mercredi 30 août 2017

La prison des cœurs...






Avant de prendre leur décision, rares sont les femmes et les couples qui se livrent lucidement au calcul des plaisirs et des peines, des bénéfices et des sacrifices. Au contraire, il semble qu’une sorte de halo illusoire voile la réalité maternelle. La future mère ne fantasme que sur l’amour et le bonheur. Elle ignore l’autre face de la maternité faite d’épuisement, de frustration, de solitude, voire d’aliénation avec son cortège de culpabilité.

Le conflit, la femme et la mère - Elisabeth Badinter

J'exagère son maintien, sans dessein particulier, sinon avec ce but inavoué, qui consiste à parer les possesseurs du pouvoir d'une aura particulière, d'une splendeur sévère, d'atours qui parfois détonent, comme si quelque chose du cuir de leur fauteuil, de la patine de leur mobilier, était venu en eux les faire rayonner plus que leur entourage immédiat. 

Déférence verbale sans doute, prestance particulière aussi. 

Devenir ce que l'on est au fond, c'est le tour de force que ces gens semblent avoir réussi. 


© Aline Maury-Wery
Je ne dis pas cela pour elle néanmoins, car elle m'apparaît trop mystérieuse pour que je croie savoir son fonds (débarrassé des fatras que la vie ne manque pas d'y laisser, pour peu que cette vie ait été ponctuée d'accidents ou plutôt d'incidents, de tracas, de ces cent inquiétudes qui en firent sans doute la trame et le tissu). 

Sincérité d'un mal-être, égalité des droits à l'humaine différence nous rendent souvent respectueux vis-à-vis du prisonnier de l'être et de l'étant qu'est le corps défendant.



dimanche 27 août 2017

Les nuages n'ont pas d'adresse



"- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !"
Baudelaire


Les nuages n'ont pas d'adresse
Ils traînent leurs guêtres au p'tit bonheur
Parfois ils pleurent parfois ils rient
© MMM

Comme des porteurs de parapluies

Ils tournent ils virent toujours gravides
Dans le ciel gris de nos Atrides

Les nuages n'ont pas d'adresse

Les lourds nuages au cœur du ciel
Comme des traîneaux de perles d'heures
Ils suivent les vents dans les ruelles

Les nuages n'ont pas d'adresse
La trace qu'ils laissent n'est pas jolie
Elle existe en délicatesses

Sur les arbres et dans les prairies.
Parfois ils vivent parfois ils meurent

Les nuages n'ont pas d'adresse
Ils irriguent les mers et les corps
Comme les signaux de nos détresses

Qui s'agitent avant de mouiller au Port.



22-27/08 2017



vendredi 25 août 2017

Le soi et le non-soi...




"Le moi, ce monstre insaisissable et fuyant" - A. MALRAUX



Ou bien y a-t-il une barrière inexpugnable, un gouffre infranchi ou infranchissable, une sévérité rédhibitoire, une dichotomie opératoire, entre eux et moi, ce rien pourchassé par le vent, ce fétu emporté avec la balle dans le grand tri effectué inconsciemment aux aires de battage de notre localité, la terre ?


Concert au Corum de Montpellier © MM
Ô lumière tamisée et intime, combien tu manques à l'appel du cœur (que viens-tu faire là mon cœur, mon "moi", battant, pulsatile, nerveux, servile, traître, enfariné de félonie, éternisé d'incertain, et tellement veule) à l'appel du corps parlant.

Les objets sont comme des dieux qui nous survivent le plus souvent, impassibles et absents, comme des chiens qui nous regardent et font semblant de nous comprendre, mais qui au fond, en fin, ne peuvent rien pour nous.




samedi 19 août 2017

La Cité Interdite






L’impression d’une grandeur inscrutable, indiscutable, dépareillée par la comparaison avec les châteaux de la Loire, une grandeur sans fond, comme délivrée des contingences du temps, des virgules du Monde, et même des voix fortes d’outre-tombe. 

Je pense à la richesse sculpturale de ces détails monstrueux, à la vérité des siècles qui s’écoulent, toujours renouvelés, comme une eau liquide sur cette chevelure impériale, sur ces friselis sans fin et ces toitures courbées sous l’effort de tenter de durer sans effort.

Je m’assieds pour boire un thé vert, et là, je vide mon sac, ma panse, en faisant la pause. 

Il est 11h15 et j’ai raté les carillons de la Zhongbiao Guan (la Salle des horloges).

Après le mémorable repas du soir, où j’ai mis en danger inconsciemment mes amis, je m’en aperçois et m’en repens aujourd’hui… je suis impardonnable car je me mets moi-même dans une ambiance de confiance et de paix, et j’agis comme si j’étais en France. 

Mais c’est vrai que les regards de certains membres du personnel étaient un peu mauvais, sans doute parce que nous étions restés tard.

