dimanche 30 octobre 2016

Je vois rarement un orme sans son saule pleureur




Je vois rarement un orme sans son saule pleureur, un frêne sans son peuplier. 

Et dans cette clairière où s’allument les yeux des fauves, je perçois toute la nuit de ton corps mort, je dérive insensiblement vers le danger présent de mes vœux exhaussés. 

Le monde est vaste je ne le visite pas. Je suis amarré, à quai et à quia.

Les sabres creux de mes rivages se transforment en syrtes de décadence.


Mon soupir est ras, mon espoir est gourd. 

La froidure de ton regard bleu acier me trempe pour l’éternité. 

J’ai déboulonné la misère, et me voilà rentier de mes remords. 

Je loue des appartements vides et destinés à le rester. 

Ah ! Mon cœur ! Ce vendu, ce vaurien, ce tordu. Cet incurable de ma rue...

Ah ! Cette vie délicatement effeuillée et jamais de fougue zigzaguante dans l’aspic de mes venins. 

Un sobre et douloureux dépit me traverse l’âme de part en part, et c’est comme si je devais mourir de ses dards. 

Mourra-t-il avec moi, comme un cancer sans fin. 

J’ai froid soudain. 

Mon soleil se cache, ma rue se désertifie, déjà mon hiver est là. 

Sourcil et béance de souricière. 
Brûler un dernier cierge, meugler derrière l’image hurlante d’un convoi de prisonniers qu’on transfère.

De Metz Queuleu où j'étais prisonnier de conscience jusqu'à Fresnes pour un transfert d'un autre type que celui psychanalytique, on m'a emmené tel un chien menotté, le regard bas, presque honteux de ma gloire 

(je suis chrétien, c'est là ma gloire dit la chanson ; je suis témoin, c'est là ma honte semblaient me dire les gardiens à l'unisson...)

pour mieux nous narguer et nous rendre mesquins et vils, nous les paillassons du monde, les crottes de chiens de la société, les moins que rien et les presqu'envolés, les déjà plus là... 

ce qui fait notre force, c'est notre humilité, même quand on nous cravache, on ne répond pas, notre fidélité à la République des idéaux est en général irréfragable...

Et salvifique.



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