samedi 31 décembre 2016

La carte qui est si délirante....




"Like any dealer he was watching for the card
that is so high and wild
he'll never need to deal another
(...)
And then taking from his wallet
an old schedule of trains
he'll say I told you when I came I was a stranger
I told you when I came I was a stranger"
Léonard Cohen, The Stranger Song


Le jeu de mots m'est souvent facile, comme si le ludion mental pouvait remplacer, chez Lacan version supermarché ou supérette, la vraie pensée. 

Celle qui génère.


Que reste-t-il après coup ? Un signe de la main, le caractère voisé d’une syllabation laborieuse. 

Le sentiment d’une boiserie dans la vieille maison de mon enfance. 

Le pourtour évasé du sourire des choses.

Je prends souvent conscience de ma petitesse, de mon trublion intérieur, qui m’injecte des suggestions didactico-drôlasses, par autant de canaux qu’une radio libre dans la bande passante. 

Et quelle passante patiente dans la rue qui chante ! 

(...)

Adieu les armes simplissimes et les motus carrés. 

Mon orbe est cent villes et mon monde est poterne. 

(...)

Mes ratiers sont sur pied et le fourrier en chef aussi. 

Il prépare dans l’ombre un coup dur et une rude besogne le tient attelé à sa maçonnerie d’hyménoptère hypnotiseur. 

Solitaire. 

Dans la famille des guêpes, je demande la maçonne. 

Un rien de soupçonneux arrivisme lui (me) donne envie de dégainer plus vite que tout le monde. 

Comme Lucky dans Beckett (En attendant Godot) il reste attaché à son ombre, à son nombre, à son nom.

J’ai de la chance me dis-je parfois, car j’ai tiré la "carte qui est si délirante" comme dans la chanson de Léonard Cohen, qu’elle vaut toutes les autres et bien plus que cela. 

Et que je n'aurai donc plus jamais besoin d'une autre...

Sauf si...




mardi 27 décembre 2016

Et le désert avance...




Écris sans avoir rien à dire, me souffle le vent, n'écris que pour la beauté du geste, pour le doux délire de vivre un peut-être d'éternité. 

C'est comme si j'avais avalé par mégarde un champignon hallucinogène, une sorte de détrompe-la-Mort avant l'heure, un hémicycle de députés dépités en proie à une fébrile agitation (j'allais écrire « adoration » : c'est que le centre les regarde, et que, insensiblement, il les attire ; il faut un point focal à notre déraison même parlementaire). 

Nous voguons sur une mer souvent démontée, souvent en colère, sans Jésus qui dorme au fond de la cale, sur un oreiller, capable de se réveiller et de calmer les impétueux flots cérébraux. 

Laissons nous donc emporter jusque là, où l'incandescence est vivante, comme un œuf déposé dans un autre œuf, qui se perce et éclate et berce le néant du devenir gérant. 

Et peut-être demain le mystère s'éclaircira qui vibrant et têtu empoisonne le fétu de nos râles.

Il mesquin qui me semble. 

Qu'avant j'avais des idées, que soudain quelque chose s'est figé, en se brisant, sans éclats, sans débris, sans rien en fait. 

Une fausse persévérance aux ameublements hautains. 


Je ne suis pas écrasé, mais je m'écrase. 

Je ne suis pas boueux, mais je m'ensable, je périclite, je m'envase. 

Mes paroles sont tristes et mon cache-col vissé est synthétique. 

Ecclésiaste des mots, je me dépatouille comme je peux, rameutant leur troupe dispersée et volage, dansant comme un gymnaste déréglé et (dé)porté par le courant, sans courtepointe dans le déchaînement de leurs forces contraires, au fond de ce vaisseau aux mâtures inverses. 

Je mure mon silence dans notre conversation. 

Je me cogne contre la vie, comme auprès d'une source sous-marine, où vibrent et remuent des êtres aveuglés par tant de ténèbres.

Mon art ne subsiste que dans mes allumettes grillées, semble-t-il, au fin fond de mon âme esseulée.

Avec comme programme : connaître l'humain. 

Cet humus qui respire, ce terreux qui décolore la vie et qui nous encolère parfois. 

Quoi, cette vaguelette, ce rien, et cet impact de météorite au beau milieu d'une terre désertique.

Car le désert avance !



samedi 24 décembre 2016

Prisonniers de l'Espérance...






Il faut reprendre la plume.

