vendredi 25 novembre 2016

La pluie tombe sur la Turquie




Jeudi d'ennui et de mortification. 

Jour où la pluie descend le long des vitres, où dansent les reflets sur la peau mate de la vie, replète de satiété creuse et d'ennui créatif, comme embaumée de torpeur calme. 

Je suis là, tu es là, nous sommes à bout de course, n'est-ce-pas, enfumés par la broussaille de nos barbes ou cheveux, les yeux embués de demi-larmes, dans le semi-deuil de nos années perdues, dans le vitrail au bleu profond de nos globes protubérants et riboulant encore comme des billes dans un flipper suranné. 

Pierre Subleyras, Moïse et le Serpent d'airain, détail,
Musée des Beaux-Arts, Nîimes

Nous sommes visités par deux abeilles au calme doux, à la suave haleine de notre café. 


Comme revenus vers la campagne duveteuse, aux rythmes lents, sans saccade, aux danses en habits traditionnels, menuets éclos dans les après-midi comme des œufs qui laisseraient - enfin – échapper leurs oisillons curieux de tout. 

Le serpent d'airain nous sauve de la pétrification létale.

Nous sommes fous d'amour, fous de tout. 

Deux enfants au cœur du monde dérivant tels des filets qu'on récupérera un jour dans l'assaut des vagues du littoral. Ou sur la Place de Grève.

Un soupçon, l'ombre d'un doute, le bord d'une mer en effet, et nous nous armons de la patience vaporeuse de notre cafetière, comme si nous étions nous-mêmes mauvais percolateurs, engins troubles entre le blanc cassé de la vie et le noir épais du café à la turque.

Je te laisse à tes rêveries sans fin, sinon celle de ton regard figé sur le poteau entouré du reptile.

La décision te revient.



jeudi 24 novembre 2016

Les Vertèbres Du Front...




"... elle tendait à mes lèvres son triste front pâle et fade sur lequel, à cette heure matinale, elle n'avait pas encore arrangé ses faux cheveux, et où les vertèbres transparaissaient comme les pointes d'une couronne d'épines ou les grains d'un rosaire... " - Marcel Proust, Du côté de chez Swann, Combray (le narrateur raconte la visite chez la tante Léonie)



Ah ! Vertu du décor mat et des ramures verdoyantes dans leur noirceur mirobolante et torve. 

Simple rigolade ou douce fatalité. 

Les mots viennent sans peine à qui a déjà beaucoup peiné pour les trouver, forts de leur maturité théologale, dans les textes sacrés des religions syncrétiques. 

Car il y a une religion pour chaque auteur et un autour de la religiosité dans chaque grand texte. 

Suis-je bien à l’aise dans cet aluminium froid où penche mon stylo. 

Il manque la dernière vertèbre à ton front d’invétéré vertébré. 

Alors je me mets à picorer comme une sittelle, j’y vais de mon crayon, de ma faible plume, je martèle avec ce bec pour faire sortir la pulpe, le sens secret, le chas de l’aiguille trop fin pour la grossière filasse de ma pensée. 

Jamais cela ne tiendra en un livre. 

Je serais ennuyeux, je crois, mon texte serait plein de redites, autant de coups marqués au jeu de tricotage de mes pattes de mouche. 

Je serais imberbe comme le prophète rasé à moitié par ses adversaires, humilié pour défaut ou manque d’humilité. A moins que je ne sois le soir ingambe d'un empire moribond.

Car au fond, l’orgueil mime l’humilité, et il est un hommage à cette petite (petite, à son idée) et falote (selon lui) vertu si sympathique.

Car nous sommes tissés, nous sommes pétris, nous sommes formés d’infamie, dans son sens premier. 

Notre petit rire égocentrique se love dans les qualités et la tolérance des autres, se pelotonne dans les lacis de nos enchevêtrements mutuels. 

Nous les humains hurlons de douleur mais en taiseux, toute la vie est forte de souffrance, l’habitude à cette souffrance est fatale à notre liberté, semble crier notre cœur meurtri. 

Rose et épines que nos silences dribblent et que nos doigts effeuillent (épétalent) machinalement. 

J’aime ce thé. 

Mais la force de nos prouesses, c’est la faiblesse de nos cœurs. 

C’est l’églantier qui donne naissance à la rose. 

C’est Mendel qui fait les OGM, tellement comprendre c'est manipuler. 