Ici je revis, je respire, je me sens en pays ami, entouré de gens serviables et courtois. 

Je n’aurais pas dû avoir peur de venir. 

Et en même temps, à la façon chinoise, non à la façon des Han, on nous sert un peu de dictum, une façon aimable de vous servir sans y mettre une once d’état d’âme.

C’est ce qui devrait me faire peur. 

Mais c’est ce qui me rassure, je suis entre leurs mains. 
Près de la Cité Interdite, © M.M. en 2011

Ils ont fouillé ma valise, mais n’ont rien remarqué. 

Ce qui laisse à penser que tout est permis, que tout est licite. 

Voilà leur manière de me piéger. 

Voilà le Piège. 

Bienvenue et abandonnez toute espérance, en gardant quand même l’espoir. 

Je suis averti trop tard. 

Depuis peu. 

Je mesure le vent avec les cheveux gris d’autrui. 

Ils sont sclérosés, je suis scalpé.


Il faut que je reparte le cœur plein de cette douceur qui me tue et qui fait, à petit feu, le vrai caractère de ma Chine.

17h.

Au fond des yeux des chinois, il y a une vitalité blette, une fatalité muette, un désir de vivre (c’est-à-dire d’agir) sans véritable fin, du moins selon toute apparence. 

Je passe ma vie à essayer de comprendre et d’aimer, alors qu’ici on comprend et on aime dans la naturalité des choses. 

Dans le blanc des yeux, dans le jais du regard, dans l’étincelle – pupille de la Nation. 

Il faut accepter ce fait, se laisser porter par les choses pour naviguer avec elles. 

Elles nous amènent à l’endroit où elles sont, comme par le glissement guidé de l’œil sur une photo d'un courbe chemin. 

Elles nous distinguent de la bégueule occidentale, de la mégère et de l’hubris de nos pauvres années. 

Car on sent bien ici, dans cette foule compactée, dans ce monde que d’aucuns décrient comme étant uniforme et monolithique, mais vu de l’extérieur, une mosaïque de peuplades, de peuples, de people, une composition florale orientale et harmonieuse, une vérité vraie. 

Variété et facettes, vérité et finesse. 

Nuances sous les nuages et danse avec les sourires.


Mon pousse-pousse en arrivant © M.M.




mercredi 16 août 2017

Père, père qu'as-tu fait en nous quittant ?



A voice says, “Cry out.”
    And I said, “What shall I cry?”
“All people are like grass,
    and all their faithfulness is like the flowers of the field.
 The grass withers and the flowers fall,
    because the breath of the Lord blows on them. 

                                                                 - Isaiah 40: 6-7, NIV



La vie, comme un organisme qui se déploie, puis qui ploie,
et qui finit par se flétrir et se noyer dans le néant...  © MMM

Notre père, bien faible à l'heure où j'écris, hospitalisé et sous perfusion (ce qui lui redonne des couleurs, tant mieux) notre père dis-je, j'en ai déjà fait, par anticipation, une sorte d'éloge post mortem

Car j'étais emporté par la fougue que donne la parole libérée, l'appui de la psychanalyse, ou de son avatar personnalisé. 

Parce que j'étais un peu amoureux de son originalité, de sa différence, de ses possibles concrétisés dans ses entreprises dont certaines n'ont pas échoué (la famille, son salon de coiffure...). 

Une vie miteuse, avec ses compensations, en quelque sorte : maigres provendes. 

Un monde s'écroule doucement avec soi quand on vieillit, et on perd dans la danse avec le « système » ses forces, ses appas, ses défroques, ses guenilles même (comme ces grandes lépiotes « déguenillées » qui semblent sortir d'un asile de loqueteux). 

On perd – tu perds – le rictus ou la moue qui nous définissait - qui te définit encore, et un masque mortuaire vient lentement remplacer nos mimiques grimaçantes en se plaçant, tel un papillon posé sur notre nez qui ouvrirait ses ailes jusqu'à recouvrir nos oreilles, il tend à laisser à ses contempteurs une impression de faux, de bonheur truqué, de relâchement factice, qu'aucune grimace cependant ne viendra plus jamais troubler. 

Et je pense, insensiblement, insidieusement, demain peut-être, la mort s'installe, elle que je hais instinctivement, elle que j'oublie aussi tant que je peux, elle que je courtise, mais en pensées inconscientes seulement, quand le reste avec son goût sucré me fait désirer le pur cacao, amer, de ses avances.

C'est une injustice à ne pas commettre, vraiment, faire taire la figure tutélaire du père, avant que le doigt de Dieu ou du Diable ne se soit, subrepticement, posé sur sa bouche. 

