dimanche 30 juillet 2017

Un personnage





"Je m'appelle Albert, le merle maudit
Je m'appelle Albert Pompourrie"
Dick Annegarn, le Merle maudit

"Je m'appelle Albert, j'habite là,
derrière dans la vallée de Munster..."
"Albert de la vallée de Munster"
http://www.boiteachansons.net/Partitions/Patrick-Breitel/Albert-de-la-vallee-de-e mMunster.php#4FHG4j4Z7AeoChu0.99





Je trouve un personnage, sorti tout armé de ma tête, une antithèse de moi, un qui aime l’ordre et la discipline, un militariste convaincu, ancien scout débrouillard et joker, espèce de rigolard bon vivant, bien dans ses baskets et droit dans ses bottes (et dans son box d'accusé), avec ce zeste de Machiavel dans ses relations avec les femmes, comme avec sa femme. 

Un authentique (futur) arriviste, genre Bel-Ami, mais en plus in, sans un scrupule pour l’opportunité, sans timidité aucune dans ses relations amoureuses, la timidité en amour lui semblant la première des implosions de la personnalité, lui qui est bien plein de lui-même, mentalement fort comme un bœuf. 

Sorte d’anti-zombie vrillé de certitude et rempli d’un décorum virant à l’arrogance et à la cuistrerie ou plutôt à la j’ose-toujours, dès la première fois. 

Ce qui veut dire peut-être que je suis une sorte de zombie, n'en déplaise aux bigotes, un mort-vivant dans la pénombre de ma chambre.

Je pense qui que ce soit en fait, qui ne soit pas moi, qui retourne à ses premières amours comme un fantassin au combat, l’infanterie étant son école d’adoption, puisque dans sa verve juvénile il répond bien au jeune de 18-20 ans qu’on forme au métier des armes. 

Si moi, je dirais : le service national n’est plus là, vive l’absent ; mais lui réclamerait un ordre, une façon de peigner la tignasse de la société, vue comme populace et non plus comme peuple et regarderait avec cette ombre du regret qu’on a envers les morts quand nos actes envers les feux n’ont pas été pleinement assumés, c’est-à-dire qu’on ne s’est pas conduits humainement et avec l’apposition du sceau de la confiance, et des scellés de la conscience tranquille.

Le temps passe et ne fait que renforcer en lui ses convictions et lui donner satisfecit, alors qu’en moi les ravages de Chronos sont fils d’insu, l’inconscience de mes limites affleurant à marée basse comme des écueils qui m’ont toujours fait brûler mes vaisseaux endommagés. 



jeudi 27 juillet 2017

Supplique pour un bijou égaré sans son écrin





Stoppe la haine
mon vieux parrain
si tu veux pas que j'te dise
les vérités qui gênent
et qui sont prises
aux doubles feintes
des yeux acier
de nos étreintes

arrête tes crimes mon assassin,
tu fais s'étendre la bêtise
qui barde le mauvais mesclun
tu sais celui mélangé de traîtrise
et qui t'va plus très bien

mais alors plus du tout bien

car dans tes veines
coule encor' mon vieux
le sang mêlé du boutefeu
et les poncifs de la haine
pour les arrosoirs de Pétain
ils sont marqués au fer rouge
du faux ami le mot "destin"

ah ! la misère de ton bouge...

vas-y dis stop !
à tes potes 
qui vendent la came
en bas d'l'escalier à pétrin
essaie de t'ranger dans la gamme
sinon ça craint y a les copains
qu'ont la pétoire au bout d'la main
et le tromblon à fausses notes
dans le sous-sol de leur chagrin

stop aux affreux qui bandent leur arc
pour une pincée de fric - ou d'crack 
stop aux bouchers de la cité
oublie un peu les faux amis
qui font les poches aux p'tites mamies
pour un peu d'blé

essaie de r'garder ton chemin
ça te changera des têtes brûlées
qui te menacent les abattis
alors que nous on tend les mains :
non, pas d'embrouille
on t'prendra pas ça c'est certain
pour une citrouille

on comptera toujours sur toi
et on l'criera pas sur les toits

signe là mon vieux parchemin
ta vie s'ra plus une peau d'chafouin


ça c'est sincère l'ami
et c'est plus fort que tout l'tintouin 
qui t'emmène comme un assourdi 
jusqu'à la lisière de demain.


