mardi 25 août 2015

"Il faut que je revole à ces plus beaux séjours,
Où séjourne des temps l'entresuite infinie"
-Sponde (1557-1595) Sonnets de la mort,


8 mai 2007
Ce 8 mai a un art bien à lui de me charcuter, de me malmener, de me faire faire un tendre oubli, une mévertu et un soupçon d'ère du vide. Que je n'aime pas ce tendre vert qui ronge son frein au soleil, qui déride le jour et dévide l'ennui, spam d'herbes touffues dans le jardin des mails abandonnés

Foulons aux pieds le vert gazon et laissons-nous porter, au centre de la terre, c'est-à-dire au Jardin des Plantes de Montpellier, vers les odeurs subites, les coassements serrés, les demi-heures subtiles, les vieilles pierres cassées. Je meurs doucement à l'étalage de tant de vivres, de cette embouchure de corne d'abondance qui me noie de lumière. Je trempe ma plume dans le plan d'eau qui semble gésir à mes pieds. Le rythme du balancement des arbres (je connais maintenant le taxus à ramures d'aiguilles), le clapotis des tortues qui poussent des feuilles à moitié mortes, je suis lent comme la nature, et je mature avec pudeur. Je pense, donc je dépense. Mon arbre à miel est bien silence, le traître ne se vante pas d'avoir offert son nectar à tant d'abeilles butineuses !! mais je me sers de ses feuilles pour des cataplasmes d'absence.

Je suis triste. Mon cœur est triste, mon âme est faible. (...)
J'ai vu hier la deuxième partie du film « La Chambre du fils », qui m'a troublé aux larmes : j'ai pleuré sur cette perte, inconsolable père qui ne peut plus assumer, lui qui semblait si fort dans son rôle de psy. Mon œil a pleuré et, drôle de coïncidence, aujourd’hui aussi, quand je pense à toi, mon œil pleure. (...)
Ici, ça respire ; on n'a plus la sourde présence de la ville, on est loin de tout, tout en étant près du Rien, cette fausse nature recomposée qui rit à dents de lion. Et moi qui panse ma pauvre bête fatiguée, qui dirime l'essence de la violence que je me fais pour ne pas reculer. Que nous sommes loin de nous comprendre ! Que la vie est donc filandreuse ! Et pourtant, que le monde est beau quand on l'approche ! Comment faire pour l'apprivoiser ? Se laisser bercer par lui, se laisser emporter comme cette coquille de noix et son allumette dressée sur le vert de l'eau... se laisser conquérir par la douceur de la beauté dans ce jardin acclimaté et encore sauvage par bien des côtés...  Meubler son vide intérieur avec toute cette fête du printemps dans les courbes allées, avec cette envie de vivre pleinement, d'être porté vers l'amitié et vers l'amour... tout respire, tout vibre comme à l'unisson atonal du Véritable, comme si la vie se mettait à hurler avec douceur et prévenance, comme si le temps se mêlait à l'espace de ces parterres et de ces verticales, dans un chatouillement d'âmes, dans un friselis d'êtres...

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