lundi 2 avril 2018

Extrait d'un mémoire sur l'Actualisation verbale : Freud et les actes langagiers manqués


Freud et les actes langagiers manqués


Freud, esprit pénétrant s’il en fut, ne s’est pas laissé tromper par le caractère apparemment aléatoire des actes manqués, mais y a presque d’emblée reconnu une marque de l’action de l’inconscient sur l’individu. Il est reconnu maintenant que nos actes sont la traduction de notre état intérieur, et qu’il ne faut donc pas dissocier notre moi profond de notre moi « extérieur » ou externe. La périphérie est au centre pour ainsi dire, et le sujet est voué à dévoiler sans le vouloir ses pensées profondes, inconscientes, cachées, par des actes ou des oublis significatifs. Le langage n’échappe pas à cette règle générale, étant le reflet de nos états d’âme et de notre inconscient.
Nous pensons que l’actualisation - en tant qu’opération mentale dont nous avons vu le « tuilage » des instances - est directement concernée par l’approche de Freud sur la « psychopathologie de la vie quotidienne » pour reprendre le titre de cet ouvrage célèbre paru en 1901, et réédité complété plusieurs fois du vivant de son auteur. En effet, les défauts d’actualisation ou oublis, ont été étudiés par Freud dans les chapitres un à trois de son ouvrage. Freud donne de nombreux exemples avec force détails, qui montrent le caractère non anodin de l’oubli des noms propres, des mots d’origine étrangère et de suites de mots. Ces oublis revêtent une importance qui peut s’avérer capitale dans la compréhension de la personne intime qui les commet. Le « vouloir-dire » pour reprendre l’expression guillaumienne n’est pas toujours un « savoir-dire » : il y a loin comme de la coupe aux lèvres. Des notions associées interviennent dans les mécanismes d’oubli (souvent partiel d’ailleurs) (...) La psychanalyse permet heuristiquement de donner un sens –caché au premier abord- à ce refoulement, lequel a lieu dans l’instance de l’à-dire, c’est-à-dire avant le seuil d’actualisation qui se déplace temporellement sur la ligne de la parole prononcée. Ainsi le conscient est du côté du discours ou de la parole, et la langue se trouve, elle, du côté de l’inconscient. Les idées-écrans (Deckeinfälle « idées-écrans qui viennent ») ne sont elles pas refoulées vers l’inconscient, mais elles peuvent en venir plus facilement que l’idée refoulée, et s’actualiser par la réflexion introspective. Ainsi le note Freud :
Berlin, le monde va changer...
« Lorsque j’analyse les cas d’oubli de nom que j’ai observés sur moi-même, je trouve presque régulièrement que le nom qui est victime de rétention possède une relation à un thème touchant de près ma personne et qu’il est capable de provoquer en moi des affects puissants et qui me causent souvent de la gêne. (…) le nom qui se soustrait aurait effleuré en moi un « complexe personnel ». La relation qu’a le nom à ma personne est une relation inattendue, généralement établie par l’intermédiaire d’une association superficielle (caractère équivoque d’un mot, homophonie) ; on peut la caractériser, d’une façon générale, comme une relation latérale. » (1901/1997 : 65-66)
Les lapsus, c’est bien connu, peuvent de même être révélateurs, jouer le rôle de dévoilement de la pensée secrète ou semi-secrète qui nous anime. Ainsi ma mère regardant Bernard Tapie à la télévision en train de chanter « J’aurais voulu être un artiste », me fit cette remarque quelque peu étonnante dans sa bouche (elle qui est plutôt puritaine) : « Il chante en play-boy » (visiblement plutôt en play-back…) Elle avoua que son charme, en fait, ne lui était pas indifférent. Freud note dans son ouvrage augmenté au fil des années un certain nombre de lapsus faits en allemand, évidemment. Il donne l’explication suivante :
« (…) régulièrement, le facteur positif qui favorise les fautes d’élocution – le flot non inhibé des associations – et le facteur négatif – le relâchement de l’attention inhibitrice – obtiennent ensemble leur effet, ce qui fait que l’un et l’autre ne sont que des facteurs différents du même processus. C’est qu’avec le relâchement de l’attention inhibitrice le flot non inhibé des associations entre en activité ; ou, pour dire les choses sans laisser prise au doute : du fait de ce relâchement. » (ibid. : 121)
Ainsi l’actualisation – et Freud a montré qu’elle pouvait être « fautive » aussi bien orale qu’écrite1 – est formatée par le jeu des pulsions conscientes et inconscientes qui sont souvent en conflit. L’auteur de la méthode psychanalytique le rappelle dans le dernier chapitre de son livre :
« Un seul fait signifiant peut être retenu de ces investigations ; plus la motivation de l’acte manqué est innocente, moins la pensée est choquante et, partant, moins elle est capable d’accéder à la conscience, et plus il devient facile aussi de résoudre le phénomène quand on lui a accordé son attention ; les lapsus les plus légers sont aussitôt remarqués et spontanément corrigés. Là où la motivation est due à des motions vraiment refoulées, alors il est nécessaire, pour trouver la solution, de faire une analyse minutieuse, qui peut elle-même par moments buter sur des difficultés ou échouer » (ibid. : 439-440)
(...)
Le mot B, traduction d’une pensée inconsciente, elle-même générée par une pulsion non moins inconsciente, prend la place du mot A, qui est reversé dans l’inconscient immédiatement, mais qui peut resurgir très facilement en général. Parfois le lapsus est un mélange de deux mots, et donc la construction actualisée se trouve être différente de ce schéma de base. Le remplacement d’un mot par un autre surgi de l’inconscient, peut parfois se répéter sans que le sujet s’en rende compte.
A partir de là, on en arrive aux troubles de l’élocution qui ne sont plus à proprement parler des lapsus, « parce qu’ils portent préjudice, non pas au mot pris séparément, mais au rythme et à la réalisation du discours tout entier, comme par ex. le balbutiement et le bégaiement dus à l’embarras. Mais, ici comme là, ce que le trouble de l’élocution nous révèle, c’est le conflit intérieur. » (Ibid. : 182) On peut déceler ce genre de trouble même à l’écrit :
« Une façon claire et dépourvue d’ambiguïté nous enseigne que l’auteur est ici en accord avec lui-même, et là où nous trouvons une expression contrainte et contournée, qui, comme on le dit si justement, louche sur plus d’un mirage, nous pouvons identifier la part prise par une pensée compliquante, insuffisamment liquidée, ou entendre la voix étouffée de l’autocritique que fait l’auteur. » (p. 182-183)
Nous pensons que ce que Freud a apporté sur le plan de l’explication des origines inconscientes ou préconscientes de l’actualisation est capital pour la compréhension et la connaissance de l’inconscient. Nous n’avons pas suffisamment de lectures psychanalytiques à notre actif pour en faire une critique actualisée. Notre escapade dans le domaine freudien nous a malgré tout bien plu, et nous recevrons avec joie vos remarques et critiques, qui pourront utilement compléter notre savoir si limité.