Nous fleurissons nos tombes, à défaut de flétrir nos usages, et de friper nos visages nous mène à cette beauté subtile de notre plus grand malheur : qui n’est qu’une philosophie, celle d’apprendre à mourir. 

La mort en je, comme une image en je*. 

Le regard en je est une sentence de petite mort... ou une bénédiction de vie ? 

La mortelle intens(t)ion tue le petit fretin de l’extension. 

C’est une ressource propre.

Je pense et je divague. 

Ce n’est pas là renouveler le mot, le monde du mot. 

C’est piétiner allègrement les galeries et les bandes-son (assez plates souvent) de Sa Majesté des Louches.

Mauvaise pioche. 

Je pense donc je... je perd le sens secret, anagogique, de mes années aussi bien que le vocable familier et la phrase bien née. 

Ce serait un peu de fleurs séchées autour de mon gilet de sauvetage. 

Que de paroles vraies restent cachées en moi, qui demandent l’humidité de l’encre pour s’épanouir, grandir, se multiplier. De paradis artificiels point n'est besoin pour transmuter le monde des artifices que propose la société moderne.

Que tout se recrée, c’est un désir tu en moi, que revienne le temps des épousailles du mot et de l’idée. 

Créer, voilà bien le 'merveilleux malheur' inhumain dont l’absence est encore plus grand malheur pour l’humain. 

Humanité de nos cicatrices ; perversité (voulue ?) de nos enfantements. 

Idéations. Tout paraît qui doit disparaître. 

Et les journaux sont le ricin qui pousse sur la tête des Jonas modernes. 

Ils se dessèchent par le vent d’Est, et l’homme se morfond au creux de son bonheur triste.

Rivière, rivage, révolte cyclique de nos âmes délitées. 

Je parle de gypaètes barbus et de chats-huants. 



Alors je carapate les automnes épars et irradiants, et là vient terminer l'arrière-monde.


Deux morts de plus sur la Grand'Route de l’oubli.


(Ave Imperator Morituri te salutant+)


* Une image en je en publicité est une photo ou portrait dont le regard nous interpelle directement.

+ Ave Empereur, ceux qui vont mourir te saluent. (Paroles des gladiateurs dans l'arène quand ils officiaient devant César...)



vendredi 18 novembre 2016

J'ai pleuré la passion-étincelle




        J'ai pleuré la passion-étincelle
Mirage d'un passé sans gazelle

           La moelle de ses allées
                      Est sèche à tout jamais

©AW?
                     Ton cœur part à vau-l'eau
    Comme un dessein escargot

                                  Forêt tant défrichée 
                Figures de ton attrait

                    Mon oiseau c'est l'espoir
       Toujours parti jamais revenu

             Loin loin là bas en des contrées noires
       Qui restent encore inconnues

Depuis toujours je t'attendais


mercredi 16 novembre 2016

Un bon pour écrire... dans une chambre à soi.




J'ai un bon pour écrire
C'est un bon de transport

Pour changer le décor
C'est un bon du Trésor

J'ai un bon pour écrire
C'est un billet plus doux
Que le plus bel empire
Un billet du redoux

J'ai un jeu d'écriture
C'est un brouillon fêlure
A ceux qui n'ont pas pu
J'en suis encore ému 

Un dessin magnifique
L'orchidée épiphyte 
Aux corollaires si fous
Dans le temps des gourous

J'ai un bon pour écrire
C'est un bon de transport
Pour changer le décor
C'est un bon du Trésor

Ai-je le don d'écrire
Pour d'autres rendez-vous 
Ce parfum de délire
Dans le temple aux joujoux


dimanche 13 novembre 2016

Du point de vue d'un spermatozoïde malchanceux...

Ce que j'ai vu à la Bibliothèque publique d'information, la BPI du centre Beaubourg, à Paris, m'effare sur le moment et m'enfonce un peu plus dans mes réflexions : 

tant de cerveaux qui s'allument, travaillent, qui tentent le coup, leur coup, leur chance 

(pourtant, je n'aime pas ce mot qui masque et dévoile l'aléa, le hasard, la contingence, le coup de dés, le choir, le surseoir, l'involontaire sursaut, sais-je encore) 

qui cherchent leur place dans la corne d'abondance de notre "affluent society": 

un peu comme la valse sans hésitation des spermatozoïdes dans le vagin vers l'utérus : 

beaucoup resteront sur la touche, s'écraseront contre une paroi en s'étiolant, sans parvenir à féconder l'Esprit. 

