mardi 25 avril 2017


"Ma vie est un roman qui m'intéresse beaucoup"
H. Berlioz



La vie est une romance qui intéresse beaucoup

Mais ma vie n'est pas encore un roman qui m'intéresse vraiment.

Cependant mettre de l'ordre dans son histoire est toujours utile à quelque chose, si ce n'est à quelqu'un(e). 

Terminer un ouvrage, pour en recommencer un autre peu après, c'est poser deux parpaings l'un sur l'autre, avec un peu de ciment stylistique, en espérant que cela tienne l'épreuve du temps. 

On pourrait dire que la vie est une maison, mais elle n'est certes pas une machine à habiter, comme certains architectes conçoivent leurs innovations créatrices. 

Elle se compose de dédales intimes, où nous nous perdons nous-mêmes, et correspond à certaines descriptions du Nouveau Roman, qu'on ne peut pas réellement reconstruire logiquement. 

La vie est exactement l'oubli, et la demeure même de l'oubli. 

Elle est habitée par des fulgurances d'êtres, des éclairs de voix, des débris de lumière, des échafauds rouillés et inutiles, des pots de chambre nuptiale, des oripeaux glorieux, des sirènes hurlées et muettes, des chansons (le mot qu'il ne fallait pas convoquer car il convoque à son tour un ordre) à boire, des verres à pied ou en voiture, des chapeaux haut-de-forme, des têtes à claque, des parnasses se reposant sur d'humbles paillassons, des rires et des ballades d'infantes défuntes, des lallations en partance, des timbres de Poste restante, des malles-poste venant d'une vie antérieure ou fantasmée, des résistants aux occupants squatteurs de notre liberté, des stupeurs bleues et des peurs noires, des oiseaux lugubres dans des greniers mal aérés (mais par où passent-ils pour entrer), des senteurs sublimes ou intimes, des portes qui grincent et des gonds mal huilés, des pênes grincheux et des clenches qui se plaignent, des souricières vides et des fromages entiers, des entames d'été et de sournois hivers, des livres reliés cuir et des ronds de sorcières (les serviettes en skaï sont apparues plus tard), des moments d'inattention et des rêves d'antan, des serpillières usées et des somnifères effervescents, des draps épais et empesés et des lanières de martinets (on ne peut pas toujours empêcher ces oiseaux noirs de chercher un trou où se fourrer), des tempêtes de Shakespeare et de vraies pluies d'automne, des 25 décembre neigeux et des couettes à couper, des parfums de vieux salons de coiffure et des brises légères, des octopodes médicamentés et des baleines salées, des acrobates tombés dans les filets de truites, des atomiseurs d'odeurs de champignons fricassés et des champignons à peu près atomiques ou « moabites », des coupures de journaux et des durillons d'oreilles, des houspilles en règle et des notes sans papiers, des instants d'éternité et des langueurs d'après-midi, des auspices agréables et un hospice pour les vieux cacochymes, un souffle de présence et des cacahuètes aussi salées que la note d'électricité d'un grand hôtel étoilé, des bars enfumés et du hareng au bon fumet, une cour d'école et de récré et un préau bétonné, des bakchichs mérités pour des mendiants assermentés, des mélopées déchirantes et des bobos recousus main, des calumets de la paix et des glaives enflammés, des paradis d'artificiers et des artilleurs défroqués, des escarboucles -oh ! Le vilain mot- cadenassées dans des coffrets à bijoux, des dés lancés et des pirouettes inachevées, des traversins hantés de rêves et des pantoufles toutes mitées, des orteils en éventail et des vins éventés, des noix dé-cernées qui deviennent de petits bateaux sachant voguer, des téléphones muraux et des mûres en salade, des plats bien concoctés dans un faitout en alu argenté, des « vox populi vox Dei » et des oukases d'Upanishads, des taloches méritées et des coïts interrompus, des franchement pas formidables et des presque parfaits, bref une espèce de mesclun (ou de mescla), un salmigondis d'idées fortes et un ramassis de documents sonores de toute sorte, des fossiles au fond d'une grotte, des déchets dans les poubelles de nos oreilles, dans nos orifices nasaux et autres, dans le vortex de notre nombril devenu corne d'abondance et lieu où tout a commencé à foirer, et où tout, nécessairement, certainement, absolument, doit un jour se terminer...

Quoique, aurait dit mon ami Devos...

C'est tout pour aujourd'hui !




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