Conclusion


Ainsi la vie de l’esprit, quoique complexe, ne se dérobe pas totalement à l’analyse, et l’actualisation, bien définie par Bally et Guillaume et, à leur suite, par les praxématiciens, peut enfin nous apparaître, partiellement émergée, dans une approche en partie linguistique, en partie psychologique, voire psychanalytique2. Il n’est pas possible de séparer le sujet psychologique de l’actualisation qu’il effectue. C’est ce que Freud a montré dans ses recherches minutieuses dont nous avons brièvement rendu compte. Les poètes modernes de leur côté ont intuitivement compris et intégré les caractéristiques de l’actualisation (surtout orale).
Les cognitivistes auraient certainement beaucoup à nous apprendre également sur les opérations mentales que nous faisons lorsque nous actualisons des virtualités linguistiques. Mais leur approche nous semble très ardue et nous n’avons pas tenté un examen même superficiel de leurs apports dans le cadre de ce dossier.
Enfin, nous pensons que la notion d’actualisation pourrait constituer un sujet de thèse à elle seule, et que nous n’avons pu embrasser qu’une infime partie de tout ce qu’elle implique, de tout ce qui la complique, de tout ce qui la constitue.
Environs de Berlin
L’actualisation nous intéresse sous ses multiples aspects et nous pensons qu’on n’a pas fini de découvrir des particularités nouvelles dans les divers effets de sens que nous produisons lorsque nous actualisons des unités de la langue. Paul Siblot, dans sa contribution à l’ouvrage collectif sur l’actualisation (Barbéris et al. : 160), donne quelques pistes de recherche sur le sujet, et notamment souligne le fait suivant :
« De façon paradoxale, la praxématique ne s’est pas arrêtée à [la référenciation,] cette manifestation pourtant fondamentale de la relation du langage au réel, qui concerne l’actualisation nominale plus directement que toute autre partie du discours. »
Nous pensons qu’il y a effectivement là un défaut dans la théorie, ou du moins une lacune, et par là nous adoptons un point de vue légèrement distancié sur la complétude éventuelle de la praxématique.
Comme l’ont montré Bally et Guillaume, lequel était chagriné du fait qu’on accorde la paternité de cette notion au co-rédacteur du Cours de linguistique générale plutôt qu’à lui-même, l’actualisation est toujours graduelle, différenciée selon les contextes et est un bon révélateur des richesses de nuances du langage en général. On dit que les langues les plus anciennes découvertes à ce jour étaient d’une complexité très grande, il n’en est pas moins vrai que nos langues modernes recèlent des trésors d’expression et de ressources quasi illimités. C’est pourquoi la linguistique en tant que science du langage nous intéresse aussi profondément. L’actualisation est un des points névralgiques où se meuvent les dynamiques propres à la langue et à la parole, un phénomène-jonction entre les deux mondes intérieur et extérieur, et c’est une des raisons pour lesquelles la praxis de linguistique a intérêt à se prononcer et à continuer la recherche dans ce domaine.

