mercredi 26 août 2015

Décadence des classiques...



Quel insecte ou quel arachnide a fait un nid avec ces feuilles
comme le poète fait son abri avec ses mots... ?
J’aimerais avoir un projet concret d’écriture, mûrir lentement comme dans la cuve le vin mûrit, il me faut un ferment qui soit lent et inexorable, une veine d’inspiration vraie (c’est-à-dire qui éclate les cadres habituels de la vérité crue, de l’indigestibilité de la sincérité totale et des impasses d'une relation humaine fusionnelle dans laquelle on confierait toutes ses pensées). Je crois que les bons sentiments effectivement sont incapables d'inspirer la vérité nue, ils sont de mauvais apôtres, et qu’il faut fuir à tout prix la mièvrerie prude et la pudibonderie, pour aller aux inaccessibles (pour le commun des mortels) et transcendantes forces obscures qui travaillent l’homme même le plus « quaker » qui soit. A cela je dois m’employer pour guérir, autant que pour mieux écrire. Car sortir de ses ruminations habituelles ne peut être que salutaire, quand on ne tombe pas dans le délire. Soit. Alors, au taf, mauvaise troupe de mes pensées, allez chercher vos sœurs, vos amies et vos adversaires même les plus farouches pour former une nouvelle armée, pour aller mener un combat nouveau, avec des armes neuves et un courage renouvelé. Las ! Il faut œuvrer avec beaucoup de circonspection, et se laisser aller sans trop se laisser couler dans le moule commun. Cela veut dire esprit, espoir, espace, mais aussi escrime, escorte et esgourde… Espar (beaupré je pense) neuf pour mon bateau, et nouveau pavillon, sans tête de mort, mais avec des couleurs qui permettent la pêche dans les eaux internationales ! Enfin libre de tout flottement dans l’ample mouvement vers le haut, je dois pénétrer un univers immense, charriant avec lui des amas d’étoiles, de systèmes, de galaxies. Aller là où je ne suis encore jamais allé, pour cueillir les primevères d’un printemps tardif, et me laisser englober par l’art et la manière. Je commence déjà à divaguer, je me perds as usual dans mes familières digressions, dans mes pensées réitératives, prêtes à l’emploi (et demandeuses d’emploi). Alors vient le mot facile, la phrase toute faite, les évidences sans surprise de mon discobole courant… à la catastrophe. Nous sommes les jouets du manque d’originalité, nous fleurissons – je fleuris – comme 
Une fleur exquise sur un chardon...
une tulipe dans un champ hollandais : les rabbins nous ont précédés, qui ont mis l’ordre et le détail au point ! Je pense si je veux, mais le plus souvent je pense contre moi, malgré moi ! Oblitération obvie (de toute originalité ?). Tous les mots sont des traîtres, tous les rangs sont d’oignons ! Je suis sûr que je ne suis pas si sûr ! Alors kézaco de la présence d’esprit, des jeux d’esprit, des devinettes perpétuelles de la phrase et de la linguistique textuelle ? Nous livrons combat dans une armure qui nous corsète et nous ployons sous la charge, comme terrassés par notre propre poids ! Adieu, fatras ! Vive la course folle et sans harnachement, vive le travail des champs avec les gerbes portées à même la peau ! Vive le vivat de la nature ! Gloire aux nudités de l’âme ! Ne progressons jamais à reculons ! Ô liberté, que je te cherche avec mes mots guindés, mes tournures classiques, mes résonances d’église et de crypte ! Au caveau ! Que la forme se libère de sa ganse et que la gueuse sorte sa poitrine à l’air nu, puisque nous la trouvons trop gueuse pour nos raffinements ! alors le public sortira ses mouchoirs pour l’adieu et le welcome, pour le congé et pour l’embauche, sans pourtant dire la débauche, sinon celle des couleurs, car il faut des mesures pour remplir le tonneau de nos Danaïdes comme pour combler nos naïades. Sans les noyer, mais en pollinisant par notre eau circulante leurs délicates corolles…dans le nymphée de nos aréoles de faunes. Décadence des classiques.

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