dimanche 1 janvier 2017

Gaspard, Melchior et Balthazar...






Je suis au concert des chances retrouvées. Et c'est exactement comme quand je te vois.

C'était hier et aujourd'hui et pour toujours.

Laisse-moi te le dire avec mes mots rassis, avec mes mots d'amateur incrusté.




Les grilles claquent, la patine des bancs est encore accentuée au gré de la pénombre et de l'éblouissement de la scène édulcorée de lumière crue.

C'est vrai que nous sommes comme dans un temple et les fidèles prennent place qui susurrent sans le vouloir, et qui brisent les phrases dans la douceur des chuchotis.

Asseyons-nous ici... Tiens, mon manteau. C'est la fin d'une grande journée et l'exorde d'une autre. 

Les trois musiciens ont des noms d'apôtres, mais par quel dieu sont-ils envoyés ?

Melchior, Gaspard et Balthazar qui accordez vos instruments ou placez vos feuillets, qui donc vous a payés pour cet accueil exorbité ?

Car c'est bien vous n'est-ce pas qui passez par amour donner vos arts sublimes ou éthérés aux pauvres prisonniers de la vieille Cité ?

Melchior, tu as violon et cheveux blonds. Tes boucles sont des rondes avec des dièses d'aigle. Tu es porteur d'un archet et les cris presque feutrés qui fusent de sa scansion sont gerbe en débandade, sortant en grand décolleté de l'antre de ton âme.

Gaspard est au piano, au noir piano à queue dont le couvercle est encore rabattu, et Gaspard est le Maître incontesté de sa tribu. N'est-ce pas qu'on le voit bien, lui qui se tient si droit et dont les maigres doigts comme enflammés de soie sont déjà les lumières de sa témérité étoilée.

N'est-ce pas que son visage est un creuset d'espoir n'est pas qu'ne lui se fondent les couleurs de la vie, les autres teintes meurtries et tous les paradis.
Gaspard même tes yeux sont droits et ton regard plus noir que le jais de ce piano géant engendre cette paix et cettte sérénité qui sont asphyxiées chez tant de nos amis. 

Gaspard ne connais-tu pas Germain, ne sais-tu pas ce gosse qui gîte à Folie Ferme et joue la vérité sur le clavier des herbes. Gaspard tu es sous l'empire de la musique et c'est toi qu'elle choisit pour unique parler.

D'abord Beethoven, c'est toi qui l'annonceras, un morceau surnommé les Esprits, c'est toi.

Et Balthazar au violoncelle est comme un albatros aux ailes moites. 

Le projecteur, Balthazar, le projecteur change tes cheveux en bataille contre les ombres d'un soupirail sur la figure d'une barricade.
Balthazar violoncelle qui nous fixe hagard, avec cette insomnie indolente et grisée dans un regard croisé. 

Balthazar sera la résonance des pas dans un escalier en colimaçon et ce sera Beethoven qui prendra d'assaut mon coeur embastillé.

Le violon en nous ôtant même le temps d'y croire , en nous usant la mémoire de l'instant, sera plus homme que le soir.

Le violon dans tes mains gicle un entrain délicieux où il  y a des allées, des mails ombragés et voluptueux.
et c'est l'ombre d'un espalier pour ceux qui reposent au cimetière de ta guerre.

Violon tais-toi ! laisse ton grand frère bougonner, l'enfant trouvé.
C'est une charmille et le soleil facétieux fait mille taches sur la terre arasée entre les racines de la vigne et celle de l'olivier.

Les doigts de Balthazar font de ces enjambées sur la touche de buis l'arbre transfiguré...

Gaspard ! à toi ! Tu vois bien qu'on se noie et tu vides un étang après l'autre, une écluse après l'autre pour passer de l'autre côté... tes billes dégoulinent et des grilles tombent sous les accords soudain plaqués de ton cheval de bois et d'acier.

Gaspard, tu ébahis ! Une cavalcade de liberté, de frénésie facile et virtuose... le mort est enterré, voilà l'ultime pelletée avant de le ressusciter...
Fossoyeur du matin, qui traîne dans tes pans les feuilles recroquevillées, qui enfume d'une haleine acidulée, et qui chatoie le tympan ébranlé de mon entendement.
Gaspard tu oses.

C'est terminé. Déjà !!

Et que diras-tu Germain si tu savais combien de joie ils m'ont donnée... et si je leur ai demandé ensuite quelques pleines poignées de beauté, c'est bien que tout autour de leur buée, il y avait un grand jardin.

Aria de Bach, Paraphrase éclatante de Liszt que je découvre, Schubert et enfin Ravel à la Toccata des merveilles.

Une fête pour mon ouïe seule, un cadeau dans un linceul d'intimité retrouvée.

Toutes les patiences de l'infini avant de tomber dans la rue où tous me toisent sans déconvenue, mais avec courtoisie, ce qui est pudeur et peine perdues.

Je veux aller, je veux courir et je veux pleurer... tout ce que j'avais vu jusque-là n'était donc ? que falbala...


Melchior représente l'Europe, Gaspard l'Asie et Balthazar l'Afrique dans la mythologie populaire chrétienne...




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