigmatise par des codes qui mettent toute l'honorable société au courant de la situation, sans coup de fil -trop dangereux-, sans paroles -trop risqué-, avec les écoutes, les délations, les surveillances...

Alors là mon vieux tu m'épates, comment qu'tu sais ça ?? Tu débloques à fond je crois, dis-moi où t'as puisé tout ça...

- Je t'dirai ça une autre fois, mais sache que ''L'Equipe" par exemple, c'est du sport, si tu vois ce que je veux signifier...

Pfff !! T'as besoin d'un petit verre, toi, viens je te paie un calva.

 - Oui, j'suis en manque, je crois, je commence à dézinguer tout ce qui m'énerve...

Vraiment besoin d'un traitement, pensais-je... Et je l'emmenai au bar du coin où il a commandé... une vodka.






dimanche 15 octobre 2017

Le SDF et le bisness (n° 3)






Tiens ! Salut Dédé l'artiste !! Voilà pour aujourd'hui !!

- Bonjour Monsieur, merci mille fois, que Dieu vous bénisse !!

As-tu autre chose à me raconter de tes souvenirs ?

- Ben je sais plus trop où j'en étais vous savez... j'ai parlé des canaux ???

Non tu m'as parlé des tunnels...

- Ah oui ! euh ! les tunnels !! C'est vrai ça me revient !! Ouais il faut savoir que dans ces contrées on peut toujours exprimer son point de vue par des gestes. Avant, quand on voulait approfondir la relation on pouvait se gratter, puis se regratter au même endroit, ça voulait dire : "ça m'démange, j'ai envie de faire quelque chose"...

Ah bon ! ça me gratte alors je gratte, ça me regratte, alors je regratte...


© M. MM
- Tout à fait ! Maintenant on fait mieux : on se caresse comme je te l'ai expliqué... oui je crois que je t'ai expliqué...

Maintenant il me tutoyait... je devenais plus proche de lui psychologiquement, moi aussi.

- Oui, pour dire qu'on n'a pas envie, on se bouche légèrement le nez...

Ah ! Ah ! ça c'est marrant !! Comme si on allait en faire sortir du lait ??

- Oui, exactement !!! et si on n'a pas le temps matériel, on passe son doigt sous le nez !!!

Comme pour dire : ça vous passe sous le nez cette affaire !!

- Oui ! Et même à la télé ça se pratique, observe bien, mon ami, tu verras !!!

J'essaierai de faire attention... mais je crois vraiment que tu te trompes sur toute la ligne, à moins que ça existe dans certains milieux bien... particuliers...bon je dois y aller tu m'en diras plus la prochaine fois, d'accord ?? et moi je te dirai ce que j'ai compris de mes observations, pour voir si ça confirme tes soupçons... qui me paraissent pas mal capillo-tractés...

- Oh ! c'est pas des vérités absolues !!! mais fais gaffe !! Garde ça pour toi, n'en parle pas, ça risque de te coûter cher !!!!

Ok, compte sur moi Dédé, à la prochaine !!!!

Et je repartis, songeur, inquiet, content, tout cela à la fois. J'allais bien voir ce que j'allais voir, me dis-je...







Un empire donné...






je donnerais un empire pour que rien n'empire

les animaux en voie de désagrégation structure s'évanouissent doucement dans le lointain proche

et tous les fabricants de drogues par vaccins interposés se pâment à l'idée d'en découdre

un homme est mort sur le pavé

comme une source vitale de sentiments si blets

que tous les oripeaux de lumière étamée

semblent iriser les photographismes de l'oubli

un dard dans la peau pour toute éternité

la sensation oblongue-oblique de tant de charmeurs de serpents

une sorte de dictionnaire de rimes pour l'infiniment grand

et toute les bibliothèques de Babel dans le rift du vantail

je remise mon effroi dans les hymnes bachiques
Ajouter une légende

et tous les battements de paupières telluriques

sont des enfants gâtés à l'arbre de tes mains

je donnerais volontiers

la moitié du passé

pour que plus rien n'empire

dans la prairie du monde

et dans le despotat indépendant de l'Épire

mais casser le passé c'est atteindre l'avenir

et il nous faut ruser avec le temps qui fuit

et relire les plaisirs minuscules

de Philippe Delerm

pour construire des édicules

de véritables épidermes

sensibles à l'or noir de la nuit






jeudi 12 octobre 2017

Père, voilà pourquoi...





Mon p'tit papa, tu la voyais pas comme ça ta vie, tu la voyais pas comme ça.