Il faut pleuvoir, se laisser implorer par le blanc des yeux de Béa, par les limites, les frontières, la porosité aidant, pour finalement aider à l’accouchement sans douleur, en douceur, du petit baby (His Majesty the Baby, comme disait Freud) qui roulera les mécaniques avant d’avoir ses 18 ans, enrubanné de mille feux, et buvant à pleines gorgées le whisky de la jeunesse. 

Mais rien ne vaut l’intérêt brut, l’intérêt avec ses arrérages, avec ses dépendances.

Ernie sera-t-il libéré ? 
Il semble que se concentre sur lui le transfert des politiques et d’autres âmes dont je suis partie, pour souffrir avec lui, à ses côtés, dans l’horreur qu’il subit depuis tant de jours.

Le temps passe et sa santé se détériore, la vie en brousse est intenable, j'en sais quelque chose, que dire face à ces bourreaux insensibles, qui arrosent le monde de hontes et retiennent en otages des milliers et des milliers de personnes ? 

(Les prisonniers de l'espérance, selon l'expression du prophète, sont, peut-être, les derniers embastillés du monde.)

Je suis atterré à l’idée que des gens, des humains, soient aussi incompréhensifs face à la souffrance morale et à la solitude de leurs otages. 

Comme s’ils ne prenaient pas soin de leurs orteils à eux, puisque ces "otages" leur donnent une assise, un équilibre dans la terreur, dans la guerre sans merci de leurs factions irrédentistes.


Il me faudrait écrire mieux. Ne pas renoncer, ne pas renouer avec le passé crépusculaire, avec les sens interdits de l'arrière-garde.

Libérer les otages qui sont en moi.



jeudi 22 décembre 2016





Comme un reflet penché sur le rivage du monde, il y a l’insoumise qui nargue les nuages, il y a l’intruse et la reine volage, et nous sommes arrimés à nos simplicités… 

Le moteur tourne mais à vide, et nous pataugeons plus qu’autre chose dans le vitrail marécageux de nos regards. 


L’orme de l’amour est atteint d’une maladie rare et d’une épidémie mortelle, il s’étiole en gémissements contenus, en grincements de tronc noueux et en écartèlements de silences ajourés. 

Les feuilles sont-elles encore vivantes qui bruissent d’un dam et d’une souplesse feinte. 

Les fruits sont gangrenés de cet ego qui fuit à l’approche du vent. 
Je suis tétanisé, et l’armoire est fermée. 
Elle recycle le tronc, avec des palissandres qui jouent, tendres clepsydres, à meubler l’infini de nos vertes allées et venues.

Aller retour sirotés dans les gares sans visage, revenus bien tassés dans l’ensouple des tisserands, navette et aussi pour l’aéroport, comme une robe tissée à travers le temps et l’espace pour décider le monde. 

Un subit entendement récite nos pouvoirs de poussières et nous sommes escaladés par le déclin des graves. 

mardi 20 décembre 2016





Je vois ici, à la Brioche Dorée, des joueurs de cartes. 
Ils gagnent du temps sur la vieillesse, ils se dispensent par des gestes stéréotypés et immémoriaux une sorte de remeil, un havre de chaleur humaine dans le froid sans morsure qui vente au dehors. 
Il faut bien faire défiler la vie, comme une bobine de film moyen, et se laisser bercer par la musique d’ambiance, se gorger d’impressions neutres dans un monde hautement engagé et par là même agressif. 
Les cartes sont des alephs, tout se rejoue dans cette distribution aléatoire des rôles, des atouts, des possibles. 
Je bois mon thé, il est trop chaud je crois. 
La mainmise sur le capital est individuelle, mes pauvres économies se perdent dans l’inassouvissement de mon cœur transi. 
Les locomotives sont des gauleiters et des leaders d’opinion. 
Rien ne sert plus de raisonner, de se torturer à essayer de comprendre. 
Sur les tables de parfaits inconnus au visage pourtant familier (nobody is perfect, disait hier un ami), se succèdent avec leur petit paraphernalia, leur plateau égal à lui-même, leurs habits à défaire et leur regard autistes. 
Nous sommes les jouets de la vie, des dieux capricieux nous mènent dans un train (j’avais écrit un tarin) sur leurs barques qui jouent aux tamponneuses. 
Je crois que nous ne sommes jamais libres, parce que nombreux. 
Notre métier, notre devenir, notre vie, sont hasard. 

