samedi 28 février 2015

Mongin

J’aime le chemin qui mène à ta maison
Il sent le romarin il est plein de chansons
Mon pied s’y trouve serein et ma main s’y libère
En plus que de raison j’y ressens ta matière

Toi qui fais de mon cœur le havre d’une saison
Toi qui construis autour un beau caparaçon

O Célimène tes yeux me font plonger
Au tréfonds de ton âme si bleutée
Que l’azur lui-même y a perdu ses peines
D’arbre en arbre le geai voltige et s’y entraîne

J’aime le chemin qui mène à ta maison
J’y respire serein j’y suis apparition
Aux doux reflets d’iris aux magies télépathes
Tu sais quand j’y reviens : les essences délicates

Te préviennent de la calme et douce arrivée
Du moindre passager de ces senteurs cuivrées
Tu me salues de loin
Ton cœur en bout de main

Ici je sens mon cœur doucement qui se gonfle
Le chat au coin du feu fait le gros dos et ronfle
Mille sourires y accueillent le voyageur fourbu
Qu’entre tous tu auras comme ami reconnu




Et que tu fais asseoir et largement régale
De ton vin cuit crémeux
Et de ton rire joyeux
Faisant sortir ainsi le fruit de son écale

Combien j’aime le chemin qui mène à la raison
Celle du fin fond des bois purifiée sans façon
Celle qui rend l’art gracile et le temps parasite
Comme gui sur hêtre, commensal émérite

Le rivage est muet face aux assauts des vagues
Et moi sur ton chemin je pleure et je divague
Chaque fois qu’il m’est devoir de partir de chez toi

Et de sentir du jour l’insondable surpoids



LE BÉDÉGAR
génération agame...


La déroute tranquillement fait son lit en toi
Débâcle silencieuse sur les fonts de ton or

Comme un solide et charpenté bonhomme
Qui s’écroule sous les coups de butoir de l’alcool

Tu restes là comme une question pendante
Il y a rime et pâmoison
C'est un bédégar, galle abritant une génération agame
les larves femelles se reproduisent par parthénogenèse 
Je te regarde comme un enfant sidéré

Tu fuis sans bouger, et moi je te haime

Pourtant les vents ne nous sont pas contraires
Certain dit même que les astres nous sont favorables

Mais je ne crois pas aux astrologies de bazar
Ni à toutes ces nécromancies ridicules

Ce sont démons sans particule,
Foison d’esprits dévalués

Je crois au temple vrai de l’amitié
A ce qu’on peut poser sur l’art

Et qui respire en pleine santé, hormis
Les clochettes de la re-nommée sont silencieuses à souhait...
Quelque feulement de méfiance grise

La décrépitude nous attend au coin de la vie
Nous finirons blanchis sous le harnais des rimes

Et puis flanchant nous tomberons turpides

Comme le pan du glacier
Dans un fracas énorme
Mais que nul n’entendra

Ce qui veut dire sans aucun bruit
Pas même l’écho ne répondra



Las de la guerre
Désarrimés

Notre chute sera notre joie.
Peter Brueghel l'Ancien, la Parabole des aveugles, 1568
Musée Capodimonte, Naples

mercredi 25 février 2015

Une journée à Restinclières





Un florilège de pensées m’envahit
Ceci n'est pas une feuille morte de Restinclières...
Dans les sentes parfumées de l’oubli
Il y a cette allée qui descend vers le Lez
Caillouteuse à souhait
Pleine de doux attraits
Et aucun de mes pas ne me pèse

Les fragrances sont aussi volatiles
Que la liberté qui se veut si tranquille
Au muguet de ces herbes folles
On suit le cours d’eau arboricole
Les lentisques des aïeux
Sont les aromates des dieux

C’est dimanche, les promeneurs transis
Font de leur journée une aimable réussite
Et organisant au mieux leur fuite
Goûtent avec avidité le sein du paradis
On rencontre les jouvenceaux
Gorgés d’amour
Heureux
Eux
Ont déjà fait le tour
De la beauté
Et de l'amour

Dans la couleur brisée des hymnes d’hébétude
On perçoit comme une note, un trait d’inquiétude
Soudain le cri perçant d’un rapace nocturne
Fait le tour du château en sifflant l’infortune

Les mots se laissent bercer au cerceau des enfants
Un chien court en jappant
Et passe un oiseau blanc

Je trébuche intérieurement
Déjà l’heure de quitter
Cet Eden envoûtant

Ceci n'est pas non plus le château de Restinclières...
                        











Peupleraie habitée
          De mille coquelicots
                      Qui poudraient dans le pré
                                    Si haut
                                            Dans ma pensée

Le temps de dire adieu
A ses humbles quartiers
Le château
En haut lieu
Nous fait le joyeux cadeau
Enfin, ce n'est pas la crypte du château...

