lundi 31 août 2015

Source d'inspiration

Il y a une histoire. 

Ils sont des hommes qui vivent, qui aiment, qui haïssent, qui meurent, qui rejettent ou adorent le Divin. Il y a un souffle dans ces pages, qui les tourne une à une, et on voit naître et grandir des rois, on les voit tourner, bien ou moins bien, on les connaît comme s’ils étaient encore là, avec leur idolâtrie, leurs frasques, leurs vilenies, leur piété réelle ou simulée, l’envers d’un décor qui change à grands renforts de guerres, de combats, de meurtres, d’assassinats, de putschs plus ou moins avortés. On vibre dans le cœur de l’action, ou bien on passe à travers sans rien toucher, comme un neutrino traverse la terre de part en part sans rien rencontrer. Il y a les inévitables redites, les reformulations, qui sont autant de clous autour de la tapisserie, pour mieux construire la traversée historique, les riches heures d’une théodicée qui en convainc certains, qui en agace d’autres, équanime, sincère jusqu’au bout des ongles, bâtissant une Personnalité, transcendante, vibrante, même austère. Ou bien tissée de contraires et de contradictions apparentes, de difficultés solubles dans l'eau lustrale de la vérité nue, dans une paradoxale équivalence avec l’équilibre.
La Bible est un énorme monument conçu à la force du poignet, érigé par une peuplade obscure, un petit troupeau, rien du tout, mais qui s’élève, immuable, comme un rocher luisant dans la pénéplaine de l’humanité. Les édicules qu’on voit autour d’elle sont de pâles imitations, à portée limitée, richesses sombres et ors délavés par les traductions. Ils s’émiettent dans les temps postérieurs, pour demeurer ensuite enfouis dans les tells de l’histoire, sauf pour quelques aguerris qui creusent leurs monticules à la recherche de peines perdues.
La bible avance. La bible vit. La bible croît. Et dans cette croissance il y a l’innervation d’un organisme gigantesque, l’ossature voûtée du bien et du mal, une épine dorsale à l’art de notre monde, le système circulatoire de la pensée humaine à la rencontre de celle d’un Dieu, l’osmose peut-être la plus achevée de l’histoire religieuse. Dieu converse avec l’homme.
Nous sommes en présence d’un mystère, le mystère des mystères, une énigme absolue au regard de notre histoire récente. Quand on y prête attention, elle est résolue en partie seulement dans l’histoire mouvementée et contraire à la bible elle-même de notre civilisation occidentale. Avec brio et panache, source de querelles et de guerres sans fin, avec grâce et fécondité, source de liberté et d’enchaînements volontaires parfois, loin des avidités d’un paganisme efflorescent parfois, loin devant les concurrentes éponymes qui bataillent à ses bas-reliefs ou qui grimpent à son mât, dans l’espoir de mieux voir ce qu’elle a si bien conformé.

Mais la foi est un exercice difficile, malgré la richesse et la gloire de ses pages. Ce qui est un paradoxe lié au cœur même de l’humain, du facteur humain.

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