Je pense, mais qui pourra le confirmer, que le temps vide les yeux et l'âme de leur substance éternelle, et en fait des portraits en creux, en filigrane au moins, sur notre face décomposée, ridée, déconfite. 

Comme désemparée.

Nous sommes des étangs vides avant même notre fermeture définitive. 

Des arbres debout mais déjà morts. 

Des linguistes distingués qui finissent aphasiques. 

Dans la trouble morbidité et la rigidité cadavérique.

[Il me semble maintenant que ma vie m'intéresse, ses bruits, ses odeurs, sa marmaille de loupiotes et de faux-semblants d'accordéons, son carrousel incertain et foutraque, ses tripatouillages de primates, son sens caché, qui est de goûter à chaque moment comme à un vin à la fois inconnu et habituel. C'est la vie je crois, une force qui se perd et perdure, qui lamine et construit, qui bouge et reste immobile dans le décours d'un même instant.] 

S'étioler, une force de rides et de gravides. 

Car la vie s'en va comme un puzzle se défait, pièce à pièce ou par pans limités, quand on a la chance plus si rare aujourd’hui de vieillir dans de bonnes conditions, dans nos pays privilégiés.




dimanche 13 août 2017

Ah l'écriture...




Revenu sur le métier à tisser, le texte étant étymologiquement un tissu, je fais et défais des phrases entières, des baisers au lépreux, aux murs lépreux des prisons intérieures, parfois aussi ces baisers-là sont pris pour celui de Judas.

Car il y a trahison des mots et de leur signification, dans le va-et-vient subtil entre le texte et la raison.

Les mots charrient non seulement les inévitables connotations qui leur plombent souvent l'aile, mais aussi tout un amas d'affinités électives avec des assonances, des consonances, des à-peu-près comme-ça-se-prononce, des échos, des résonances, des rebonds sémantiques ou verbaux, des coq-à-l'âne, des renvois en bas de page ou en bas de casse, des ronds dans Montaigne, comme Pascal en faisait parfois.

La scoliose ou la lordose de la pensée se traduisent par des vertèbres de sens déplacées, des accommodements régionaux ou particuliers, des sources bouchées voire détournées...


L'arbre à pensées hallucinées... © 2015 MMM
En fait les mots eux-mêmes déplacent notre pensée, la contraignent, l'empêchent souventefois de s'exprimer réellement.

La langue dicte et l'oreille écoute. 

C'est-à-dire obéit.

D'où la facilité avec laquelle des stéréotypes s'inscrivent dans le langage, et dire cela, malheureusement c'est déjà du stéréotype...

On est donc dans une mise en abyme qui s'époumone à résonner dans le labyrinthe créé par les deux miroirs qui se font face et se mettent de ce fait en abyme : la pensée et la langue.



vendredi 11 août 2017

Le voyage sans retour





Les vaisseaux chargés de poétiques souvenirs
Qui trépassaient la ligne de l'horizon des lyres 
Tremblotant de désirs dans les fanaux du soir
Comme habillés de temps et drapés de déboires

Entrelacés dans l'âtre où la bûche brûlait
Encore ensanglantés, et suçant l'eau blessée
Enfin délivrés du pauvre et douloureux remords
Déboîtent en geignant du côté de la mort
          
            
            Du côté des épaves
            où morsure la rouille
            Étangs où fend l'étrave
            de leur morne pattemouille

Vaisseaux d'une longue et triple circulaire
Qui piègent l'éternité dans le bruit de leurs mâts
Et tranchent des sillons avec l'arme du glas
Au fond de nos pupilles leur chemin dégénère

            Tel un vortex qui s'obstrue
            Dans la rue
            Dans les prés hauts
            Au bout de chaque croc
             
Retrouver mon Aimée
La faire encore grandir dans l'âpre et fou baiser
Détruisant l'amitié pour mieux la transmuer

Viatique de chaque jour
Le voyage, mon Amour...

30 novembre 2006 - 11 août 2017





jeudi 10 août 2017

La vérité si je meurs ...





L’originalité de la pensée, le biseautage de l’intellect, l’ornement post-rhétorique, tous les petits encarts de notre ami intime, semblant se faire appeler Désiré(s). 

Car nous avons tout le saint frusquin de nos plèvres, de notre sternum, de notre dure-mère, de nos méninges, entre autres tissus plus ou moins adipeux. 

Entassés dans les courbes de notre crâne, ou coincés ailleurs. 

Gagner de la place pour que perdre la vie soit une énigme insupportable. 

Évoluer vers la conscience de ce néant qu’est la mort. 

(...)

Car si loin que nous allions, c’est toujours au bout de nous-mêmes, et le vaillant caparaçon que nous nous sommes offert pour ce tournoi absurde est un carcan qui nous immobilise, une concrétion calcaire au bouge de notre déploiement silencieux. 

