Souvenir d'une amitié
De l’amitié comme une courroie
Flexible et tendre à la fois
Elle retransmet à distance
Passions vraies et vraie portance
Si nous sommes séparés, dis-moi que
tu me feras un signe, un signe doux et discret, comme un air
fredonné, comme un soupir échangé
Dis-moi pourquoi le temps passé a
passé aussi vite plus vite bien plus vite le scélérat que ce que
je voulais
Nos âges différents nous ont
cadenassés, nous repoussions les différences, nous tentions l’image
de notre errance, nous trépignions dans notre attente
Nous étions liés comme des années,
qui se succèdent ou se précèdent
Nous avions connu l’incertain, ouvert
nos mains à ce chagrin, la maladie comme si fouaille, comme si
harasse nos écrins, comme si le temps nous était vain
Nous allions bras dessus bras dessous
quand tout à coup plus de vérité plus de lutrin cette absence
accumulant la douleur de nos présences le chagrin de nos essences
Dans la rue les bruits quotidiens
Comme une âme épinglée, cette figure de cire... |
L’horloge chante son refrain
Il ne faut pas faiblir demain
Nous allions comme deux âmes en peine,
perdus dans l’océan des voitures
Chercher des provendes et revenir las
Chargés de ces fruits de ces mains
Couleur de vie et de lendemain
Nous errions fixés sur un but, englués
de partages vains comme sériés par la douceur du retour
Dans les rues par les champs face aux
tours
Si nous pouvions retenir le sable dans
nos mains ramasser tous les coquillages de cette plage où somnolent
des restes de crustacés, où gisent les algues et les embruns
Nous aurions une fête tous les matins
nous ferions rire nos élans, habités par la froideur vive de l’air
sec d’un hiver sans fin
Nous ferions le tour de nos détours,
nous irions encore à Sigean, à la ville et à la garrigue, ramasser
des trésors sains
Oh douleur aux messages pareils qui
faisaient déchirer les vêtements des rois dans l’Antiquité
émerveillée de nos regards de guingois
Oh que d’eau est demeurée immobile
sous le pont des ans qui nous ploie
Que de prisons nous ont libérés, que
de mots séparés puis réunis dans la joie
Que d’heures se sont déroulées
comme un tapis sous nos pas
Nous allions comme deux âmes en peine,
perdus dans l’océan de verdure
Avec nos souliers et nos lois, étudiant
le moindre cri le moindre pas
Tu reconnaissais la dytique, tu
étudiais l’éphippigère, la mante, les cétoines les scarabées
et les copris tu faisais des houles une prière, du vent contraire un
appui
Toujours première pour la guerre à
l’ignorance qu’on nous a prise
Toujours en face de la maladie, de la
force qui faiblit, de l’âme qui plie
Ψυχή,
en grec, veut dire âme ou papillon...
|
Nous restions dans l’ombre légère
Deux arbres plantés de travers
Nous allions toujours vers plus de
lumière
Dans l’espoir fou et sécant de la terre
Ces arbrisseaux que tu semas
La vie quotidienne du passé est comme fossilisée dans ce château musée (St Fargeau, 89) |
Poussent aussi de leur force juvénile
Vers le grand couvercle de plomb
Qui fermait ton horizon
Si les valeurs se perdent autour
Jamais pour toi il n’y a de bourde
Tu gardes droite ta tête lourde
Et tu unis vie et amour
(...)
Comme deux alcooliques de l’amitié
Deux espèces de reliques passées
Dans un encor’ retentissant
Aux mornes et douloureux accents
Liberté de vivre emmurés
Claquemurés exactement
Dans le malheur la maladie
Une espèce de prison-étang
Liberté de vivre las
Dans la minceur et le trépas
Comme deux animaux surpris
Par le piège qu’ils ne pensaient pas
Maintenant de vie à trépas
Les sabots crottés sont si bas
Pour coller un peu de sa glaise
A nos semelles de mélèze
Pour cueillir un peu de c'te terre
Et en faire une bel' misère
Le symbole vrai d’un pourquoi
Pour cueillir un peu de l’amer
Tenter une fois encor'
Une fois de plus bis et ter
Entonner ce chant de la mer
Et retrouver la force et la joie
Dans un glorieux corps
Cette fois
Amers nous allons vers la fin
Comme des étourneaux
Dans le fumant fourneau
Du fond du puits voir l’œil du ciel... |
Nous reposons nos tristes
combats
Dans la tourbe de nos derniers pas
Amers nous allons vers la fin
Pensifs nous tournons nos cœurs
vers la foi
Demain sera-t-il bien pour nous ou pas
Le doute meurt doucement dans nos bras
Et nous nous couchons dans le froid
Comme des oiseaux de grand frimas
Pour nous enfin sonne le glas
Hautains nous ne l’écoutons pas
Nous demeurons, absents,
Absents et... et pourtant
Tellement là
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