Je vois rarement un orme sans son saule
pleureur, un frêne sans son peuplier.
Et dans cette clairière où
s’allument les yeux des fauves, je perçois toute la nuit de ton
corps mort, je dérive insensiblement vers le danger présent de mes vœux
exhaussés.
Le monde est vaste je ne le visite pas. Je suis amarré,
à quai et à quia.
Les sabres creux de mes rivages se
transforment en syrtes de décadence.
Mon soupir est ras, mon espoir est
gourd.
La froidure de ton regard bleu acier me trempe pour
l’éternité.
J’ai déboulonné la misère, et me voilà rentier
de mes remords.
Je loue des appartements vides et destinés à le
rester.
Ah ! Mon cœur ! Ce vendu, ce vaurien, ce tordu. Cet incurable de ma rue...
Ah ! Cette vie délicatement effeuillée et jamais de fougue
zigzaguante dans l’aspic de mes venins.
Un sobre et douloureux dépit
me traverse l’âme de part en part, et c’est comme si je devais
mourir de ses dards.
Mourra-t-il avec moi, comme un cancer sans fin.
J’ai froid soudain.
Mon soleil se cache, ma rue se désertifie,
déjà mon hiver est là.
Sourcil et béance de souricière.
Brûler
un dernier cierge, meugler derrière l’image hurlante d’un convoi
de prisonniers qu’on transfère.
De Metz Queuleu où j'étais
prisonnier de conscience jusqu'à Fresnes pour un transfert d'un
autre type que celui psychanalytique, on m'a emmené tel un chien
menotté, le regard bas, presque honteux de ma gloire
(je suis chrétien,
c'est là ma gloire dit la chanson ; je suis témoin, c'est là
ma honte semblaient me dire les gardiens à l'unisson...)
pour mieux nous
narguer et nous rendre mesquins et vils, nous les paillassons du
monde, les crottes de chiens de la société, les moins que rien et
les presqu'envolés, les déjà plus là...
ce qui fait notre force,
c'est notre humilité, même quand on nous cravache, on ne répond
pas, notre fidélité à la République des idéaux est en général
irréfragable...
Et salvifique.
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