Nîmes le 27 juillet 2017


mercredi 26 juillet 2017

Erub... Cherub... Mérou... Pérou... Féru... Fétu... Étude... Mansuétude... ou de la diversité infinie des sentiments humains...




« Le réel, c'est quand on se cogne. » Lacan



Donc je n’ai pas envie d’écrire. 

Faute de croire en toi, Bret, faute de croire en moi. 

Un hiver nous habite qui semble bien installé, et recouvre les aspérités fécondes de nos sentiments d’une épaisse couche de neige, d’un velouté qui nous isole, d’une volonté sublime et consensuelle de taire les événements rugueux de nos vies passées.

C’est pas qu’on n’aime pas, mais comme dit la chanson, la vie sépare, la vie éloigne, la vie enivre, la vie entame le gâteau du partage, et elle se taille une part de félin. 

Une sorte de pesanteur, une perte d’appétit et d’intérêt, une soif autre aussi s’immisce doucettement - gentiment diraient les Suisses romands - au fond de nous et nous fait repousser sans geste de dédain et sans dégoût la part qu’on aurait dû aimer dans notre relation, réciproquement idem, et donc : pas de réponse à une supplique restée imprononcée, peut-être parce qu'impronçable. 


B.A. du film avec Romy Schneider
On campe sur des positions devenues un confort de compromis, voire de compromission, une espèce de procréation qui proroge et étaie notre profession de foi bancale et sans apport. 

Que dis-je, nous sommes grandis et rapetissés à la fois, grandis par cette distance et par l’effet loupe qu’elle induit, et en même temps amoindris par la promiscuité et l’exiguïté de nos sentiments, rabougris et élancés nous sommes dans l'entre-deux de la vérité du sentiment et du mensonge de la parole, car la parole ne peut tout dire, ne peut épuiser notre réel, ne peut signifier ni même singer convenablement et suffisamment la richesse infinie des affects et de leurs vecteurs sentimentaux.

Car je crois que nous n'avons pas que des sentiments euphoriques/dysphoriques, selon la distinction classique, mais des millions, des milliards de sentiments tous différents, comme des teintes et des nuances extrêmement variées, selon le moment, la personne que nous rencontrons, l'histoire de cette relation et l'anamnèse de notre histoire personnelle.

Comme le nez peut percevoir des trillions de trillions d'odeurs divergentes selon les recherches les plus récentes, de même nous possédons en nous des milliasses de milliasses de sentiments divers, variés, composés, patchworks, manteaux d'Arlequin, compositions florales de la vie intérieure... que sais-je encore ? 



vendredi 21 juillet 2017

La vie a bien un sens, mais est-il interdit ?




Les anciens avaient raison, qui frelataient le temps. 

Moi je suis Gros-Jean comme devant, mon plumard se défait, mon matelas (de billets doux) est éventré et son trésor se libère et se délivre dans d’autres cimetières. 

Dans le néant ?

La vie, me dit-on, n’a pas de sens. 

Lui en donner un, voilà ce que toutes les générations passées se sont ingéniées à faire. 

Nous sommes les vautours du printemps, et nous œuvrons au grand repas du soir, celui du désespoir ; dans le noir de nos yeux de jais il y a le coutelas à dépecer le semblable de nos vœux pieux, qui sont le reflet émouvant ou truqué du cœur, le sentiment.

Dans l’arbre de notre moteur, des supports amovibles et ténébreux dont la géométrie varie, comme éléphantesques par moments, et abracadabrantesques à d’autres instants. 

Il est interdit de photographier le cadavre de notre présent. 

Notre bourse est aphone, nos rentiers sont pauvres, et c’est en grinçant des gonds que notre porte nous libère de cette demeure.

Navigation hauturière, lasso spéculatif sans l’ombre d’une redoute. 

(J’attends ma prochaine livraison). 


Aux USA jardin en chœur... © MMM
Comme sittelle et poule mouillée, je me défais de mes arraisonnements inutiles, de mes scrofules superfétatoires, de mes vacantes écoutilles. 