Ses sentiers lumineux
Dans son jardin drapé

A la française
Nous invitent à la danse
La lenteur
Ethérée
Et l’aise
De cette moiteur
Cendrée

Nous rentrons épanouis
Débordants et comblés
Nous sommes presque endormis
La crypte s'est refermée

Voilà, c’est la nuit










lundi 23 février 2015


Le jardin d'hier



Eglise de Saint-Père 



Tu m'as fait devant notaire
sans me donner le blanc-seing
payer le prix de tes terres
j'ai dormi contre ton sein

Thermes romains des Fontaines salées - Saint-Père (89 )
ce qui reste du jardin d'hier...



Terra incognita
reconnue vierge et sincère
explorée par mes bons soins
à ton arcade sourcilière

Ton foyer Sonacotra
avait peu de locataires
j'y ai logé mon enfant
mon petit devenu grand

Tous les pays de la mer
ont connu l'orbe armillaire
peuplé de millions d'âmes
que tu prends pour des ânes






Thanatos aux œuvres mauves
au fin fond de mon espoir
j'ai serré le temps d'un soir
les derniers fragments* de Plaute

Thessalonique de mes hôtes
dans le secret de l'alcôve
les vapeurs de ton alcool
me desserrent le licol

Tu m'as fait devant notaire
- j'ai dormi contre ton sein -
payer le prix de tes terres
sans me donner le blanc-seing

ni que s'écrive le mot : FIN

* Voir notamment Bis compressa ("la femme deux fois séduite") et Commorientes ("ceux qui meurent ensemble")

lundi 16 février 2015

Encor' ou la déhiscence du je




Je parle un langage inconnu
Dans l’arbre de mes inconscients
Il reste un plumitif qui escribouille

Un écrivassier de la pleurniche
Sorte de secrétaire au bleu taché
Avec une écritoire sale sous la bouille

Je frime comme un cheval fringant
Avec l'orémus du muezzin je papillote
Encens fumeux et grisaille sur commande

Comme un enfant perdu dans ses rimes
Comptant les pieds courbant les iambes
Je bricole d’insolents réconforts

morceau d'arc-en-ciel comme tombé sur la ville,
piège ahurissant qui ébouriffe ce monde
Avec la platitude acidulée d’un mort-né
L’encéphalogramme écrasé d’hébétude
Une sorte de prurigo incertain et vétuste

Me rend fatigable et vengeur

Retour sur l’avenir aux grimoires blasés
Débarrasse avantageusement les lointains
Comme je pars vers les gués amochés

Vers les grèves encombrées de coquilles
Quelques sarraus déchiquetés font tablier
Et l’hymne sanguinolent des flots parapheurs



Comme si tu me comprenais toi autre et même
Dans les endroits peu fréquentés où je me fais
Engluer d’organique et de prismes plastiques

Gravement je hoche la tête d’un air entendu
Je cravache pourtant dès la déconvenue du matin
Avec le doux soleil qui tend à l’horizon

Ses pièges ahurissants qui ébouriffent le monde
Ce monde entreprenant qui corrige mes erreurs
Par un revers de main d'un dédain soupçonneux

Alors je reste là, pensif et absorbé
Essayant mes compas, dessinant des tablas
Y promenant mes pas, en caressant l’idée

D’un poème interdit, d’une veine sirupeuse
Qui anatomiserait
Tu ranimeras la flamme d'antan
l’essence de mes rides
Et transformerait tout, comme un Prince rieur

Fait de la mèche qui fume
Un peu de vie

Encor'







dimanche 15 février 2015

L'accident



Matin blême mâtin même     sortie d’autoroute puis sortie de route
Fossé et fossette    faucille voie d'fausset               la radio crache sa musique             sirupeuse et violente                                         dernier virage avant l’après

Je reste pantelante     mon cœur mon cœur bat faiblement mon pouls
Dans le stigmate             de mon poitrail          il y a le trouble

Survivrai-je à la vie              au vide de mes crimes
Ces erreurs pour lesquelles                  tu viens me chercher       ces pourquoi
Je sanguinole comme une larve coupée                            en deux parties     sur la chaussée
On me passe la camisole            je ne peux plus bouger       je suis enfermée

Que de paroles autour      un tourbillon de tourbe                  je suis fourbue
Mon père m’a rappelée à la conscience                          je donne mon consentement
                       Jaillissent les herbes maculées sur le talus      il y a des taches sur le basalte
     
Parler parler pour ne pas perdre la face      je crois que le sang monte à la gorge