Le thé est maintenant à température idéale pour ressentir le doux parfum sur le voile du palais. 
Les heures se mettent en tête de faire la queue leu leu. 
Mon amie est loin, je ploie sous les éthers de prosaïsme que cela signifie. 
Est-elle perdue, et alors je suis meurtri. 
Son amitié m’est si chère. 
Les vents contraires me contrarient, mon souvenir est blessé et je suis incertain. 
Et que devient-elle, si volage et si pleine de non mystères, poétesse prêtresse. 

Que puis-je faire pour aider ? 
Que devenons-nous, où allons-nous et quelles misères nous guettent ? 
Au fond des tiroirs qu’on racle, il n’y a plus qu’une crasse épaisse qui cache à moitié les lignes du bois : c’est que nous sommes faits (tels des fromages, tels des rats, ou telles des œuvres ratées ?) et
La courtisane Rahab fait échapper les espions envoyés par Josué... attribué à Matteo Rosselli (sans doute par erreur)
qu’un soupçon point, avec insistance, mais sournoisement. 

Que penser, tout est si clair en fait, tout se fabrique des raisons, et la tristesse aussi. 
Elle m’envahit comme une petite marée, elle m’investit comme une taupe envahit ses tumulus d’évacuation. 
Je dérive, insensiblement, vers des terres d’élection. 
Je vote avec mes pieds. 
Mon rot est un regret, un remords riche d’inconscient. 
J’écris, peut-être pour oublier les tirades d’Olympes dépassés par d’autres Olympes, détrônés par des monts plus hauts, plus forts, plus habités, plus orgueilleux donc.




samedi 17 décembre 2016

Comme les pleurs étouffés par les rires des vauriens





Comme un enfant meurtri par une gronderie infondée
comme un prisonnier de conscience qu'on ne va pas visiter
comme un manteau de laine mité par toute la pauvreté 
comme un rideau taché d'avoir été trop touché

comme un rideau de fer qui se refermerait


comme l'étoffe du vrai enflammée par la honte de l'immonde
comme un être brimé par la paranoïa du monde

comme une étrange et belle étrangère qui vivote
comme un regard croisé dans la rue des pleurotes

comme un oiseau blessé au cœur de l'instant
comme une maman dont on aurait meurtri l'enfant

comme un sosie lynché par l'erreur de la foule
comme un cheval fourbu dans la fange de la nuit


comme un prêtre égorgé à l'autel de la haine
comme une sentinelle qu'on ne vient jamais relever

comme une maison hantée de souvenirs épais
comme un rire détonant dans la cathédrale des gisants

comme un sobre matin dans une aube égarée

il te reste demain et le temps à tuer...



vendredi 16 décembre 2016

La Matrice d'un Monde





« Qui sait ? Peut-être un peu d’or dans ces notes ? »
Roland Barthes


De prime abord, quand j'essaie consciemment d'y penser, au-delà de l'imaginaire fixé plus tardivement par les images qui s'accumulent, les traits de ma mère m'apparaissent tels que sur la photo de sa carte SNCF  (réduction de 75%) pour famille nombreuse. 

C'est celle qu'elle m'a laissée quand elle m'a quitté, sur mon île perdue dans l'Océan Pacifique.

Dire qu'alors elle faisait jeune, 40-45 ans, une misère cachée, un visage serein.  
Titien, 1555


Elle est en noir et blanc. 

Quelques ridules dans le regard, celles peut-être causées par l'importance de son rôle, de ses responsabilités familiales et filiales. 

Car imaginez un peu : élever 8 gosses sans machine à laver, sans argent que le maigre pécule donné par papa pour la semaine, c'est un défi qu'elle a dû relever avec la conscience aiguë et révoltée qu'il ne saurait en être autrement, que la vie l'emportait avec elle, tel un impétueux torrent, un puissant train en plein élan, incontrôlable et mugissant. 

Son regard, un peu vide dans mon souvenir, empreint d'une douceur de catéchiste imbibée de l'importance de sa mission, avec ses livres à portée de voix pour ainsi dire, avec ses espoirs d'une vivacité je pense sans cesse renouvelée. 

Elle, tout entière dans cette demi-présence, étonnante de beauté et de sérénité, le visage légèrement rond, les cheveux bouclés et d'une grande et belle abondance, tel un visage de Joconde demi-moderne (c'est ainsi que je la vois), avec un sourire à peine prononcé et un peu crispé, et cette pudeur, cette retenue qui lui barrent la gorge et se tiennent dissimulées dans ses traits d'énigme, de questionnement lancinant, dense, tendant inexorablement vers l'absolu. 

