jeudi 28 septembre 2017

Père, pourquoi... (suite)






Mais la maison ne fut jamais noire et silencieuse, elle se remplit de ces flèches dont le Psaume décrit l'intérêt pour le "carquois" d'un homme de tous les temps. 

La maison, ta maison, ton oeuvre, la réussite (partielle) de ta vie, l'aboutissement de ton travail et l'extrême point focal de ta route.

Père, tu étais un raconteur d'histoires, un raconteur de ton histoire, tu y mettais un point d'honneur, enrobant tes palabres de digressions qui me paraissaient le plus souvent inintéressantes, mais que tu savais émettre dans ton style inimitable, ta verve hachée, tes cheminements dispersés, souvent des impasses que tu ne contournais jamais, et dont tu sortais en escaladant le mur du fond.
© M. MM

Histoires de la guerre, de la grandeur minime d'un fils de fermier breton qui s'essaie - et parvient de temps en temps - à retirer son épingle du jeu, à défaut de réellement tirer les marrons chauds du feu.

Des histoires sans fin, à vous abrutir l'âme, des histoires vraies mais tellement rapiécées, tellement en manteau d'Arlequin, qu'il ne m'était permis ni d'en voir le bout ni de les retenir dans leur entièreté, dans leur déroulement, souvent en dehors de toute chronologie fiable, hors de tout ancrage apparent dans le prosaïsme de la réalité.

Quand un griot meurt en Afrique, c'est une bibliothèque qui disparaît.

Quand tu es décédé, c'est un pan de mur de bibliothèque qui s'est écroulé, avec ses livres adossés dans un ordre secret contre, tout contre, les balèvres en saillie de ta mémoire torturée.

(à suivre) 




mercredi 27 septembre 2017

Chien qui manque à l'appel pour avoir oublié de geindre...



© M.MM


Les autres ne sont pas notre enfer parce qu'ils sont les autres ; ils créent notre enfer lorsqu'ils n'acceptent pas d'entrer en relation avec nous. Albert Jacquard.


Là-bas le vent étoffe les premières étoiles. Il reste des candélabres sur la table noircie des siècles où traînent des miettes endolories et rabougries. les interstices se font énormes et le visage du temps est pareil à celui de tous les autres jours.

Non, tu n'es pas mon frère, qui crois me connaître. (...) Je ne bougerai plus et le matin se changera en soir, l'airain du ciel résonnera comme une écumoire dans un charivari.

Les dents sont trop usées pour parler vérité. A force de salissures toi qui es bien placée, survivras-tu mieux à l'orage qui glapira sur le loin ? 

Non, ne peux y croire : comme l'herbe fauchée tu étincelles de rosées éphémères. Comme l'arbrisseau d'un coup cassé te voici t'efforçant de paraître aussi belle qu'avant. Mais la stature est perdue.

Tes fleurs antan d'ornement sont là, flétries, comme pour misère combler... Ta tige est froide au vent d'été et elle ne remue plus sinon sous les souliers des gamins qui t'écrasent...

L'escargot te conquiert. La limace t'englue. La limace m'enchante...




samedi 23 septembre 2017





Père, c'est ainsi que tu te désignais toi-même, en appelant ton épouse "votre mère", décrivant ainsi son état civil de manière juste et appropriée (sur le plan purement psychologique) : ne plus considérer ses enfants comme des petits, mais déjà comme des grands, même si encore seulement appelés à le devenir...

Père, ce mot résume le sens d'une vie, car si tu étais, papa, désireux d'une chose, et c'était là sûrement la meilleure manière pour toi de traduire ton amour, cette chose était de transmettre. 

Transmettre, transférer sur tes enfants tes désirs inassouvis, incomplets, de réussite et d'insertion dans la société. 

Transmettre, à défaut d'affection montrée, ton amour par le peu de biens, par le maigre capital que tu leur laisserais à ta mort. 

Tu voulais qu'on se souvienne de toi en bien, qu'on garde de toi cette lumière froide et blanche de l'argent, ton agalma à toi, le suc même de ton âme, la quintessence de ta vie.

Il est vrai que tu en as tellement manqué. 

Le manque du manque, c'est pour les riches...


© M.MM
(...) Mais tu trouvais dans les Psaumes des paroles consolantes qui t'attiraient magnétiquement, tu étais abreuvé du même sentiment de persécution que laisse parfois transparaître David dans ses chants, poèmes à la puissance séculaire, millénaire même, et hymnes au Triomphe du Bien sur le néant du mal.