Comme enfant terrible des années 2000, je dribble le prytanée de mes déconvenues, le blanc-seing de mes héritiers perdus.

Au cœur de mon ponton, je plante une livre de beurre doux, avec l’espoir fataliste d’arriver à faire glisser l’empereur ou son dauphin.

Sinon, rien de bien nouveau sous le soleil.

Malheureusement.



mercredi 19 juillet 2017

Le log de mes années passées





Le carnet de route, le log de mes vertes années est rarement indemne de la tuberculose du pauvre, et me semble parfois jonché de défaites, déconfitures, bévues et mécomptes.

Les pages striées de ce cahier où je note mes sautes d'humeur semblent là pour en témoigner, comme le vide se met à tourner et à emmener avec lui le reste des non-choses, des non-êtres évanescents, des fadaises frétillantes et des fredaines trop faciles.


Le vide, la nature l'adorerait-elle en se courbant devant lui - on parle de la courbure de l'espace-temps- , serait-il majesté ténébreuse qui aspire toute chose pour l'engloutir à tout jamais, ou le régurgiter à une adresse inconnue ?

Je ne le crois pas, mais...

Nous sommes poussière, nous brassons du vent et nous nous perdons en conjectures sans nombre, sans but, sans chemin. (...)

Peut-être que notre intimité nous mange de l'intérieur, nous empêche de voir le bas-ventre de la vie.

Celui qui grouille de monde, qui vibre de ces ondes porteuses capables de faire crouler les murs de Berlin, toutes les places fortes du monde, tous les périphériques et toutes les Capitales de la douleur.

Nous manifestons l'appartenance à des réseaux, quand notre firmament se laisse effilocher par la lumière de nos feux de croisement.

(...)

Nous sinuons, nos méandres se multiplient avant l'arrivée en eaux salées, c'est un peu ça l'épitomé de ce que nous apporte la médecine moderne.

Work in progress que notre vie, éternelle quête d'un absolu qui ne serait surtout pas le vide et encore moins le vide absolu.

Pas de nirvana symbolique pour nous autres les piétons d'un univers incommensurable, inimaginable, et nous nous consolons en attendant le monde de demain, qui vient à petits pas, doucement, ou parfois dans un boucan indescriptible, ou en fanfare, comme un défilé militaire...




samedi 15 juillet 2017

Je renonce




Unique portrait du baron Münchhausen en tenue de cuirassier (v. 1752).
Le fin fond de la brousse est aussi comme le fin fond de l'âme, ou de l'inconscient si vous voulez, un embrouillamini conséquent et structuré en lianes, en troncs, en branches, en feuilles, en ramures donc, en radicelles aussi, en mycéliums, en arborescences invisibles et touffues, en fractales entremêlées, en labyrinthes sans sorties, sans sens non plus.

Aussi ai-je trouvé en moi cet étrange palais, cet Angkor de firmaments et de tombes, une sorte de temple abandonné, livré à la forêt noiraude de la vie, et de son éternelle jeunesse. 

Je reste médusé, en proie à un trouble, une sorte de malaise de civilisation enfouie, de restes pourtant si bien conservés, de vide incroyable et fécond, peuplé d'êtres et d'aîtres comme autant de réponses à mon interrogation, et dans cette multiplicité même il y avait le sentiment d'être subjugué, envahi par contumace, comme énervé au sens littéral et donc de découvrir un monde interne complexe, fabuleux, verbeux, foutraque. 

Je renonce.

Je renonce, il est tremblement et terre neuve, il est scansion et immobilité, il est à la fois tout et son contraire, l'être que je suis, celui qui est au fond de moi. 

Je suis fasciné et repoussé à la fois, habillé et nu, comme ridé et déridé, abrité sous un arbre sans tronc ni branches. 

Il est nonce paroxystique et pustule insignifiant, un orme de joie sans autre essence que d'ombres, une osmose sans constituant, une onde sur l'onde, une particule élémentaire et un style sans mots, sans langage, sans rime ni raison. 

Un style vide.


