jeudi 30 mars 2017






Point de décentrage en elle, sinon ce décentrage vers ses enfants, qu'elle rendait proprets avec des vêtements usagers, des achats d'économe avisée (en rapport avec le budget alloué à la « sainte » famille par le Pater Familias désargenté). 

Elle avait alors cette fierté humble qui parait son foyer à multiples reflets et tenait de la manière dont nous étions vêtus (habillés serait plus juste, si on confère à ce participe passé un sens plus neutre, moins en rapport avec les tendances – fâcheuses car imprévisibles – de la mode, car nous étions habillés mais non vêtus comme des roitelets, ni comme des petits princes, plutôt comme des valets et de simples serviteurs). 


© M. MM


Mère, tu parles avec ton cœur, tes mains, tes yeux, tu promènes sur chacun un regard positif, mais sévère, plein de cette tendre sollicitude qui s'inquiète à la fois du bien-être et du savoir-être de ses enfants.

Avec trois ficelles tu faisais un panier, tu rafistolais les choses pour les faire durer, et servir. 

Ainsi va ta vie, sur sa fin maintenant, selon les critères d'un monde en déshérence fondamentale avec les capacités maximales dont nous a dotés la vie.

Sur sa fin : en ce sens se collectent les choses, en ce mot un peu raide qui semble être le but ultime du film-épopée de la vie : The End. 

Un mot terrible par ce qu'il signifie en fait : on passe à autre chose, on tourne la page, la dernière du journal de l'amour, on rouvre une autre boutique, on termine puis on s'en va (chacun vers sa propre fin, vers son miroir aux alouettes, vers son apothéose de poussière, vers le dernier café-crème de l'ontose).

La vie dévide ainsi sa bobine comme on démêle l'écheveau intriqué d'un monde ancien, pour en refaire un nouveau juste après, nouvelle saga, nouveaux décors, les mêmes gestes pourtant, comme gravés dans le microsillon de tes rides, et transmis de façon subtile à travers le grand-livre des années passées, des années perdues, des années qu'on ne rattrape plus.

Des années laides de nos vies ratées.

Ou bien remplies. 

C'est selon.



dimanche 26 mars 2017

Comme un passant... qui reste...





Je pense et je divague. 

Ce n’est pas là renouveler le mot, le monde du mot. 

C’est piétiner allègrement les galeries et les bandes-son (assez plates souvent) de Sa Majesté des Louches. 

Mauvaise pioche. 

Je pense donc je me dé-truis, je perds le sens secret, anagogique, de mes années passées, aussi bien que le vocable familier et la phrase bien née. 

Tous les dimanches je devrais écrire, passer mon après-midi à écrire. 

Ce serait un peu de fleurs séchées autour de mon gilet de sauvetage. 

Que de paroles vraies restent cachées en soi, qui demandent l’humidité de l’encre pour s’épanouir, grandir, se multiplier.




mercredi 22 mars 2017

Aux rhéteurs du Palais




(Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé serait fortuite et involontaire.)




Un éléphant aux pattes très sensibles
faisait le tour des armées indicibles

Il a rencontré un rhino-dendron
avec un très joli chignon
Sur sa corne glacée
A l'oignon

Ça a fait du remous dans les couloirs de l'assemblée
Et les gens se sont posés des questions en effet

Cascades de cheveux et rivières de diamants
comme des orifices couleur de firmaments

Pour les initiés ça posait pas de problème
Ont dit les artificiers à tous ceux qu'ils aiment

Lais de papier peint dans le frou-frou du Très-Saint
Comme un rire au gosier d'un établi d'étain

Par hasard la chose se sut comme un bonbon collé
Aux basques de la ville - aux marches du Palais

Et comme tout s'ébruite dans ce monde antilope
Alors on dit de lui : "Ad patres ! Et hop !!!"

Est-ce que je dois m'envoler vers d'autres cieux 
Dit le philosophe aux pattes d'éléphant

(Un peu désarmé par le chant des rouges-queues)
Pour échapper aux regards moqueurs des permanents ?

Car tout dans ce bas monde est acheté par l'argent
Sauf l'amour, le vrai, évidemment.





dimanche 19 mars 2017

Le tigre et le cyclone intérieur (servage et sevrage)






Ses volontés sont des exigences de justice et d'égalité (des chances et des malchances), des vérités qu'elle tend à ériger en réalités communes, universelles. 