Trimer, c'est un mot que tu affectionnais. 

Tu as tellement trimé, tellement peiné (mais ce mot faible ne traduit pas bien le trimard que fut ta longue vie, ce chemin où tu besognais et t'escagassais à marcher, avec tes pieds plats et ton âme blessée, avec tes mains pulpeuses et flétries par tant de tâches usantes et tant d'années à œuvrer) tu as tellement trimé, dis-je que rien que d'y penser, nous autres tes enfants, qui avons partagé, par la force des choses, les conséquences funestes de ton parcours, nous devrions soupirer, sangloter, pleurer, geindre, oui gémir, sur ton sort, empêtrés que nous fûmes dans les aléas de tes itinéraires, poussant comme nous pouvions à la roue, toi esquinté par la vie, nous estropiés par cette faute, par ce méfait que fut ton procès aux conséquences accablantes pour toi, et débilitantes pour nous et pour notre mère.




mercredi 20 septembre 2017

Encore envie de vomir...




"Je n'ai pas une violence, c'est un arbre de violences." 
28', 20/09/2017 Grand témoin, La Colombie, une histoire de la violence.


Mais que ne suffit-il de prendre la plume et d’épancher son âme même sur le premier papier venu, pour faire œuvre d’écrivain !!! 

Mes inspirations sont en panne sèche, au chômage technique, je n’ai plus confiance en moi pour ce qui est de connaître le bonheur d’écrire, puis de recopier en corrigeant, en apportant ici une précision, là une pensée nouvelle, plus loin un paragraphe entier, un bourgeonnement de qualité ou un surgeon de vérités. 

Les mots sont des traîtres à apprivoiser, ils trahissent la pensée, ils sont faibles et assez goguenards, ils font gémir l’ensemble du texte, dans une dérisoire connivence avec l’auteur - cette sorte de connivence me soumet et me domine, ce qui la rend non pas libre –ô illusoire liberté- mais serve, non pas seigneurie, mais vassalité, non pas affranchie, mais esclave, car elle se sert de moi comme de son maître, alors que je n’ai aucun pouvoir pour la libérer !! 

Il me semble au contraire que toutes les choses sont teintées par elle, glauques de son fait, terreuses par son soc ; tel un araire elle creuse un sillon maigre et superficiel que les mots même n’ensemencent ni ne fécondent. 

Car la mauvaise herbe idéelle ne fait pas gazon, mais elle est hérissée d’épines et de chardons, de buissonneuses contradictions nous empêchent souvent de progresser, et nous nous contentons alors de peu de choses pour être heureux, de cette misère qui rend malade et asservit, et qui n’anoblit pas le cœur torve. 

Combien y a-t-il de mots dans mon vocabulaire ? 

Je pense peu en mots, mais ce sont des impressions, souvent les mêmes, qui guident mon stylo et ce sont des sentiments isolés qui bleuissent mon ciel. 


© M.MM
Par nuages, sans grande révolte, sans orage… je suis cotonneux comme un cumulonimbus. 

Y a-t-il une grève dans les airs, les aiguilleurs du ciel vont-ils tarir mes voies commerciales, et des traînées de vapeur d’eau vont-elles disparaître pour de bon faute de véhicules supersoniques pour les créer ?

Bof, je suis à quia (encore une expression scripturaire sans vie). 

Encore un mot mort. 

J’aurais besoin de voyager ! pour me changer les idées justement.



Je suis inquiet et las. 

J’ai encore envie de vomir.





dimanche 17 septembre 2017

Le Camisard et le Philosophe





"Pendant plus de vingt ans d'une histoire démentielle, perdu sans secours, comme tous les hommes de mon âge, dans les convulsions du temps, j'ai été soutenu ainsi par le sentiment obscur qu'écrire était aujourd'hui un honneur, parce que cet acte obligeait, et obligeait à ne pas écrire seulement. Il m'obligeait particulièrement à porter, tel que j'étais et selon mes forces, avec tous ceux qui vivaient la même histoire, le malheur et l'espérance que nous partagions." A. CAMUS, Discours de Suède, 10 décembre 1957. (Ed. Gallimard)



Ces propos du Camisard de la philosophie de l'absurde, semblent s'appliquer de manière particulière à ma propre histoire.

Et dans le rendez-vous bihebdomadaire avec vous, lecteur, qui prend peu à peu une place sacrée,  au moins dans ma vie, il y a cette idée importante je crois de partage d'une pensée encore influencée (encore encore !!) par l'idéologie ambiante.