Nous sommes dans une impasse, et nous régurgitons nos aperceptions prédigérées, nos instincts inscrits quelque part, peut-être dans nos gènes, peut-être dans l'épigénèse, nos préformatages de conduites autorisées et le plus souvent autarciques. 

Car tout nous détermine, et se croire libre est un leurre, un de plus dans la panoplie séraphique de la vie sauve. 

Nous nous heurtons aux sirènes et aux Piliers de la création, aux sept piliers de la sagesse, aux "socles mortaisés" de la planète et ils nous incommodent, nous font reculer, déguerpir même, et nous condamnent à la résipiscence. 

Notre devenir, un rien l'escamote, notre futur est barré d'infranchissables horizons, notre petitesse de spermatozoïdes vainement agités nous écrase.

Argutie de première classe, chanter son malheur c'est rallier les imbéciles, en hochant la tête, en opinant du bonnet rouge (avant qu'ils n'existent en Bretagne...), en signant la Pétition. De Vaclav Havel ?

Lettre morte dans l'infini des hameçons, ceux qui nous précipitent dans l'absence de vie, avec la célérité des événements inattendus (parce que parfois trop longtemps attendus). 

Nous sommes happés par une machine infernale, un engrenage sans fin, une déchiqueture nous minusculise. 

Nous émascule. 

Ou nous dé-féminise (comme par une excision criminelle). 

Nous sommes à l'abri dans la paroi ou sur la muqueuse. 

Mais cette sécurité préside à notre fin, à notre débandade. 

Nous circulons dans le couloir de la mort, comme dans les allées de la morgue, avec un filet de morve au coin des lèvres, hagards et hébétés. 

Nous sommes cernés par le non-être, la camarde (camarade...) et nous l'apprivoisons à grand-peine à force de supporter, de fréquenter, de tenter d'incorporer, donc de phagocyter les entourages de la gueuse. 

Hideuse et fatidique gueuse. 

Pleine de tourments et de lueurs toxiques, quasi méphitiques.

Celui qui seul peut vaincre tarde-t-il tant ?


jeudi 10 novembre 2016

De la tectonique terrestre




Le symbolisme de la croix est immense, sempiternel, entièrement absorbé ou adsorbé par diverses cultures et cultes...

Cathédrale Saint-Étienne d'Auxerre (89), je crois...©MM

Il y a la croix ansée, symbole de vie, des Égyptiens.

Il y a le svastika, la croix de St André, la croix des chrétiens, celle des protestants avec la colombe en dessous... que sais-je encore ?

Tout cela est déjà connu, analysé, débattu depuis fort longtemps, dans le pré verdoyant des cultes lentement stratifiés, quasi géologiquement, qui se sont développés au cours des milliers d’année d’histoire humaine. 

Il me reste à tenter de perpétuer le vouloir inconscient de la ligne historique de ceux qui croient (tiens ! encore une phonie semblable à un symbole), il me reste à contresigner d’une croix, moi l’analphabète insoucieux, le matériau de mes illusions-dérisions nacrées. 

Le thé a la couleur de la vérité, la substance chaude et liquide du volcanisme le plus primaire, qui participe de la tectonique somptueuse des villes en gestation. 

Rien ne sert de t’aimer plus fort que les autres, dérive des continents. 

Rien ne sert non plus de trembler à ton approche et tes phénomènes de convection mènent à la subduction et à l’arasement des cratères météoritiques anciens, tous enfouis depuis belle lurette. 

J’aurais aimé parier sur ton dos, la terre, que des cataclysmes t’agitent en tous sens, avec panache et le brio des artistes complets. 

J’aurais voulu te prendre à bras le corps et faire l’amour avec toi, courbé sur ton échine et aller dans l’orbe de ton pas ramasser une figure triste comme la lune et au miroir de ta belle eau me retrouver las, las, las mais heureux de te connaître et de t’aimer. 

J’aurais alors mimé ta titubation éternellement immobile, j’aurais bu autant que tu l’absorbes, j’aurais gagné à te connaître, à vivre sous ton pouls, au régime de tes années de morne dictature. 

Car tu es fasciste, la terre, comme les mots sont fascistes lorsqu’ils s’organisent dans le langage. 