1 Freud donne de nombreux exemples (dans son chapitre 6) de lapsus calami qui montrent encore une fois la force des déterminations inconscientes sur l’orientation du discours élaboré pourtant dans le calme de l’écrit. Par exemple, il écrivit un jour à un de ses parents : « … d’ailleurs, je te recommande, sans plus attendre, d’aller voir le professeur X. pour l’insulter. » Il avait naturellement voulu écrire : « consulter ». La cause de cette erreur lui apparut clairement dès qu’on la lui fit remarquer : il en voulait inconsciemment à ce docteur, qui avait refusé – très peu de temps auparavant - de lui établir un certificat qui était d’une grande importance pour lui…
2 Que la psychomécanique de Guillaume ait fait de nombreux émules (...) la base d’une compréhension dynamique des processus en jeu dans la parole.


le 25 avril 2004, à 17:15



Hôtels, Autels, Ôte-ailes...

Mirrors on the ceiling,
The pink champagne on ice
And she said, 'we are all just prisoners here, of our own device'
And in the master's chambers,
They gathered for the feast
They stab it with their steely knives,
But they just can't kill the beast
Hôtel California - Eagles

- Salut Dédé, comment vas-tu mon ami de la rue ?

- ça va, bien sûr ça pourrait aller mieux, mais bon je me plains pas trop... mais...

- Mais tu serais mieux à l'hôtel ?? non ?

- Ah non ! car comme je suis châtré depuis tout jeune j'ai des problèmes dans les hôtels !!!

- Non mais tu veux rire !!!

- Ah mais non ! dans les hôtels on a des problèmes quand on n'a pas le secret qui permette de se faire bien recevoir, bien traiter, voire d'avoir des avantages... euh... sexuels moyennant échange de bons procédés...


- Comment ! tu prétends que les hôtels sont des maisons de passe ??

- Ben, pas tous bien sûr mais un certain nombre et des chaînes connues, en plus !! Ce sont de véritables lupanars parfois, on échange les conjoints, on fait des petits codes en tapant contre les murs à certaines heures et on se retrouve... à heure fixée d'avance... pour, enfin, tu vois ce que je veux dire...

- Ahan ! Tu m'en bouches encore un coin, mais c'est généralisé ça ?

- De plus en plus, je peux te l'affirmer, car j'ai usé l'élastomère un peu partout en Europe, en Afrique et ailleurs, et je peux te dire que les hôtels sont devenus des lieux de rendez-vous pour Eros et non plus pour le Tourisme seulement !!!

- Ouille ouille ouille, mais il y a pourtant des touristes honnêtes ???

- Oui, bien sûr mais s'ils n'ont pas les codes tu sais ce qu'on leur fait ???

- Non...

- Ils sont carrément mis dans la "chambre maudite" et subissent des mises en danger et atteintes à la santé : oreillers souillés, draps contaminés, tête de lit, etc ! Et en plus c'est souvent le cas de la chambre pour handicapés !!! 

- MAIS C'EST UN SCANDALE !!!

- Oui, Sodome et Gomorrhe ne sont pas loin, seuls les collabos du système moralement déchu peuvent être sûrs d'être bien traités je crois, d'après ce que j'ai vécu et ce que d'autres ont raconté dans leurs pérégrinations à travers le monde...

- Bon sang !!! 

- Ne saurait mentir... 

Signé mon ami Dédé, SDF sans vie sexuelle... officielle... à prendre au conditionnel... je crois, mais je ne suis pas sûr de tout ce qu'il m'a dit...