S'arracher à son contexte - et à son co-texte - est un effort quasi surhumain pour moi, tenter de se porter vers des hauteurs sublimes par le seul jeu des signifiants ne semble même pas m'être permis.

Je ne suis pas un Mallarmé, je suis le maigre traducteur de mes propres infinitésimaux, comme victime de la subjectivité envahissante et dirons-nous, coronaire sans thrombose apparente.

(...)

Le temps, demandez-moi ce que c'est, sinon une portion d'âme, un animal caché par une froide journée d'hiver, au creux blotti de nos replis intimes.

© MMM
Dans la constellation des items catalogués, le temps est une virgule, un appendice nasal qui nous permet de respirer dans la pause transitoire et le tourment de fonds, et de sentir la vie sourdre en soi et hors soi, dans la pause et la tmèse de la phrase longue et sybilline de notre vie et aussi dans le tourment des événements pressés ou empressés qui trament notre état d'existants.

Le Temps retrouvé, un livre qui toujours dès la première occurrence de son titre dans ma prime jeunesse, m'a toujours paru être un majestueux et déjà célèbre bas-relief, le soubassement d'un Temple grandiose, un hymne à l'anti-mort, une sorte de camouflet littéraire ou littéral à la non-existence.

Virgule, non-existence, mort, résurrection par le mot.

L'écriture comme ressource et bâti, l'écriture comme retouche et parti.



jeudi 14 septembre 2017

Onirisme et Cie





Un homme au regard de couleuvre
Faisait ses rimes dans son grand-oeuvre
Quand soudain un rire fusa à l'horizon du jour
Et l'emporta dans la grand'fièvre de l'amour

Un lézard se prénommait Aristide
Il était gros comme si gravide
Et dans le rythme lent des après-midis
Il dormait au soleil de la vie

Une orange semblait coupée en tranches
Pour le fin fond de nos dimanches
Et elle roulait des mécaniques
En lançant des regards magiques

Pour ceux qui m'auraient pas compris
Tenez-vous pour dit l'inédit
Et pour les autres Garde à vous !
Les morts sont déjà presque debout...


14 septembre 2017

lundi 11 septembre 2017

Un agrégat de mots ensommeillés







Un agrégat de mots dans les stupres invisibles (et par là invincibles), que ma foi dégingandée connaît depuis longtemps, un ramassis mielleux et dégoulinant de clichés en forme de constats d’huissier (constats qui détaillent dans leurs listes interminables le mélange éclectique et désopilant des résidus de toute sorte qui s’accumulent dans la cage d’un escalier où j’ai tout de même un droit de passage), tout un monde, bref, entre pissotière et dépotoir, tout un monde qui constitue la maison où je vis. 

Car je vis dans une antre, entre des morceaux d’immeubles gigantesques, dans une bicoque qui a un peu du charme d’une masure, mais qui peu à peu se décompose, se divertit, s’interdit. 

Mon univers s’écroule sans bruit dans une dégringolade qui tient de la débâcle autant que de la déhiscence, il s’abrutit dans le doux devenir de mon âme (la chute de la maison Usher ?) car je réponds à sa désagrégation par mes pertes, physiques, de lambeaux d’une peau malade, de relâchements de sphincters et de gaz par tous les orifices de ma carcasse, et psychique, mes trous de mémoire et mes hésitations, mes lapsus et mes mésalliances verbales, dans le grand fourbis de l’avant-veille d’une fin de l’histoire. 


Dégénérescence, quand tu nous tiens… reste de conciliabule aux fortes prises de becs, aux mâchoires d’acier trempé, aux insoupçonnables inimitiés, traduites dans les atermoiements, les retards à l’allumage, les habits déchirés à l’entre-jambes. 

Rester seul après tant d’années passées à rêvasser dans l’oblique maison adossée aux rivières sombres, appuyée au roc suintant d’humidités généreuses et gavées à force de fendre la pierre, comme un nez qui coule, atteint d’une rhinite due à l’envahissement de l’entourage immédiat, comme un désir contenu mais plus puissant que la pulsion de la vie, une sève à vous bâtir des arbres plurimillénaires. 

Autant dire multimillionnaires.
Pourtant, je ne crois plus à ce que j’écris. 

Le sommeil me fuit, qui résistait avant à l’usine du temps. 

Délit, usure ou chienlit, éternité drue, passage à gué dans une rue inondée, monde inversé. 