Tu avais monté ton entreprise, à la fin des années 40 ou au début des années 50, le Crédit Philatélique de France et Colonies, C. Banque de France PARIS N° 048010889, C. C. Postaux Paris N° 546.261, immatriculée par le Ministère des Finances sous le n° 766.7510.90596, au Registre du Tribunal de Commerce de la Seine N° 359.091 B, Siège social : 9, Rue Fromentin, Paris, dans le neuvième arrondissement, tout près du Métro Pigalle, où je suis descendu plusieurs fois sans toutefois aller voir sur place où se trouvait ton magasin, maintenant un peu connu à travers ce blog...


Essayez de jouer les numéros de compte à la loterie... peut-être
aurez-vous un lot de consolation... © M. MM


C'était uniquement pour essayer de sortir de la misère, pour construire un mini-Empire aux portes de la Finance.

C'était uniquement pour nourrir ta famille, et tes espoirs de réussite, lesquels te faisaient vivre et te dépasser à bien des égards, toi, sans instruction, sans certificat d'études, sans connaissance approfondie du droit.

Tu faisais des contrats de souscription à 30 ans avec des placements à intérêt progressif, de 6.50 à 8.50 % par an, mais ça n'a pas plu, tu penses bien, à ces magnats de la Banque, à ces manitous de la Finance, à ces vauriens en col blanc, bardés de diplômes et de relations en tout genre (et comme le gaz à cette époque, à tous les étages...)^et tu t'es vu accusé de monter un système pyramidal, de placements où les nouveaux placements payaient les intérêts des anciens...

Tu voulais juste fuir la misère, tu n'étais pas instruit des rouages de la vie, tu venais de Treffendel, en Bretagne, tes parents vivaient dans une ferme au sol de terre battue, 

Tu n'avais pas la force physique de continuer l'exploitation de la ferme, tu voulais t'en sortir, tu voulais vivre... normalement, avec si possible une place dans la société des gens "normaux", des gens "bien"... des gens qui ont pignon sur rue.

Tu t'es retrouvé à l'ombre, tu as été emprisonné pour ton entreprise, ton avocat a été lâchement tué si l'on t'en croit, tu n'as plus eu que toi et ton faible bagage pour te défendre,  vaillamment tu t'es battu, tu as perdu contre les grands très argentés, tu as tout perdu... sauf ton courage de reconstruire : tes vignes, tes maisons, tes placements...


© M. MM
Mais quand tu es sorti de prison, tu as fini par TOUT rembourser aux gens qui t'avaient fait confiance, tu as TOUT réglé pour ne rien devoir à personne. 

Tu as gagné ta bataille - symboliquement parlant, tu t'es montré valeureux et fort, malgré tes faibles moyens, malgré tes limites et ta maladie.

Tu as compensé tes pertes, et la perte de ta santé, en faisant des enfants et en reprenant ton métier premier : coiffeur...

C'est toi qui m'as dit tout cela, mais peut-être as-tu caché des choses, je peux comprendre ça, peut-être as-tu déformé les faits, je peux accepter ça, parce que tu avais été profondément humilié dans cette affaire, tu avais été traité comme un chien, et pire même qu'un chien battu.

Je suis fier de ce que tu as fait, en cette affaire, et si après tu es devenu ce que tu es devenu, je te pardonne, de tout mon cœur, parce que tu étais, tu es pour moi un homme courageux, qui as élevé tes enfants en trimant comme un gueux.

Voilà ce que je voulais te dire aujourd'hui, mon père.







mercredi 11 octobre 2017

Le SDF et le bisness (suite)






Holà l'ami ! comment vas-tu aujourd'hui ? 

- ma foi, ça peut aller comme on dit.

T'as du nouveau à me dire concernant le bisness ???

- Ouais y faut savoir que ces gens-là y mégotent pas quand ils y vont. J'voudrais pas te causer des ennuis...

T'inquiète on est entre nous, je serai muet comme la tombe...

- Ben voilà ya kek temps qu'j'ai pas de news du beau monde, mais ya peu encore quand ils avaient fait le coup, ils disaient : "Je suis passé par un tunnel cet après'm..."

Je suis passé par un tunnel, un tunnel... un tunnel d'autoroute ???


© M. MM Le bout du tunnel...
- Parfois oui, le tunnel de l'autoroute, mais pas seulement, parce que... sur les aires, on s'arrête... et dans la campagne, ya des cabanes... enfin, tu vois.

Ah ouais je vois, les Anglais ont déjà ce système depuis longtemps. Du moins c'est ce qu'on peut lire dans les romans...