Je sens comme une présence chaude     contre mes joues    je déglutis du rouge à lèvres   liquéfié
Dans les arbres   des oiseaux noirs                   se sont posés             oseront-ils             me décharner

Une éternité est passée               vient une autre éternité
La sirène froide    me tue à petits feux            je respire avec un masque à oxy-danse

        Les soubresauts de la gueule rouge    me font ahaner en silence
Dans les rues    j’entends le sifflet      le hurlement du laissez-passer
Quelque part non loin     quelqu’un pense un jour moi aussi     j’y serai
Dans l’ambulance

Les gens ont couru lentement   autour de moi     ils ont     des gestes saccadés     émasculés
J’ai posé mon regard   au moins vitreux   sur le sourire d’un médecin


Elle est jolie a-t-il pensé

Je reste en vie   je reste en vie   envie
J’attends j’attends on prélève un peu plus de sang
L’infirmier parle    ou est-ce le médecin-chef                              il parle dans ses dents
Je serre les miennes                     contre ma poitrine                   je sens l’étau
Ma mère s’affole    elle s’évanouit dans le lointain                       je reste seule
Au milieu d’une foule    immaculée

Dans la voiture mon enfant                                                  Je demande à le voir     je le crois disparu
On m’affirme que non   je pleure encore       jamais on ne m’aura autant menti
Me dis-je et   je supplie encore     pour le voir ici maintenant
Les hommes ont un air d’ennui                 j’ai compris je m’effondre
On m’affirme que je le verrai après                   mais après quoi     je veux le voir     je veux le voir
                                le serrer contre moi             lui redonner mon souffle

Les allées sont montées          par des gens en armes
Les couloirs de l’après vie             s’ouvrent devant                                     mon âme

Maria-Helena VIEIRA DA SILVA, Intérieur rouge, 1951 (détail, renversé)
Je ne crois pas à l’après vie                   me voici          dans une salle éclairée
Par une lampe étrange           qui rappelle                le stroboscope des boîtes
De nuit
Dans le souci de bien faire                              je me suis                 endormie
Soulagée d’un enfer           et pardonnée depuis
Par les médicalmants

Un jour ou l’autre il faudra je crois
Qu’il y ait la pluie                                      
   sur les taches rouges de la nuit



© Michel Marchand, tous droits réservés



lundi 2 février 2015

J'aime la mésopotamie





J’aime la mésopotamie de tes seins
be mysterious... by Ewoud van Rijn
Mon cœur a souvenir des rimes d’autrefois
Et je languis de revoir ton demain
Comme il me tarde de revenir à toi

Ces lumières authentiques d’autochtonie guerrière
Dans le monophonique désir : connaître ce qui est autre
Il y a toujours une mémorable première
Mon cœur trouble mes tempes sous le boisseau d’épeautre

J’aime la courbe sinueuse de ton regard,
mon âme a pardonné l’outrage
Des ans passés à te chercher, coupable en manque de lucidité
Si tu veux construire le partage
Je suis l'écoutille du firmament pourpré

Savant autiste et enfermé dans son donjon
Le seul suintement des remparts me gorge de regrets
Je m’immisce discrètement dans ton passé
Je garnis les flûtes de Pan parmi les joncs


      
be useless... by Ewoud van Rijn

Si je savais être cohérent, si mon amour faisait décor
Je serais puissant comme un fils d’homme
Je bâtirais une cathédrale et pas un château fort
Et le vent frais me porterait vers l’Économe

Alors je briserais les lames
J’inventerais un autre continent
Et nous serions sertis de charmes
Une forêt neuve dans un étang

Un cri de joie dans le présent

J’aime la mésopotamie de tes seins
Mon cœur a souvenir des rimes d’autrefois
Et je languis de revoir ton demain
Comme il me tarde de revenir à toi...








Anniversaire de mariage...
2010

Maladroitement vôtre...

Pour ainsi dire le temps est passé vite
(Et la vie aussi comme un grand train de nuit)
Sept ans de vie commune sept ans d’envies
(Et la vérité de l’amour au bout du rite)

Je pense que vous étiez faits l’un pour l’autre
Un vide immense a été comblé dans vos cœurs
(L'être-deux pour se confronter au malheur)
C’est toujours mieux de voir par la fenêtre

Le bout du tunnel et la fin du cauchemar
(Pour deux âmes blessées deux êtres qui souffrent)
Quand on s’éloigne un peu du gouffre
On se réchauffe le cœur pour un nouveau départ

Je vous souhaite encore au moins sept mille ans
De connivence et de bonheur partagé
Et qu’au tour du chemin vous ayez le printemps

(Métamorphose de tous les champs de blé)

Champs de lavande à l'horizon du Luberon
du côté de St-Jean-de-Sault