Urinoirs de nos passions pour d’autres fonds de pension, pour le débit liquide de l’horizon, sorte de paillasson du dieu soleil, pour pénétrer appuyer sur le bouton ouvre-porte, et laisser entrer la chaleur immonde d’une belle journée.

J’écris mais je ploie sous le poids des mots, sous la chute des eaux, la machine à sous me sert une rasade, je rejoue.



mercredi 6 septembre 2017

A moitié pardonnée...




Conseil de lecture : "Ce que parler veut dire" de P. Bourdieu


Parler n'est pas dire et dire n'est pas avouer. 

Il semble alors qu'on se noie dans un verre d'eau déjà à moitié vide. 

Pour ma part, j'obtempère aux requêtes répétées, insistantes, incisives même, de mon moral en bas d'échelle. 

Car le premier degré de l'écriture c'est celui au-dessus du zéro absolu, c'est une agitation minimale, un minimum de propriétés foncières et foncièrement mortes. 

Je crois à l'absolu donc, à la frondaison ou à la limite de verdure qui signale l'Amazonie sur les mappemondes, au bord du Fleuve impassible et tiède, infesté de piranhas, ou de barracudas, je ne sais pas, et qui rend la vie à sa frontière.

Reste à parier sur le néant, à ne plus reculer face aux gouffres (dont a si bien parlé H. Michaux), qui donnent le change à mes peurs sans objet, je veux dire sans objection. 

J'écris pour me remeubler l'intérieur, qui en a tant besoin après les vacuités et les déserts hurlants que j'ai dû traverser. 

J'écris pour toi, pour ton amitié volée, toi qui vois la trame de ma pensée dans le filigrane de cette page. 

Le désert et ses serpents sans sonnette, et la mer dont toutes les vagues de cette crique qui circonscrit mon livre, sont semblables et différentes à la fois, comme mes pensées sont pareilles et difficilement différentiables dans le vrac de mon cerveau atrophié et rabougri par la maladie. 

Tu es ma psychanalyste et mon cœur s'abrite en toi, il reprend un peu de couleurs après avoir été tellement délavé, battu et rebattu comme un jeu de cartes écornées et presque déchirées. 

Les soleils, les gros temps, les vents et toutes les intempéries (et les intempérances) l'ont tanné, étiolé, balafré, scarifié, exposé mille fois à la mort certaine, le renoncement à toute vie.




C'est dire si je suis en train de me remettre de mes espoirs endoloris, de mon passage lancinant chez les sans-logis, les sans-amour, les sans-« être ». 


Je brame, je rée, j'appelle l'amie qui pourrait me rejoindre dans mon alcôve secrète, dans mon garni perdu, sauvage et nécessaire, mais qui me semble parfois à jamais dépeuplé par fatalité irrévocable.


lundi 4 septembre 2017

Carine ou le temps de vivre





Carine aime à connaître les choses cachées que les civilisations tout autres que la nôtre ont révélées à l’humanité. 

Le Feng-Shui, le chamanisme, le yoga, la philosophie et la poésie de Rabindranath Tagore, le dalaï-lama, et elle ajoute à tout cela la psychanalyse, la psychologie, l’herméneutique de la Genèse et d’autres connaissances qui dépassent les compétences, je pense, de la plupart de ceux et celles de son entourage. 

Catalyseurs de sa profonde et humaine –si humaine- personnalité, ces loci, ces topoï, ces lieux communs pour beaucoup ont chez elle le caractère fuligineux et chaud des âtres pleines de braises, où tirer les marrons. 

Un soupçon de scrupule, une exigence de délicatesse en fait, retient son âme de tremper dans le bain pour mortifier l’acier de sa pensée. 

Elle ne rayera pas le verre, sa pensée, mais pour autant elle n’est pas non plus faite de fausses gemmes. 

Elle est une pierre semi-précieuse, et brille par sa robe émeraude de jaspe à taches rouges plutôt bien parsemées dans sa gangue.

Le vert d’ailleurs lui sied comme d’accoutumée.

Je l’imagine volontiers votant pour les verts, ou pour l’extrême gauche, ce qui va bien avec son caractère visiblement bon, indulgent, humainement compréhensif et donc d’humaniste éclairée. 

Mais de la modération comme attaque de la vie. 

Quoi de plus vrai que cette prise de position en faveur du droit et de la justice-justesse, ce qui est justiciable de l’opinion, fût-elle commune, fût-elle vulgaire au sens noble du terme.