dimanche 23 août 2015



La gueule d'un monstre autrefois vomissant aujourd'hui épuisé,
Domaine de Rieussec, Hérault
Écrire, mais sans rituel qui me rassure, sans l'assurance d'une habitude, sans la prégnance de l'habitus. Mes mots sont là, ils m'attendent. Je les cueille et les accueille, ils me mènent un peu plus loin, là, vois-tu, vers le fond de la serre (qui est en fait une papillonneraie). Vision idyllique et exotique, mais vision tout de même, préfixe de mots sans fard, sans sens, n'ayant ni queue ni tête, comme en ma jeunesse l'a été le mot blormiceps. Nous le prononcions comme un sésame de la tranquillité, comme un mot-conjuration pour tout événement fâcheux ou simplement ennuyeux, toute mesquinerie fade. Le mot insensé de nos entourloupes, le mot vide de nos manquements, de notre manque. Manque à gagner, manque à vivre, manque à aimer. Il y avait ces mots incolores et obscurs, ces dégobillés de pensées, ces vomissures de notre pauvreté. Nous faisions de la fausse monnaie, ou plutôt nous fabriquions notre monde parallèle, notre code de reconnaissance, notre espace de jeux interdits, où nous criions notre identité. Notre semence verbale était notre amour un peu défraîchi, notre perte du sens, notre vie déglinguée. Casoar, bleps, blormiceps, « ou bien par la fenêtre », « y a un cadavre dans la contrebasse «  la « banque Schmoll», etc. notre avenir étant bouché, il ne semblait rester que ces jeux gratuits avec l'abstraite et cryptée apparition du mot ou de l'expression vide, avec l'emballage du monde. C'était notre carton-maison, notre carton-jouet, notre carton multi-usages, utile à tout. Nous nous faisions notre habitat, nos coutumes, nos lois. Et nous croyions naïvement en tout cela, et nous nous gargarisions de nos excrémentielles exhalaisons. Illusions-désillusions. Jeux devenant notre sombre univers, notre destruction future, notre anéantissement psychique ? Témoignage d'une vérité qui bouge en nous, nous contraint, nous guérit de la
Même domaine, le monstre assagi
mauvaise vie alors si courante.
Non-vie : Nous étions pourtant des cadavres, ni exquis, ni exsangues, porridge et pudding d'une gastronomie qui n'avait rien d'exceptionnel, mais qui fleurait l'étranger, le lointain, le presque envolé, le « déjà plus là » ; dans cette mort minuscule, vertueuse et fadasse, comme une semblance de continuation de la vie, une fausse prolongation d'un match sans jeu à balle réelle, une sorte de collection de curiosités, prolongement de nous-mêmes dans l'absurde du quotidien subi.

Boursouflures séreuses. Absence d'hypocrisie pourtant, mais mal devenir sûrement...

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