Bouge, bouge, bouge. 

Toujours le trirème de notre incompétence, et même de notre sauvagerie refoulée, régurgitée pourtant dans les mots. 

Notre inappétence à la sève même de la vie. 

(...)
Nous sommes les maîtres de ce que nous mangeons.

Point. 

Comme des arbres, nous nous recroquevillons dans notre enracinement, cachés comme l’aubier derrière l’écorce rugueuse et souvent habitée d'insectes ravageurs aux tarières térébrantes, ou de leurs larves. 

(...) Que de ramures épaisses et vraies dans le cyprès de nos remords. 

(...) Une sorte de codicille à mon insuffisance, à ma préférence de cachalot dans la Mare Nostrum de mes cent intérêts. 

Si et seulement si. 

Avec l’humour déteint le linge, et les couleurs criardes de la vérité s’amortissent ainsi. 

(...) Les comparaisons. 

Elles s’ameublissent en mottes de beurre sous un couvercle translucide. 

Méta amphores de mes impavides moiteurs, Nicéphore Niepce comme lors de la découverte tremblotante de la capture de la lumière. 

Comme reflet, certes, comme leçon, pas. 

Les mots sont là pour me piéger, avec leur évidence d’hermétiques. 

Ils ont une pâleur d’indigènes et un pastel de natifs.




dimanche 6 août 2017

Ô temps jadis




Ô temps jadis qu'on ne doit regretter
Si tu viens à tremper ton doigt sur mes tablettes
Je respire à nouveau comme la souple belette

Ô temps passé à regarder les ondes
Si tu reviens jamais dans les torves étés
Je t'attends derechef comme un bon condamné

Ô temps qui passe et qui métamorphose
Si tu t'arrêtes comme au-dessus d'une aire d'éperviers
A Maheux le sait-on dans les blés lourds des proses

Je veux bien te donner un coup d'épaule
Pourquoi m'en priverais-je
Moi qui t'aime à jamais
Et qui n'ose
Espérer

Pourquoi m'en priverais-je si je puis te toucher
L'instant d'après le plaisir éprouvé
Comme un ressac dans un "Que sais-je ?"

Qui traiterait de toi
Et jamais n'en finirait

Pour toute éternité

Un livre pulse
Comme un cœur allumé

Dans le fond de mon âme
Que tout à l'heure révulse

Dans le fond de mon être
Tout à ton Être
Aimé

Nîmes, le 6 août 2017
72ème anniversaire désolant de la désolation d'Hiroshima.



jeudi 3 août 2017

Une naissance bien mouvementée ?






Ah ! Vertu du décor mat et des ramures verdoyantes dans leur noirceur.

Simple rigolade ou douce fatalité...

Les mots viennent sans peine à qui a déjà beaucoup peiné pour les trouver, forts de leur maturité, dans les textes sacrés des religions syncrétiques. 

Car il y a une religion pour chaque auteur et un autour de la religiosité dans chaque grand texte. 

Je ne suis pas à l’aise dans cet aluminium froid où penche mon stylo. 

Il manque la dernière vertèbre à mon cerveau d’invertébré. 

Alors je me mets à picorer comme une sittelle, j’y vais de mon crayon, de ma faible plume, je martèle avec ce bec pour faire sortir la pulpe, le sens secret, le chas de l’aiguille trop fin pour la grossière filasse de ma pensée. 

Jamais cela ne tiendra en un livre, je crois.

Je serais ennuyeux, je serais plein de redites, autant de coups manqués au jeu de tricotage de mes pattes de mouche. 

Je serais imberbe comme le prophète rasé à moitié par ses adversaires, humilié pour défaut ou manque d’humilité. 

(...)

Notre petit rire égocentrique se love dans les qualités et la tolérance des autres, se pelotonne dans les lacis de nos enchevêtrements mutuels. 


Un coin de ciel gris pour oublier la canicule du Midi...
Nous hurlons de douleur mais en taiseux, toute la vie est anti-routine, l’habitude est fatale à notre liberté, semble crier notre cœur. 

Roses que nos silences dribblent et que nos doigts épétalent machinalement. 

Roses aux croix mystérieuses et simples, comme l’obsession des démons chez le paranoïaque. 

J’aime ce thé. 

Mais la force de nos prouesses, c’est la faiblesse de nos cœurs. 

C’est l’églantine qui donne naissance à la rose. C’est Mendel qui fait les OGM. 

Nous fleurissons nos tombes, à défaut de flétrir nos usages, et de friper nos visages nous mène à cette beauté subtile de notre plus grand malheur : qui n’est qu’une philosophie, celle d’apprendre à mourir. 

La mort en je, comme une image en je. 

(...) La mortelle intension tue le petit fretin de l’extension. 

C’est une ressource propre.

Un emploi à pourvoir.