Elle fait le beau temps par sa présence et la pluie ou le grain en son départ. 

C'est du moins ce que j'ai ressenti quand nous nous sommes quittés à Port Vila. 

Tempête entre deux oreilles, sous un crâne ou dans un cœur, pour moi, avec cyclonisation de mes perceptions sensorielles, une radicalisation de mes recherches d'absolu. 

Sans aucun absolutisme.

Cela, c'est le symptôme, car elle est -était ?- pour ainsi dire mon inconscient. 

Mais trêve de parlure égocentrée, disons que la force qui nous anime, nous, ses enfants désolés, c'est son amour, qui irradie tel un foyer allumé, un focus, un centre dans nos for intimes. 

Nous ne le reconnaissons pas toujours, c'est vrai. Et c'est dommage.

Mais au fond, tacitement, elle nous dit : vivez en moi, vous mes enfants, vivez en paix et en joie. 

Dans les privations – et c'est là le problème qui nous révolte quelque peu – dans l'accouchement difficile et solitaire de vous-mêmes. 

Dans les retouches incessantes de votre personne, dans l'ascèse et sa répétition.




mercredi 15 mars 2017

Retrouvailles




Tiens ! toi ici ! 
Le monde est si petit 
Je te croyais parti
au zoo
Avec nos amis 
les animaux

Le monde est si petit !
Comme un mouchoir de roche 
un astéroïde de poche
dans la profonde nuit
de nos rêves
de nos trêves
d'ahuris
de nos vies
équarries

Le monde est petit :
tu m'avais dit : demain !
On se retrouvera
A Paris ou Bali...
Après bien des ennuis
je te retrouve enfin
aujourd'hui

Et nous serrons nos cœurs
Dans l'âtre du malheur
On a brûlé nos rires
Etonnés
L'un contre l'autre
comme deux vieux amis

Réunis...





lundi 13 mars 2017





Il est là, entier, comme un grand mystère au milieu de sa vie, comme un père qu'elle n'a jamais eu, comme un être voilé mais compatissant, attifé d'une force bienveillante qui irradierait jusqu'en son tréfonds. 

Dieu, Personne bien vivante au creux de son oreille, Dieu qui sauve et qui juge, drapé alors d'une froide et hautaine austérité ce me semble, au fond de la chapelle symbolique de sa vie. 




Plinthe de son intérieur, la croyance vient harmoniser le décor et accommoder les contraires. 

Rien n'est plus monolithique chez elle que sa foi, indivise, entière sans lui communiquer pour autant un zèle de fanatique. 

Elle est un peu comme Elsa Triolet, une « fanatique douce », pleine de l'assurance logique et vraie que communique la foi quand elle s'assoit sur un fondement, sur des raisons valables, quand elle s'est bâtie sur un raisonnement, sur la/une connaissance. 

Elle a ce que St Pierre dans ses lettres appelle « une foi ». 

Bancale parfois, mais assez robuste car nourrie à une même et unique source.




samedi 11 mars 2017





"J'en viens alors à me demander si la belle et touchante iconographie de l'Abbé Pierre n'est pas l'alibi dont une bonne partie de la nation s'autorise, une fois de plus, pour substituer impunément les signes de la charité à la réalité de la justice"
- Roland Barthes



By the way did you open my heart and see what is inside ?

By the way will you open my letter and listen to me for just a little while ?

Yours sincerely,
The Black Virgin








jeudi 2 mars 2017

Le feu de bois





Dans un pays lointain
Un homme au visage de parchemin

A rencontré la vie 
A rencontré l'amour

Il est revenu là
Comme un porteur de bois

Et a versé son sang
Dans le creux de nos rangs

Vois-tu l'étranger
Ce pays si lointain

A pour nom amitié
Et pour donner sa main

A tous les assoiffés
Les exclus les damnés

Il t'a tendu la mienne
Jusqu'à c'qu'elle te parvienne

Accepte-la si tu veux
Tope dans la paume du Vieux

Et ainsi tu auras 
Le sourire de la loi

Et l'amour du grand Roi
comme un grand feu de bois