- Oui ma foi je vois qu't'es au jus d'la combine. Enfin, ils font c'qu'ils veulent tous ces braves gens, moi ça m'indiffère. Tant qu'on fait pas vraiment partie du jeu, on n'est pas sûr à cent pour cent de ses règles... J'voudrais juste te dire : te laisse pas entraîner par le courant, on sait jamais.

Ah bon, tu veux dire que je pourrais finir comme toi ?

- Non, c'est pas ce que je veux dire... non je veux juste dire : on sait jamais... c'est juste comme ça qu'je t'le dis...

Okay boy, j'essaierai de faire gaffe... voilà ta pièce pour le repas...

- Et motus, surtout n'en parle pas

Tu peux compter sur moi.

J'avais quand même envie d'en parler, voilà pourquoi vous me voyez écrire sur ce blog ces quelques propos éraillés. Et je me suis promis que la prochaine fois j'essaierais d'aller encore un peu plus loin avec Dédé.






mardi 10 octobre 2017

Le SDF et le bisness












© M. MM

Holà vagabond, où cours-tu comme ça l'ami ?
- Je cherche à fuir un monde que j'honnis, ça te dérange ?

Et pourquoi SDF sans abri, n'aimes-tu pas ce monde où tu es né ?
- Je vais tenter pour une fois de t'expliquer...

Et notre comparse, d'habitude muet au coin de la rue du Paradis, pas loin de la Canebière, se mit à déblatérer les choses suivantes, que je vous livre telles quelles :

- J'ai voyagé longtemps, j'ai usé les pavés de toutes les rues d'Europe et j'ai appris une chose : il y a un secret très important et très bien gardé dans les contrées.

Ah bon, et quel secret, peux-tu m'éclairer le lucernaire ?

- Eh bien il y a un secret que partagent un certain nombre de personnes dans un certain nombre d'endroits... je vais t'expliquer. 
Les gens qui font certains gestes, par exemple qui remontent leurs manches légèrement ou adoptent des attitudes songeuses - ça c'était avant, les codes évoluent avec le temps -, qui, s'ils ont une veste font un geste comme s'ils voulaient la fermer partiellement, ces gens en fait font une proposition : on peut avoir des relations avec eux, pourquoi pas une pipe ou un saute-mouton...

Tu es sûr ? Tu délires pas mon vieux ? T'as eu ta dose ce matin ?

- Ah ça ! Toi aussi, tu en fais donc partie de ces prostitués qui nient la réalité ??

Comment ça prostitués ? Si c'est entre personnes adultes et consentantes que ça se passe - à supposer que ce soit vrai-, qu'est-ce que tu chantes là mon vieux frère ??

- Eh bien, c'est simple, si tu es en panne de véhicule par exemple, il faut savoir "parler" avec tes mains au garagiste... et passer à l'acte dans la pièce protégée... sinon tintin, tu risques bien de te faire arnaquer : c'est pas une forme de prostitution ça ? Je te donne un service si tu couches avec moi, c'est aussi simple que ça ! Dès qu'il y a une contrepartie en nature ou en espèces... ça devient craignos c'est moi le SDF du quartier qui te le dis, j'ai fait 5 ans de criminologie...

C'est si grave que ça ? C'est pas des beurdineries ?
Tu es sûr de ça mon gars ? Et après tout pourquoi tu ne marches pas dans leurs combines après tout pas trop méchantes ? T'as qu'à faire ce qu'ils exigent de toi mon enfant...

- C'est que j'ai été châtré quand j'étais bébé. Je suis eunuque, si tu vois ce que c'est. Et tout ça ne m'intéresse pas, je suis pas une serpillière ni un torchon crado, même si je suis mal fagoté. J'ai comme qui dirait ma dignité...

Ah ! mon pauvre ! Voilà pourquoi tu uses tes souliers sur les trottoirs endommagés... de toutes les villes pas trop froides...

- Oui, je suis un gars condamné à errer parce que je suis né différent, parce que je suis privé des avantages que procurent leur sexualité sans âme, leurs relations sans amour, leurs amitiés intéressées.

Je comprends lui dis-je et une petite pièce je lui filai... avec un sentiment mêlé et un regard fuyant.

C'est tout ce que j'ai pu tirer de mon sans domicile fixe pour le moment, mais une prochaine fois je vais essayer d'avoir quelques explications supplémentaires, après tout moi aussi je suis étranger, j'aimerais connaître les us et coutumes du pays... alors suite à la prochaine rencontre : je crois qu'on va bien se marrer... à peu de frais, car ça me semble un doux délire, tout ce galimatias...




dimanche 8 octobre 2017

Père, pourquoi...