Tu nous soumets à ton joug d’airain, tu nous mates et nous fais pion sans initiative et sans force intérieure sur ton échiquier.

x


mardi 8 novembre 2016

“秋在北京” ou l'Automne à Pékin

危机*

"The Chinese use two brush strokes to write the word "crisis". One brush stroke stands for danger ; the other for opportunity. In a crisis, be aware of the danger - but recognize the opportunity."  John Fitzgerald Kennedy


L'automne                  à Beijing                           me fait                                saturer

                             je préfère                                         et de loin

            le printemps                                                faux bourge'
                          
                    la sueur du temps
                       
     et l'amie farouche
                         dans les transports 

en commun

                                                                                                (il faut avoir pris

dans les Hutong      

à Beijing          les cyclo-pousse

                          pour les hoquets                        

 les soubresauts                  les halètements    quasi métalliques

                                      comme un colis voyageant                      dans la soute

d'une ancienne malle-poste)                                                    et les mandrins                                               qui déboulent                assassins... ?

                           dans le roman               jamais ouvert                       du castor

              par à travers                        la page immense

                                       félicité                                           imméritée

          ou mesurée                            selon le lien

               il faut rêver à d'autres soins                         à d'autres foins

            pour dormir serein                      dans le chagrin

                 mesquin

de l'Armorique 

déboussolée



“秋在北京” “Qiū zài běijīng” L'automne à Pékin, roman de Boris Vian
危机 Wéijī (prononcer Oueïti), "crise" en chinois simplifié

samedi 5 novembre 2016

Comme si....




          Comme si...

crois être un blanc-bec, 

le reste d’une opération arithmétique, indivisible et sans postérité, 
irréductible et hispano-breton, 
plein de cette verve qui vient à celui qui paraît être, mais qui n’est pas.

Souviens-toi d’une drôle de guerre, entre les mots et toi, un retour impossible à la ligne, 
une faim de non-recevoir dans l’aréole d’une faim de monde. 

Le prurit du prétérit, le prétérit du prurit. 

          Comme un oiseau accablé de fatigue, au bord du fossé, une sorte de voyageur sans bagage venu d’un Canada lointain et symbolique. 

          Ton cœur est abrité dans le cœur de l’arbre mou, 
dans le centre de la terre, 
ligneux comme le bois des résineux de la résilience, plein d’une montée de sève sans sa pareille au fin fond du fibrome argileux de la terre.

          Je n’ai rien que d'ordinaire. (Comme si...)

         Seulement un vide sépulcral, 
une sorte d’abysse sans vie connue, 
un trou noir gros comme une graine de moutarde, de quoi transplanter des arbres intérieurs dans le ventre du monde. 

Et qu'est-ce qu'une graine de moutarde qu'on ne laisse pas monter ? Elle n'est pas à elle seule assez de matière pour en faire un pot...

          D’ailleurs il n’y a rien d’extra-ordinaire dans l’écriture, c’est le vélo crevé de l’imagination. 

C’est la panne de réel dans le creux du moi. 

Le creux est peut-être encore enfant aux libres saisons, comme enchanté par le tain des mots,
tétanisé et hydrocuté par le fleuve des occurrences, jamais semblables et toujours pareilles. 

Cime de la déraison, oripeau d’une flammèche brisée. 

Tout tourne autour des mots, ce sont des entonnoirs à matière, et des réflexions de parloirs vides. 

Écho des conversations évanouies...

En fait, je ne peux vivre sans eux, sans la parlure givrée et ses guirlandes sans fin. 

Un tournis, une sorte de vertige me saisit quand je les lâche, 
et donc je suis accro avec ou sans un deuxième c en ultimatum. 

Car il y a échancrure et chancre, il y la raison écrasée de ton désespoir, le poplité de tes déhanchements.

Tu as peut-être le rythme de la vibration de la vie, garde-toi dans le nœud de l'arbre que tu deviendras.



jeudi 3 novembre 2016

Complainte de l'agnostique


"Je suis le proscrit qui se voile,
Qui songe, et chante, loin du bruit,
Avec la chouette et l'étoile
La sombre chanson de la nuit. (...)
Oui, mon malheur irréparable,
C'est de pendre aux deux éléments,
C'est d'avoir en moi, misérable,
De la fange et des firmaments !"
V. Hugo, A celle qui est voilée
Les Contemplations.

"The end of all things has drawn close." 
"La fin de toutes choses s’est approchée."
1 Peter 4:7, NWT 


Comme un sourire dépasse le visage des choses.

Un rictus flaccide empreint d’une pincée d’amertume saumâtre.

D’un souci laiteux, cotonneux, sans aucune finesse finalement.