Le violon abandonné. © MMM
On me véhicule et je suis le véhicule, on me porte et je me porte comme tiré par mes propres cheveux vers un mal-être de bellâtre, vers un état intermédiaire, une sorte de stupeur muette et un tintamarre de paroles sans significations, de visages aux bouches béantes et déformées comme par un cri primal, comme le visage du Cri d'Edvard Münch (Münch et le baron de Münchhausen, correspondance à établir...).




mercredi 12 juillet 2017

Trahison, espèce de crème à la cortisone...




Si je devais recommencer ma vie, je n'y voudrais rien changer ;
seulement j'ouvrirais un peu plus grand les yeux.
Jules Renard


Le printemps de tes yeux
avec une pointe d'iroquoise
et cette squaw brumeuse
qui tremble comme un saule dans la brise
M. M.


Je croyais naïvement en moi, c'était comme un chrême sur ma tête.

Comme un rire. 

Comme une sorte de tour de magie verticale. 

Un aimant qui collait, qui collerait à ma peau. 

Alors je puisais dans mon âme une sorte de miellat, une substance nourrissante et d'une facticité sans apprêt, sans faux-semblant, sans une once de trahison.


Trahison, espèce de crème à la cortisone qui dessécherait la peau.

Mais maintenant je crois en toi, qui vins à ma rencontre, comme disait le poète, dans les mornes apprêts de tant de vilenies.

Alors je revis, comme né de tes mains pures, comme plongé dans ton cœur, comme armé de tes yeux bleus turquoise...

Comme armé de ton rire, à jamais établi.


dimanche 9 juillet 2017

Envie d'écrire ?






"Love sought is good, but given unsought is better"

Shakespeare, Twelfth Night, Acte III, Scène 1.


Je n’ai pas envie d’écrire. 

Mon être résiste, ne veut plus se plier à la douce inspiration qui ressemble à cette femme que j’aime et qui m’aime et qui n’est jamais tout à fait la même. Ni tout à fait une autre (car je n'aime pas ce que j'écris). 

Est-elle autre ou le clivage se joue-t-il sur un rien, un néant, « cette écume, vierge vers » ? 

Je n’ai plus envie de piqueter la roche avec mon piolet pour tenter de monter un peu plus haut, vers la cime, dans un effort qui, aidé par les instruments de sa réalisation, ne serait pas tant surhumain - mais pourtant ! - il n’est consenti que par une faible proportion de la population. 

Quatre pour cent seulement écrivent régulièrement...

(...)  Car écrire sans être lu, voilà une espèce de gymnastique en solitaire et en salle, une série d’exercices sans solution. 

On oublie les gestes et les procédures. 


Dans le flou d’une photo de brouillard dans la montagne, dans les brouillons bouillonnants de la vie… la montagne, quelle ironie du sort, ne répond plus à mes cris que par un écho mauve et faible, une sorte de vague parnassien ouaté, ou une espèce de rythme à la Ray Charles, dans la chanson Georgia on my mind par exemple, car le frère est peut-être ou plutôt sûrement un être fantastique qu’on a perdu jeune, comme Ray, et qui ne répond plus avec nous d’aucunes manières. 

Mais qui nous correspond pourtant étonnamment. 
(...)

Mais le lointain peut devenir une barrière infranchissable quand le temps s’ajoute à la distance. 

Il y a un mur de Planck au fond de chacun de nous, sans doute. 

Nous aurions pu être autres, mais nous eût-il été loisible de le devenir ?

Alors nous sommes ce que nous sommes, dans l'humilité et l'humidité de nos pleurs retenus ou lâchés, de nos cœurs épanouis ou chiffonnés, dans nos âtres où se sont consumés tant de baisers qu'on n'aura pas osé donner...

Ou qui ne nous ont jamais été pris.





mercredi 5 juillet 2017

C'est une mère...





C'est une mère en Eden
une amie en pensée
une alliée dans mon cœur


C'est un arbre planté
un regard belle ébène
un œil en forêt


C'est une aube enchantée
Tantôt assassinée
dans les camps du malheur


C'est un être esseulé
qui finit en graveur
du verbe Résister


Par un simple petit mot
Un regard
Un sourire...

Par le retour d'aimer

© MM, 05.07.2017




dimanche 2 juillet 2017

BRISE MARINE de Mallarmé



(...)














D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.

Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !
(...)
Stéphane MALLARME, 1893