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Quel insecte ou quel arachnide a fait un nid avec ces feuilles
comme le poète fait son abri avec ses mots... ?
J’aimerais
avoir un projet concret d’écriture, mûrir lentement comme dans la
cuve le vin mûrit, il me faut un ferment qui soit lent et
inexorable, une veine d’inspiration vraie (c’est-à-dire qui
éclate les cadres habituels de la vérité crue, de
l’indigestibilité de la sincérité totale et des impasses d'une
relation humaine fusionnelle dans laquelle on confierait toutes ses
pensées). Je crois que les bons sentiments effectivement sont
incapables d'inspirer la vérité nue, ils sont de mauvais apôtres,
et qu’il faut fuir à tout prix la mièvrerie prude et la
pudibonderie, pour aller aux inaccessibles (pour le commun des
mortels) et transcendantes forces obscures qui travaillent l’homme
même le plus « quaker » qui soit. A cela je dois
m’employer pour guérir, autant que pour mieux écrire. Car sortir
de ses ruminations habituelles ne peut être que salutaire, quand on
ne tombe pas dans le délire. Soit. Alors, au taf, mauvaise troupe de
mes pensées, allez chercher vos sœurs, vos amies et vos adversaires
même les plus farouches pour former une nouvelle armée, pour aller
mener un combat nouveau, avec des armes neuves et un courage
renouvelé. Las ! Il faut œuvrer avec beaucoup de
circonspection, et se laisser aller sans trop se laisser couler dans
le moule commun. Cela veut dire esprit, espoir, espace, mais aussi
escrime, escorte et esgourde… Espar (beaupré je pense) neuf pour
mon bateau, et nouveau pavillon, sans tête de mort, mais avec des
couleurs qui permettent la pêche dans les eaux internationales !
Enfin libre de tout flottement dans l’ample mouvement vers le haut,
je dois pénétrer un univers immense, charriant avec lui des amas
d’étoiles, de systèmes, de galaxies. Aller là où je ne suis
encore jamais allé, pour cueillir les primevères d’un printemps
tardif, et me laisser englober par l’art et la manière. Je
commence déjà à divaguer, je me perds as usual dans mes
familières digressions, dans mes pensées réitératives, prêtes à
l’emploi (et demandeuses d’emploi). Alors vient le mot facile, la
phrase toute faite, les évidences sans surprise de mon discobole
courant… à la catastrophe. Nous sommes les jouets du manque
d’originalité, nous fleurissons – je fleuris – comme |
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Une fleur exquise sur un chardon... |
une
tulipe dans un champ hollandais : les rabbins nous ont précédés,
qui ont mis l’ordre et le détail au point ! Je pense si je
veux, mais le plus souvent je pense contre moi, malgré moi !
Oblitération obvie (de toute originalité ?). Tous les mots
sont des traîtres, tous les rangs sont d’oignons ! Je suis
sûr que je ne suis pas si sûr ! Alors kézaco de la présence
d’esprit, des jeux d’esprit, des devinettes perpétuelles de la
phrase et de la linguistique textuelle ? Nous livrons combat
dans une armure qui nous corsète et nous ployons sous la charge,
comme terrassés par notre propre poids ! Adieu, fatras !
Vive la course folle et sans harnachement, vive le travail des champs
avec les gerbes portées à même la peau ! Vive le vivat de la
nature ! Gloire aux nudités de l’âme ! Ne progressons jamais à reculons !
Ô liberté, que je te cherche avec mes mots guindés, mes tournures
classiques, mes résonances d’église et de crypte ! Au
caveau ! Que la forme se libère de sa ganse et que la gueuse
sorte sa poitrine à l’air nu, puisque nous la trouvons trop gueuse
pour nos raffinements ! alors le public sortira ses mouchoirs
pour l’adieu et le welcome, pour le congé et pour l’embauche,
sans pourtant dire la débauche, sinon celle des couleurs, car il
faut des mesures pour remplir le tonneau de nos Danaïdes comme pour
combler nos naïades. Sans les noyer, mais en pollinisant par notre
eau circulante leurs délicates corolles…dans le nymphée de nos
aréoles de faunes. Décadence des classiques.
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