Sans pardon. 

Les aubes méritantes sont des arêtes dans ma vie. 

Et ainsi vint la fin. 

Pas de mots pas de cris. 

Un chuchotis peut-être, une ridule dans l’été calme, étale, sans fin. 

Mer d’huile et de tournesols fatigués. 

Un jeu gratis et on se barbe sans retour à la case donjon.

Vérité prisonnière. 

Vaste blague à tabac qui circonscrit le mensonge avec une contiguïté certaine. 

Comme une sorte d’affinité et de copinage sans maniérisme pérenne. 

La mer, je l’ai vue à l’instant, véritable et têtue, comme les faits. 

Elle danse et chante le monde avec une manière de slogan envahissant, sourd, presque aveugle. 

Une rare trace de pattes palmées parsème le littoral déserté par le populo frileux. 

Une rime sans finalité, seule à résonner avec son image, avec elle-même. 

Comme si elle était célibataire. 

Un soupçon de beauté sur ses jambes dénudées. 

Une espèce de reste de charme sans faveur qui était, c’est visible, l’apanage courroucé de la jeunesse. 

Je suis dans l’entre-trois. 

Entre les troncs nerveux, la cime de l’arbre. 

Et l’espace instantané de l’interstitiel. 

L’amie qui versait la beauté au compte de la flatterie caressante. 

Une sibylline noirceur, un monstre sans tête ni corps, une sorte de baobab de la Contrescarpe. 

Pourquoi nul peut-être, en tout cas pas moi, capable de saisir les profondeurs sans fond de ses errements. 

Faut-il boire un tonneau entier de bon vin pour oublier le non-sens apparent de la vie. 

De la vie tout court, toute crue. 

Je sais que je vais faire hausser les épaules de certains croyants, 

Mais regardez autour de vous : tous ces insectes, tous ces animaux, toutes ces plantes qui hurlent leur douleur et leur fin qui approche.

La vie leur est ôtée comme un linceul souillé.

Est-il plus tard que je ne pense...
(...)

On a volé le journal ce matin. 

Les nouvelles sont prises dans le magma miteux des mythes. 

Les nouvelles coûtent un euro. 

Je suis les bras ballants dans l’incertitude d’une certaine certitude. 

Les non-dits sont appariés, et les mots s’accouplent en public, sans la moindre miette de vergogne. 

Les concaténés sont impudiques. 

Je zèbre mon regard d’obliques propensions. 



Le reggae danse dans l’homer de ton transport. 
Il faut calquer ma vie sur la celtitude. 

Je ne suis pas savant, sais-tu, je tente seulement de m'envoler avec les pennes des autres, volatiles, pour prendre un semblant d’essor, une ascendance au-delà le néant.

Qui me permette de voir mes peines sous un autre jour. 

Un regard extérieur, comme on dit.

Un regard d'aigle, et/ou de rat-taupier, de la fange et du firmament...

Offrande balancée.






mardi 1 novembre 2016

La kacha*... d'Ivan Denissovitch



Des barreaux des barbelés
des kilomètres échevelés
des miradors bien policiers
des journées des semaines des années

la pâte honteuse de l'extrême
la patte griffue de la haine
des bourreaux des juges autoproclamés
des barbelés
des kilomètres de vies cernées

des chiens trop bien dressés
un univers entier cadenassé
des jours des mois des années
un microcosme sans pitié

de faux médecins
comme assassins
de vrais gardiens
pour matraquer
les importuns

des soupes froides 
Crachat
la kacha 
d'Ivan Denissovitch
des siècles des milliards d'années 
gâchées

des kilomètres de mauvaise santé
des vies vides et inversées
du travail du travail des barbelés
des chaussures éculées
des slogans barbelés

Arbeit macht frei...
Jedem das Seine...
les ordres éjaculés
des secondes 
ô froide éternité
des manteaux déchirés
semblance de nue vérité
rotondes

le regard tourné vers le passé
le sourire absent
l'œil émacié
des secondes des minutes des quarts d'heure
de létalité
des journées entières à crever

et les chambres à gaz de Himmler
et les brûleries de la chair étiolée
et le bruit des pas bottés
sur le gravier
et le gibet 
et les punitions collectives

l'hiver ne fait que commencer
Dieu qui parais éloigné...

à quand l'été

* kacha : soupe ou brouet infâme qu'on servait aux prisonniers dans l'Archipel du Goulag