Françoise Dolto pour moi, sans la science de l'enfance. 

Ou alors la Mater Dolorosa du Titien dans son élan religieux et ses mains jointes, comme emportées par la prière vers une union sacrée.

Une espérance mutique, dans ses yeux bleus - alors que ceux de la Mater du Titien sont bruns - bleus mais d'un terne magnifique.







mercredi 14 décembre 2016

Ressuscitation....





Ce rire est un rythme, 
                  ce rythme est un chant, 
                                   ce chant est un chœur, 
                                                   
                                                       ce cœur est solide. 


C’est comme une prière. 

Laisser doucement pénétrer la vie dans les artères coronaires, dans les aortes pulmonaires.

Hilda est en réanimation, 

                                     elle est sur le point de revivre.





Il faut lui téléphoner.
                                           
                                     Qu'attends tu là
                    à bader...
                                                                 tu l'aimes redis-le 

                                                lui

             même si elle n'entend 

                                                  qu'à demi...





jeudi 8 décembre 2016

Écrire, écrire, écrire, et si c'était ça le but de la vie, écrire avec son ADN en le reproduisant, écrire avec sa pollution nocturne en conduisant la voiture, écrire par le dépôt qu'on laisse en liasse dans les WC, laisser des choses derrière soi, donner sa vie et son temps à ces occupations nécessaires et pourtant futiles, mais qui décrivent des pans de vie, des bouts d'histoires dans le déroulement autrement monocorde de nos 30000 jours.

Écrire.
 Écrire. 
Dire aux autres ses ennuis, ses peines et ses alibis, tracer des lignes rapidement tout en prenant le temps, ne plus tuer le temps mais plutôt l'habiter, l'amadouer, le forclore dans tout son folklore -inévitable assonance que je dé-pense - des minutes du tribunal qui dansent devant soi avant de se jeter à vos pieds en falotes évincées.

 Ce que la vie peut avoir de triste, ce couteau énigmatique sur ma table (quel sera son destin de couteau) ou cette hirondelle qui fait son nid sous ma fenêtre, ce que la vie de ce côté a peut-être de plus beau, le retour permanent ou du moins récurrent de l'invincible joie, cette joie qu'on entend à tue-tête dans son jaillissement intérieur, une pulsion dirons-nous, une citerne qui tout un soudain déborderait (bubbling forth) et remplirait la pièce où le moi a l'habitude de résider, entre deux oliviers ou entre deux réservoirs. (C'est le devenir bipolaire du monde qui m'inquiète. Entre les sports divins et divinisés et les guerres fratricides, urbaines ou claquemurées.)

Ainsi on peut retrouver sa vérité, la cajoler, la déminer de tous ses fatras endémiques et stériles qu'on lui assène par tous les diables du système et de ses médias.

samedi 3 décembre 2016

A la recherche de l'arche perdue...



"Je n'oserai jamais prétendre que je possède la vérité. (...) Personne ne peut par ses propres lumières atteindre la vérité ; ce n'est que pierre à pierre, avec le concours de tous."
- Léon Tolstoï - LA GUERRE ET LA PAIX



Cette implacable (et devineresse ?) incomplétude, elle se traduit par mon sentiment de creuser les entrailles de mon disque dur, sur cet ordinateur qui se cabre sous mes doigts, sans jamais trouver une fin, une fin heureuse, une conclusion ou un conclure qui ne soient pas temporaires, exigus, mesquins, rétro- ou introspectifs.

S’il suffisait de prendre un café, un morceau de sucre et un verre d’eau dans un lieu improbable ou habituel pour, tout un soudain, se mettre à bien écrire, à peindre, à dépeindre, à bruire ou à ronronner comme un moteur de voiture racée, élégante, sportive, raffinée presque, ça se saurait ; ça ferait des émules. 

Il y aurait des milliards de blogueurs, des milliards de scribouillards et/ou écrivains, des milliards de journaleux et/ou journalistes, des milliards de pasticheurs de la nature et/ou de poètes créateurs de la vraie ville. Celle qui a de solides fondations.

Le dépassement du quotidien, de l’impossible quotidien, dans un thé au citron, ou au jasmin, ou un thé rouge comme teinté du sang des âmes mortes au pied de l’autel. (Pour quoi ?)

Non, ça se saurait. 

Donc. 

Avec. 

Si. Comme si. 

Une épée dans l’eau. 

Un cygne empaillé.

Ce soir. 

A jamais.