Il
y a une histoire.
Ils sont des hommes qui vivent, qui aiment, qui
haïssent, qui meurent, qui rejettent ou adorent le Divin. Il y a un
souffle dans ces pages, qui les tourne une à une, et on voit naître
et grandir des rois, on les voit tourner, bien ou moins bien, on les
connaît comme s’ils étaient encore là, avec leur idolâtrie,
leurs frasques, leurs vilenies, leur piété réelle ou simulée,
l’envers d’un décor qui change à grands renforts de guerres, de
combats, de meurtres, d’assassinats, de putschs plus ou moins
avortés. On vibre dans le cœur de l’action, ou bien on passe à
travers sans rien toucher, comme un neutrino traverse la terre de
part en part sans rien rencontrer. Il y a les inévitables redites,
les reformulations, qui sont autant
de clous autour de la tapisserie, pour mieux construire la traversée
historique, les riches heures d’une théodicée qui en convainc
certains, qui en agace d’autres, équanime, sincère jusqu’au
bout des ongles, bâtissant une Personnalité, transcendante,
vibrante, même austère. Ou bien tissée de contraires et de
contradictions apparentes, de difficultés solubles dans l'eau
lustrale de la vérité nue, dans une paradoxale équivalence avec
l’équilibre.
La
Bible est un énorme monument conçu à la force du poignet, érigé
par une peuplade obscure, un petit troupeau, rien du tout, mais qui
s’élève, immuable, comme un rocher luisant dans la pénéplaine
de l’humanité. Les édicules qu’on voit autour d’elle sont de
pâles imitations, à portée limitée, richesses sombres et ors
délavés par les traductions. Ils s’émiettent dans les temps
postérieurs, pour demeurer ensuite enfouis dans les tells de
l’histoire, sauf pour quelques aguerris qui creusent leurs
monticules à la recherche de peines perdues.
La
bible avance. La bible vit. La bible croît. Et dans cette croissance
il y a l’innervation d’un organisme gigantesque, l’ossature
voûtée du bien et du mal, une épine dorsale à l’art de notre
monde, le système circulatoire de la pensée humaine à la rencontre
de celle d’un Dieu, l’osmose peut-être la plus achevée de
l’histoire religieuse. Dieu converse avec l’homme.
Nous
sommes en présence d’un mystère, le mystère des mystères, une
énigme absolue au regard de notre histoire récente. Quand on y
prête attention, elle est résolue en partie seulement dans
l’histoire mouvementée et contraire à la bible elle-même de
notre civilisation occidentale. Avec brio et panache, source de
querelles et de guerres sans fin, avec grâce et fécondité, source
de liberté et d’enchaînements volontaires parfois, loin des
avidités d’un paganisme efflorescent parfois, loin devant les
concurrentes éponymes qui bataillent à ses bas-reliefs ou qui
grimpent à son mât, dans l’espoir de mieux voir ce qu’elle a si
bien conformé.
Mais
la foi est un exercice difficile, malgré la richesse et la gloire de
ses pages. Ce qui est un paradoxe lié au cœur même de l’humain,
du facteur humain.
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