Un jour, papa, tu m'as dit : "Que veux-tu, c'est une fin de vie..."

Une fin de vie, pensai-je, ou de non-vie, un terme qui se prolonge pour une longue promenade en soi-même, une errance intérieure et externe avec comme seul but : survivre, opiniâtrement, une année, un mois, une semaine, un jour, une heure de plus, un instant supplémentaire pour une coudée d'existence solitaire... parmi les hommes.

Dans ta longévité tu voyais un signe de l'amour de Dieu pour toi, humble et obscur coiffeur auto-formé, sorti d'une bourgade inconnue de Bretagne, Treffendel, et émigré dans son propre pays...

Tu avais fait tes armes contre plus fort que toi, tu voyais dans ta vie un signe de la toute relative prospérité que le Créateur accorde parfois, comme on le croit parfois volontiers dans la religion protestante.


Une météorite visuelle... © M. MM
Protestant, tu le fus dans l'âme et dès ta Communion dans l'église dominante.

Tu ne te reconnaissais pas dans le faste hypocrite de façade d'une Eglise que tu appelais "La Catholique".

Et tu as cherché ta vie durant une religion qui fût bonne à tes yeux, suffisamment structurante et structurée tout en étant à visage humain...

Tu as cru trouver cette foi dans une religion minoritaire, mais jamais tu n'as su t'abstraire de tes expériences mystiques personnelles, pour adhérer pleinement à un corps de doctrines établi, qui niait le mysticisme au fond.




mercredi 4 octobre 2017

Petites remarques de rien...





Un enfant anonyme
Si en Martinique on pense que celui qui garde sa barbe a sûrement quelque chose à cacher, alors oui dans un sens nous sommes tous barbus, et si nous nous rasons, c’est que justement nous voulons paraître n’avoir rien à dissimuler, ce qui est le début de l’hypocrisie, peut-on dire en manière de boutade. Dixit l'imprévisible de nos replis stratégiques...



Si nos péchés étaient inscrits sur notre front, le vieux proverbe irlandais le dit sagement, nous sortirions vite nous acheter un chapeau, même si nous étions les plus justes des hommes. 

Sagement, ou intelligemment, nos erreurs sont dans un sac à dos (elles nous pèsent sur les épaules), tandis que nos réussites sont sur notre tête, ou autour de notre cou, en guirlandes mises en valeur.

Quand on ne se fait pas agresser pour nous les dérober...

Il m’a fallu bien des errements pour arriver à la conclusion que tout cela est vanité et poursuite de vide, exhalaison de l'âme et buée de condensation. 

(...)

Alors il faut trouver un juste compromis entre mémoire et vérité, entre désir de paraître (paraître, ce que j’exècre au fond) et besoin de s’exposer, fût-ce aux quolibets et aux hypocoristiques décadents de la vindicte publique.

Décadence, aujourd’hui je rime avec toi, comme un non-fumeur qui appréciait l’odeur du tabac et les tabagies des pubs (avant que la loi ne vienne mettre de l’ordre dans ce melting-pot d’émanations). 

Un air de déjà-vu, délicieux de confondante illusion, de plongée directe et désorientée dans un indéfini passé, dans l’instant précédent où notre configuration mentale, nos zones « allumées » dans l’ensemble du cerveau étaient les mêmes, exactement. 

D’où ce temps retrouvé, en décadence diraient les grammairiens guillaumistes, et non plus en ascendance, comme à l’habitude.





dimanche 1 octobre 2017

Père, pourquoi... (suite)





Torturé au fond de toi-même, papa, tu l'as été, comme tenaillé par la faim et la soif de richesses, de confort matériel, de sécurité intérieure et extérieure.

Toujours mal assis sur la selle de ta mobylette, oeuvrant par tous les temps pour un gagne-pain difficile, difficultueux même, pour des clients rassis par l'âge, dans des communes éloignées de Saulieu, Liernais, Thoisy-la-Berchère, papa, tu essayais (vainement ?) de trouver une sortie, une issue à ta précarité fondamentale.

Issue que tu as trouvé en fin de vie, grâce à ta maigre retraite d'artisan et d'ancien combattant.

Brancardier de toi-même, hospitalisé à domicile en quelque sorte à la fin, papa, tu as été le baron de Münchhausen qui réussissait paraît-il à se soulever lui-même en se tirant par les cheveux, mais toi c'est grâce aux cheveux de tes clients fidèles que tu as réussi à vaincre la pesanteur de la pauvreté.



(à suivre)