Fuir, fuir, fuir encore.
Ce soir-là,
je veux marcher dans la brousse, au clair d'une lune incandescente,
avec un seul but en tête : comprendre, me comprendre.
Pourquoi
j'échoue sans cesse à garder mes pensées équilibrées, à me
laisser gagner par la ligne droite en mon cœur, comme tracée à la
craie sur le pavé de mon enfance, comme un jeu de marelle ou
d'osselets sans nombre, comme un retour au pays de mon innocence.
Sangsues au souk d'Istanbul. Ma vie comme sucée par des sangsues... |
Pourquoi je bute sans cesse sur mon indigence mentale, mon débris
visionnaire de pansement mal fagoté, comme une surinfection dans mon
âme litigieuse et même presque lithique.
Alors je prends la voiture, je
vais au bout du chemin, et je marche, je me voyage comme aurait dit
Julia Kristeva, je me transporte vers les confins de moi-même.
Je
crible mes instants d'interrogations souterraines, de velléités et
de volitions, de pourquoi et de comment.
Je marche, je marche dans la
brousse, tout droit, en suivant le rivage de loin, en me laissant
bercer par ces vagues de l'océan Pacifique qui effraient leur devenir dans une révolte
sans fin.
Je vois les crabes des cocotiers qui grimpent prestement
sur les arbres à mon arrivée, qui migrent comme souvent je les ai
vus au crépuscule, migrer vers leur lieu privilégié de villégiature.
Je
marche, je suis marchant comme un enfant marche en rond dans le
ventre de sa maman.
Je veux savoir, comprendre, oui je veux aller au
bout de la terre pour comprendre, saisir enfin l'insaisissable,
l'inavoué, le véritable.
Je suis têtu, comme si le cliché sur les
bretons se réalisait sur moi, en moi, qui suis d'origine bretonne
par mon père... ce que je hais au fond de moi, comme un
jeu de quilles à renverser, comme un rêve à chasser, comme un
cauchemar à bannir de mes souvenirs.
Comme une fuite au fin fond de l'abîme intérieur.
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